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Critiques de Henri Droguet (7)
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Le passé décomposé

 

 

Le passé décomposé est un ouvrage composé de quatre parties :

Apocryphe, Cérémonial, Histoire et No man's land.

L'auteur nous invite aux éléments naturels :

l a nuit, " Chaque nuit une autre nuit commence ",



le vent, " le vent découd les lilas las ",



la pluie, " Alors il pleut perfides muses/sur vos empires bleus ",



l'arbre, " un arbre gerce/dans l'effacement chevelu des collines ".





Dieu fait partie intégrante de ses réflexions ,

" des fois Dieu me dévore et/des fois Dieu s'exile ",

/c'était le lieu indécis et natal/l'abîme nu/où gémissait le dieu

marcheur et borgne/et moi   moi   moi/  petit   petit   petit ".



Henri droguet s'interroge et tente des réponses aux questions :

/il faut marcher/vers la demeure et le non-lieu/et la question :

la mort-à-qui/la mort-à-quoi-quoi-quoi ?



/— Regarde renonce/entends/regarde encore/ce que tu cherches

/te trouve quelquefois   regarde/et tiens ta langue.





L'auteur manie également le jeu de mot :

/Au loin /par les déserts on crie/mortel cortège miroir

/éternel et terne aile/des mots aux pages mortes





Par ailleurs, des tautologies émaillent le poème :

/et une fois/les sapins sonnent sombre

/l'ivraie fanait   farouche





Enfin ses textes transpirent la poésie libre, la langue inventée

et souvent inattendue :

/le pouillot émiettait modestement son chant/et pépé cœlacanthe

regagnait l'abîme avare et bleu/peut-être on a parlé/on déparle







Ainsi et tels ces quelques lignes poétiques, qui j'espère, retiendrons

votre attention comme ils ont su capter la mienne.





" Apocryphe

Chaque nuit

une autre nuit commence

les mots — les beaux naufrages —

sont plus lointains

le vent découd les lilas las

et l'herbe de guingois



Alors il pleut perfides muses

sur vos empires bleus

et les champs phlégréens

la cendre est falsifiée

la mer multiple s'écaille et dépareille

un arbre gerce

dans l'effacement chevelu des collines



vive vorace

coriace flibuste

les corneilles picotent un champ d'équarrissage

— parfum de tristesse et de chair —



le jour est paille

aux beaux états pendus

et les bas lieux des maisons rouges



tout doux la porte grince

dans la stupeur (nuages

vagues volailles)

l'odeur des fumeries

le rot des vent territoriaux

les très menues lumières littorales



des fois Dieu me dévore et

des fois Dieu s'exile

alors je suis Ses restes et

dites : Quoi Qui

passait au double fond du ciel

tourbe bleue

empêtrement d'étoupe et ronce

foudres perdues



on vit sous ça

et l'amour tout bonnement fait

je soliloque et me remembre

p.12-13





" Apocryphe

Toujours je dis

le désert

          le feu presque-parfait





ce qui est fait

n'est plus à faire

la paix c'était dessous les robiniers

dans les nuits forestières

c'était le lieu indécis et natal

l'abîme nu

où gémissait le dieu marcheur et borgne

et moi   moi   moi

  petit   petit   petit

qui vais rêvant de la fourrure bleue des cargos

dans un quelconque crépuscule

p.14





" Apocryphe

soudain le jour épais

les fagots se dépouillent

les eaux sont déliées

le mur inévitable approche

et je ne marche plus

la voie est là pourtant unique et droite

et sans étape ou bonne auberge

il faut marcher

vers la demeure et le non-lieu

et la question : la mort-à-qui

la mort-à-quoi-quoi-quoi ?

                      comme jamais



soudain

la pluie ravale les enclos

les prairies surgelées

le vent trop long boueux le   ciel

trop familier c'est un meuble

foutu

le rire malveillant des bêtes

l'aile tranchée d'un ange

au fouillis noir des trônes et dominations

l'oiseau prédicateur

l'idée du feu   le feu

le lait sur une épave

le bon plaisir pour faire place nette

au miroir nu devant

p.17-18





" Apocryphe

— Regarde renonce

entends

regarde encore

ce que tu cherches

te trouve quelquefois   regarde

et tiens ta langue

p.19





" Cérémonial

APOPHATIQUE

On zieute

on sent la solitude

l'approche des ténèbres

le vent câlin déchante

les passereaux divaguent

dans le désordre des pavots

la nuit nouvelle ankylose les chiens



Au loin

par les déserts on crie

mortel cortège miroir

éternel et terne aile

des mots aux pages mortes

où s'efface — neuf et terrible —

quelques sanglots

dernier dérisoire

anonyme

        où sont le désespoir le rire et la terreur ?

