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EAN : 9782070737079
107 pages
Gallimard, 1994 (08/04/1994)
4/5   1 notes
Résumé :
Chaque nuit une autre nuit commence les mots - les beaux naufrages - sont plus lointains le vent découd les lilas las et l'herbe de guingois
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
 
 
Le passé décomposé est un ouvrage composé de quatre parties :
Apocryphe, Cérémonial, Histoire et No man's land.
L'auteur nous invite aux éléments naturels :
l a nuit, " Chaque nuit une autre nuit commence ",

le vent, " le vent découd les lilas las ",

la pluie, " Alors il pleut perfides muses/sur vos empires bleus ",

l'arbre, " un arbre gerce/dans l'effacement chevelu des collines ".


Dieu fait partie intégrante de ses réflexions ,
" des fois Dieu me dévore et/des fois Dieu s'exile ",
/c'était le lieu indécis et natal/l'abîme nu/où gémissait le dieu
marcheur et borgne/et moi   moi   moi/  petit   petit   petit ".

Henri droguet s'interroge et tente des réponses aux questions :
/il faut marcher/vers la demeure et le non-lieu/et la question :
la mort-à-qui/la mort-à-quoi-quoi-quoi ?

/— Regarde renonce/entends/regarde encore/ce que tu cherches
/te trouve quelquefois   regarde/et tiens ta langue.


L'auteur manie également le jeu de mot :
/Au loin /par les déserts on crie/mortel cortège miroir
/éternel et terne aile/des mots aux pages mortes


Par ailleurs, des tautologies émaillent le poème :
/et une fois/les sapins sonnent sombre
/l'ivraie fanait   farouche


Enfin ses textes transpirent la poésie libre, la langue inventée
et souvent inattendue :
/le pouillot émiettait modestement son chant/et pépé coelacanthe
regagnait l'abîme avare et bleu/peut-être on a parlé/on déparle



Ainsi et tels ces quelques lignes poétiques, qui j'espère, retiendrons
votre attention comme ils ont su capter la mienne.


" Apocryphe
Chaque nuit
une autre nuit commence
les mots — les beaux naufrages —
sont plus lointains
le vent découd les lilas las
et l'herbe de guingois

Alors il pleut perfides muses
sur vos empires bleus
et les champs phlégréens
la cendre est falsifiée
la mer multiple s'écaille et dépareille
un arbre gerce
dans l'effacement chevelu des collines

vive vorace
coriace flibuste
les corneilles picotent un champ d'équarrissage
— parfum de tristesse et de chair —

le jour est paille
aux beaux états pendus
et les bas lieux des maisons rouges

tout doux la porte grince
dans la stupeur (nuages
vagues volailles)
l'odeur des fumeries
le rot des vent territoriaux
les très menues lumières littorales

des fois Dieu me dévore et
des fois Dieu s'exile
alors je suis Ses restes et
dites : Quoi Qui
passait au double fond du ciel
tourbe bleue
empêtrement d'étoupe et ronce
foudres perdues

on vit sous ça
et l'amour tout bonnement fait
je soliloque et me remembre
p.12-13


" Apocryphe
Toujours je dis
le désert
          le feu presque-parfait


ce qui est fait
n'est plus à faire
la paix c'était dessous les robiniers
dans les nuits forestières
c'était le lieu indécis et natal
l'abîme nu
où gémissait le dieu marcheur et borgne
et moi   moi   moi
  petit   petit   petit
qui vais rêvant de la fourrure bleue des cargos
dans un quelconque crépuscule
p.14


" Apocryphe
soudain le jour épais
les fagots se dépouillent
les eaux sont déliées
le mur inévitable approche
et je ne marche plus
la voie est là pourtant unique et droite
et sans étape ou bonne auberge
il faut marcher
vers la demeure et le non-lieu
et la question : la mort-à-qui
la mort-à-quoi-quoi-quoi ?
                      comme jamais

soudain
la pluie ravale les enclos
les prairies surgelées
le vent trop long boueux le   ciel
trop familier c'est un meuble
foutu
le rire malveillant des bêtes
l'aile tranchée d'un ange
au fouillis noir des trônes et dominations
l'oiseau prédicateur
l'idée du feu   le feu
le lait sur une épave
le bon plaisir pour faire place nette
au miroir nu devant
p.17-18


" Apocryphe
— Regarde renonce
entends
regarde encore
ce que tu cherches
te trouve quelquefois   regarde
et tiens ta langue
p.19


" Cérémonial
APOPHATIQUE
On zieute
on sent la solitude
l'approche des ténèbres
le vent câlin déchante
les passereaux divaguent
dans le désordre des pavots
la nuit nouvelle ankylose les chiens

Au loin
par les déserts on crie
mortel cortège miroir
éternel et terne aile
des mots aux pages mortes
où s'efface — neuf et terrible —
quelques sanglots
dernier dérisoire
anonyme
        où sont le désespoir le rire et la terreur ?
        éloigne-toi   fauche
        et lorgne le pain
        brise tes lampes
contre le temps la mort
le flux sanglant et les suées

regarde
le mur pue
l'horloge mange et c'est justice
la pluie hache et fouit comme nunc et semper
un cargo gris fonce aux îles
l'arbre blanchi s'essouffle
                       et, dis :
Te suffis-tu
héraut noirâtre de l'Hadès ?

