Les cimetières sont, on le sait, la providence des archéologues. Ils livrent des objets, dévoilent des rites, permettent de fixer des dates. Bien souvent, la vie ne se révèle ainsi qu'à travers la mort.
Au début, Autessiodurum n'était qu'un municipe de la cité des Sénons, dont la capitale était l'actuelle ville de Sens (Agedincum Senonum). C'est seulement vers la fin du IIIe siècle, lors de la refonte des subdivisions provinciales par Dioclétien, qu'Autessiodurum reçut le nom de civitas,
avec un vaste territoire qui, pris en partie sur celui des Éduens, s'étendait jusqu'à la Loire, de Gien à Decize.
Sur la rive gauche de l'Yonne, tout près de l'embouchure du ru de Vallan, au moulin du Bâtardeau, on a découvert, au début du siècle dernier, un très beau chapiteau à quatre dieux qu'on peut voir au Musée archéologique des Visitandines ; bien que mutilé, il peut passer pour l'une des œuvres capitales de la sculpture gallo-romaine. L'image d'un dieu jaillit, sur les quatre faces, d'un riche décor de feuillages. Seul, Mercure est aisément reconnaissable. Les autres représentations sont peut-être Mars, Apollon et une divinité féminine. On exhuma en même temps un coin pour frapper des monnaies à l'effigie de l'empereur Tibère et une statue équestre de beau style, hélas, incomplète elle aussi, qui devait surmonter le chapiteau à quatre dieux.
Au cœur même de la Rome païenne, sur ces tombes, pour la plupart barbares, qui se sont greffés sur eux, a surgi l'église, bien plantée sur le site antique, auquel elle a emprunté des matériaux. Et cette église a marqué le cœur du village qui , peu à peu, s'est érigé et façonné.
Contradiction? Non pas. En tout cas, elle est toute apparente. C'est que Montcaret nous offre un cas d'évolution de type courant, une explication tangible de la façon dont nombre de villages ont été fondés et, en quelques sorte, pétris. Le village, tel que nous le concevons et voyons aujourd'hui, n'a pas existé avant le haut moyen-âge. C'est le propriétaire terrien, dont la villa - c'est à dire la résidence du propriétaire - forme le centre, qui, dans les siècles gallo-romains, a été le noyau de la vie campagnarde. Aux périodes troublées, lors des invasions, il était naturel que la villa, dont le luxe devenait inutile et paradoxal mais qui, plus ou moins ravagée, restait en état, servit d'abri pour les vivants comme pour les morts. Quand le christianisme s'est répandu, les premières églises se sont installées dans les villas ou dans leurs abords. Le laraire du maître, là où se pratiquait le culte des dieux familiers de la famille, est devenu oratoire chrétien. les religions se sont succédé sur le même emplacement, d'autant que le christianisme a été souvent introduit par de grandes familles, propriétaires des villas. On sait, d'ailleurs, comment la vieille aristocratie gallo-romaine s'est perpétuée dans l'épiscopat et dan les charges de l'église.
Au moment de la conquête romaine, Lutèce n'est qu'une bourgade cantonnée dans une île de la Seine - la future île de la Cité - et reliée aux rives par deux ponts de bois.
Les châteaux francs sont des décors figés et muets, comme de grandioses allées funèbres où on cherche à replacer les images de la vie. On voudrait pénétrer dans ces domaines secrets, y entendre les palpitations des existences disparues depuis plusieurs siècles.