        éloigne-toi   fauche

        et lorgne le pain

        brise tes lampes

contre le temps la mort

le flux sanglant et les suées



regarde

le mur pue

l'horloge mange et c'est justice

la pluie hache et fouit comme nunc et semper

un cargo gris fonce aux îles

l'arbre blanchi s'essouffle

                       et, dis :

Te suffis-tu

héraut noirâtre de l'Hadès ?



(Ô le beau rêve

il n'a pas plu   j'entends

la pluie confuse à même l'herbe en quarantaine)



                               28 novembre 1989

p.27-28





" Cérémonial

APOCALYPSE

et une fois

j'ai été mort

chétif nuageux regardeur

tout entier vent

couteau vapeur lumière

micron miré à l'énorme onde

et la flaque

naufrages provisoires



et une fois

le vent ne gémit plus

la mer marraine étale

son chahut foudroyé

il faut tenter cent vies

le triomphal fourgon des gares mortes

la paix le roc accore

l'ondée la belle ouvrage

au ciel tartare et quasi bleu



et une fois

les sapins sonnent sombre

la nuit dépeuple ses taillis

le sommeil aigre

et sa pâture nous ennuient

mais le jour cogne et coupe

                       la parole



et dans les mitans

               moi

               mon aboi

               moi comme

à ne pouvoir   mot-dire.



                         11 décembre 1989

p.29-30





" Cérémonial

FEUILLET

Jadis

si je me souviens bien

je suis sur la route

la boue sera rouge et noire

le feu brûlait la ruelle

l'ivraie fanait   farouche



adieu jeune déluge adieu l'azur

vieilleries

cela ne comptait plus



Quand l'été s'acheva

c'était toujours l'hiver

il y eut beaucoup d'ombre

je me cachais dans la lumière

je courais

j'avais rêvé

            Dieu mourra promptement

et je buvais du petit-lait

le ciel arraché n'étais rien que le ciel

le vent menu grondait

le pouillot émiettait modestement son chant

et pépé cœlacanthe regagnait l'abîme avare et bleu

peut-être on a parlé

on déparle

        (c'était pour commencer)

mais un jour on ne marcherait plus.



                                9 avril 1990

p.33-34





" Histoire

Plus tard la terre est chevelue

nous marchons vers la fosse

qui porterait son nom

il m'a dit :

« Petit con

les nuages meurent aussi »

puis nous avons bu du vin

presque bleu

            et l'ombre

escaladait l'arbre aux hulottes

(ses derniers mots : « Attends-moi

car je ne viendrai pas. »)

p.81





" Histoire

La steppe énorme des étoiles

la désarmante tendresse des bourrasques

l'intérieur clapotis des boues

l'aboi d'orgue souterrain   les vents

craquent croquent

tourniquent

pompeux poncifs

poncent mastiquent

l'os et l'if

tout naturellement

l'herbe naît

les grillons goutte-à-gouttent

alors il est 10 h

les moissonneurs aiguisent

adroitement leurs faux

le corbeau craille et juche

à l'ondulant tentacule à verrues

d'un platane   les loups

hurlent t'avec les loups

p.82





" No man's land

MANDALA

Le ciel débarbouillé

le vent goulu sur l'estuaire

un martin-pêcheur faufile à la va-vite

sa navette facile

la rafale d'un pic-vert

la minutieuse   la mésange

charbonnière becquette un faux bourdon

cesse file et siffle

dans un bosquet d'acacias

vers les quais



La pâquerette ne dit rien

je ne dis plus

Dans quarante ans

Je dis Il y a

    quarante ans



Rue Morte un compresseur pétarade

Je bois mon vin.



