Le jour où une race cesse d'exprimer sa pensée et ses sentiments dans sa langue, dans cette langue qui a grandi avec elle et s'est forme avec son tempérament ethnique, elle est perdu comme race. La conservation de la langue est absolument nécessaire à la conservation de la race, de son génie, de son caractère et de son tempérament.
L’être le plus matériel, le moins préoccupé des pensées do l’au-delà, n’a pu traverser l’Europe, à cette heure tragique où les peuples les plus civilisés s'apprêtaient à se ruer les uns sur les autres avec la fureur sauvage des hordes barbares ou des bêtes fauves, sans être frappé de l’élan des âmes vers les sommets de la pensée et de la foi.
En trois jours, j’ai vu des spectacles tels qu’on ne les croit possibles que dans les romans héroïques; j’ai entendu des paroles que l’auteur d’un drame encadrerait d’une grandiose mise en scène — et tout cela fait et dit le plus simplement du monde par des gens d’allure presque vulgaire
Dans la cathédrale de Strasbourg, j’ai passé deux des heures les plus longues et les plus courtes de ma vie. Là j’ai vu des femmes, des vieillards, des enfants qui venaient prier pour les absents et pour la patrie; — comme partout ailleurs, sans doute, mais avec quelle angoisse qui n’existait que là! car pour eux, la “patrie”, c’est la France; et le fils, l’époux, le frère, le fiancé, parti sur le chemin de la mort, combat sous les drapeaux du conquérant, de l’ennemi détesté! Peut-on concevoir un drame d’âme plus déchirant?
Bornons-nous à une définition succincte des principes de droit public qui se rattachent à l'objet de cette étude: l'obligation des colonies autonomes en matière de guerre et de défense.
Ces principes peuvent se ramener à quatre:—
Égalité de tous les sujets britanniques devant la loi.
Suprématie du parlement ; interdiction au souverain d'agir sans le concours des représentants du peuple et de son conseil exécutif.
Subordination de l'armée et de la flotte au pouvoir civil.
Illégalité de toute imposition de taxes et de toute appropriation de deniers publics pour des fins de guerre, sans le consentement du parlement.
Le petit peuple canadien-français occupe une situation singulièrement difficile.
Nous sommes les sujets d'une puissance qui fut l'ennemie séculaire de notre patrie d'origine. Notre allégeance politique appartient à une nation que nous pouvons estimer, avec qui nous avons pu faire un mariage de raison, mais qu'il nous est impossible d'aimer de cet amour spontané qui rend faciles la vie commune et les sacrifices mutuels: l'atavisme du sang et nos propres traditions s'y opposent.
Notre fidélité à l'Angleterre ne peut et ne doit être qu'une affaire de raison. En faire le motif de protestations sans cesse répétées, prendre vis-à-vis de l'Angleterre des attitudes d'amoureux transis, c'est nous rendre pour le moins inutilement ridicules.