(Ô le beau rêve
il n'a pas plu   j'entends
la pluie confuse à même l'herbe en quarantaine)

                               28 novembre 1989
p.27-28


" Cérémonial
APOCALYPSE
et une fois
j'ai été mort
chétif nuageux regardeur
tout entier vent
couteau vapeur lumière
micron miré à l'énorme onde
et la flaque
naufrages provisoires

et une fois
le vent ne gémit plus
la mer marraine étale
son chahut foudroyé
il faut tenter cent vies
le triomphal fourgon des gares mortes
la paix le roc accore
l'ondée la belle ouvrage
au ciel tartare et quasi bleu

et une fois
les sapins sonnent sombre
la nuit dépeuple ses taillis
le sommeil aigre
et sa pâture nous ennuient
mais le jour cogne et coupe
                       la parole

et dans les mitans
               moi
               mon aboi
               moi comme
à ne pouvoir   mot-dire.

                         11 décembre 1989
p.29-30


" Cérémonial
FEUILLET
Jadis
si je me souviens bien
je suis sur la route
la boue sera rouge et noire
le feu brûlait la ruelle
l'ivraie fanait   farouche

adieu jeune déluge adieu l'azur
vieilleries
cela ne comptait plus

Quand l'été s'acheva
c'était toujours l'hiver
il y eut beaucoup d'ombre
je me cachais dans la lumière
je courais
j'avais rêvé
            Dieu mourra promptement
et je buvais du petit-lait
le ciel arraché n'étais rien que le ciel
le vent menu grondait
le pouillot émiettait modestement son chant
et pépé coelacanthe regagnait l'abîme avare et bleu
peut-être on a parlé
on déparle
        (c'était pour commencer)
mais un jour on ne marcherait plus.

                                9 avril 1990
p.33-34


" Histoire
Plus tard la terre est chevelue
nous marchons vers la fosse
qui porterait son nom
il m'a dit :
« Petit con
les nuages meurent aussi »
puis nous avons bu du vin
presque bleu
            et l'ombre
escaladait l'arbre aux hulottes
(ses derniers mots : « Attends-moi
car je ne viendrai pas. »)
p.81


" Histoire
La steppe énorme des étoiles
la désarmante tendresse des bourrasques
l'intérieur clapotis des boues
l'aboi d'orgue souterrain   les vents
craquent croquent
tourniquent
pompeux poncifs
poncent mastiquent
l'os et l'if
tout naturellement
l'herbe naît
les grillons goutte-à-gouttent
alors il est 10 h
les moissonneurs aiguisent
adroitement leurs faux
le corbeau craille et juche
à l'ondulant tentacule à verrues
d'un platane   les loups
hurlent t'avec les loups
p.82


" No man's land
MANDALA
Le ciel débarbouillé
le vent goulu sur l'estuaire
un martin-pêcheur faufile à la va-vite
sa navette facile
la rafale d'un pic-vert
la minutieuse   la mésange
charbonnière becquette un faux bourdon
cesse file et siffle
dans un bosquet d'acacias
vers les quais

La pâquerette ne dit rien
je ne dis plus
Dans quarante ans
Je dis Il y a
    quarante ans

Rue Morte un compresseur pétarade
Je bois mon vin.

                                18 avril 1993
p.98


" No man's land
PALABRES
L'enfant s'est levé tôt
il regarde une statue dans les yeux
il pleure
la pluie lave une moissonneuse
un lavoir perdu et l'ossuaire
l'arrière-boutique aux morts
l'anonyme abattis
la réserve aux résurrections
à tambourins et trompes
le mécano — tibias côtes et crânes —
d'Ézéchiel et consorts
les oiseaux se rencognent et bavardent
dans l'if grondeur
et le fouillis commun d'une aubépine

au bout du monde il y a
une nuée lenticulaire
et lourde comme un mot
un dériveur tire des bords
sur la rase mer et la rade

oui oui murmura un promeneur
s'aimer tout deux
tout doux dans l'aube
mais la vie ma belle
on n'en revient pas
ses lèvres trembleront

alors il y aura la caillasse
et des feux d'herbes
sur trois collines
il dira
     Tout est vieux.

                                9 mai 1993
p.103-104
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Histoire


Si peu que rien la grive
à son écholalie
les jusants las   les glas
cassants très loin vers des collines
polymorphes et des vallées
bréhaignes grises
le sifflement cadencé des balises
aux parages marins de Thulés improbables
la glace et le chaos
nécessaire
géométrie variable infertile
d'Orion Rigel et Bételgeuse
argenteries
meute   à la nuit   morne et morte

domestiques gaietés
rêves paramnésiques
l'épars sempiternel et nul
fracas humain

p.77
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Histoire


Je dis   Je

Je dis   Ce lieu ne peut
       pas être un autre
       la perte n'est pas sûre

Je dis   Ce que tu ne peux pas taire
       dis-le    dis-le
        vaille que vaille.

p.84

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Cérémonial


POURPARLER

C'était l'écrasant bleu céleste
et la soif
l'adieu aux larmes
la ruine millénaire
la pluie déjà le merle et son pipeau
sur les genêts
c'était devant les portes infernales
— l'Invisible gouverne
la voix est désossée —
la douteuse ferraille des seigneurs et des dieux
provisoirement immortels
le beau vertige forestier
les neiges incertaines
et ma rêveuse trace
l'éternité peut-être
— jusqu'à quand ? —

le vent avait guéri nos songes
ce fut l'aube et la perte
et je me tais.

                                12 juillet 1990

p.35
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Cérémonial


PROGRAMME

Il faut quitter le Styx
les funèbres méandres
il faut passer la nuit
les mots noirâtres et le trou
la mémoire
l'abîme inconnu et rongeur
où trône et tonne en toge
le Dieu fulminant mirifique hydrophile

la nuit
      l'hiver stérile
redevient introuvable
l'aveugle voit sa perte

Déjà le jour est proche.

                         30 janvier 1990
p.32
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