                                18 avril 1993

p.98





" No man's land

PALABRES

L'enfant s'est levé tôt

il regarde une statue dans les yeux

il pleure

la pluie lave une moissonneuse

un lavoir perdu et l'ossuaire

l'arrière-boutique aux morts

l'anonyme abattis

la réserve aux résurrections

à tambourins et trompes

le mécano — tibias côtes et crânes —

d'Ézéchiel et consorts

les oiseaux se rencognent et bavardent

dans l'if grondeur

et le fouillis commun d'une aubépine



au bout du monde il y a

une nuée lenticulaire

et lourde comme un mot

un dériveur tire des bords

sur la rase mer et la rade



oui oui murmura un promeneur

s'aimer tout deux

tout doux dans l'aube

mais la vie ma belle

on n'en revient pas

ses lèvres trembleront



alors il y aura la caillasse

et des feux d'herbes

sur trois collines

il dira

     Tout est vieux.



                                9 mai 1993

p.103-104

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Albert & Cie : Histoire

Voici un livre ô combien gouleyant, porté par une écriture vive et jubilante où l'ironie mordante se fait parfois cynisme, mais toujours souriant. Frédéric Dard n’aurait pas renié certaines des saillies de ce texte. Un style alerte, piquant et gouailleur, au vocabulaire impeccablement précis, choisi, jusque dans certains termes rares (moscoutaire, bragues, achôtre, halitueux, mucre, etc.) ou argotiques, et d’autant plus pertinent qu’il n’est pas attendu pour un tel sujet. Une chronique historique (ah, 68 !) qui traverse, en sautillant, un demi-siècle, brossée avec brio. Dame, ça se lit comme on boit du petit lait. Henri Droguet, poète, estime que « la prose c’est la continuation de la poésie par d’autres moyens ». Dont acte.
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Toutes affaires cessantes

Le titre du dernier ouvrage d'Henri Droguet laisse à penser qu'arrivé à cet âge de la vie, il y a comme une urgence à dire, à chercher des réponses aux questions existentielles. Mais s'il y a urgence, il ne doit pas y avoir précipitation et Henri Droguet est un de ces ciseleurs de vers qui prennent le temps de choisir le seul mot qui puisse convenir à son propos. Tel le joaillier, il assemble les mots pour les unir en un bijou d'inventivité dans les délices du désordre, des divagations, désarticulations, dislocations, devinettes, et autres tambouilles et ratatouilles, kyrielle ribambelle, rébus, prismes et miroirs. Les mots, le vocabulaire si riche de l'auteur. Nommer, préciser, tout ce que peu d'écrivains font désormais, dans le désordre des mots si bien arrangés (on pourrait aussi parler de jardins anglais), pour souligner l'incohérence du monde et s'interroger sur sa propre place dans cette époque opaque.



On retrouve dans ce nouvel ouvrage tous les

éléments indissociables de l'auteur normand de naissance et breton d'adoption : la mer, le vent, la pluie, et donc la météo marine, "les souffles tempestifs des bourrasques", les oiseaux ("la dérive accablée des corneilles, la rousserolle effarvatte s'effare et se carapate"), les végétaux ("arpents de seigle matricaires & potentilles") etc. Henri Droguet nous invite à l'accompagner, "Toutes affaires cessantes" donc, dans une promenade centrée sur l'observation du monde, tous sens en éveil, en conservant le regard affûté d'un Petit Poucet rêveur.



Et toujours aussi la malice d'Henri Droguet à tirer la langue hors de ses retranchements.

Aux lecteurs aimant être emmenés dans des chemins foisonnants, quasi impénétrables, où l'on bute régulièrement sur une expression disparue, une référence cachée, aux lecteurs ne craignant pas d'ouvrir le dictionnaire régulièrement, découvrez la poésie d'Henri Droguet. Une poésie qui demande autant d'exigence au lecteur qu'à l'auteur lui-même, mais aussi et surtout une poésie avec l'humour et le détachement qui font de sa lecture un plaisir.



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Faisez pas les cons !

Dans une langue étudiée où se frottent les adjectifs inattendus et surprenants, ces huit nouvelles surprenantes décrivent des situations qui semblent banales mais qui dérapent.
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Le contre-dit

Un de nos meilleurs poètes français contemporains, encore trop mal repéré. Une voix unique, attachante, distanciée et magnifiquement maîtrisée.
Lien : http://poezibao.typepad.com/..
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Ventôses

lyrisme tranquille - voix simple mais le goût des mots de la terre - creuser sans violence, presque en silence, et profond
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Désordre du jour

Recueil de poésies, absurdes. Beaucoup d'humour et de jeux de mots.
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