L’amour passe, ... la communion d’esprit reste.
on s’est longtemps moqué, non sans quelque raison, des parvenus de la fortune ; je ne vois pas pourquoi l’on ne traiterait pas de même les parvenus de l’intelligence ! Et ceux-ci sont moins excusables que les premiers, car leur intelligence devrait précisément les prémunir contre une telle sottise !
Lorsque l’amitié n’est plus utile, sa dignité exige qu’elle se retire.
Henry Gréville, de son vrai nom Mme Durand, née Alice Fleury (1842-1902). Elle vécut de longues années en Russie, où son père s’était réfugié après le coup d’État de 1852 ; rentrée en France en 1872, elle se mit à écrire une quantité de livres, y épuisa sa santé et mourut à Boulogne-sur-Mer en 1902.
Tous ses romans s’attachent surtout à plaire et à amuser ; sans avoir de très hautes qualités, ils ont eu et ils ont encore grand succès auprès des jeunes filles et des jeunes femmes dont l’auteur est le Georges Ohnet et qu’elle appelle « ses amies » ; la saveur russe qui les relève, les aimables choses qui y abondent, la facilité du style, font de quelques-uns d’entre eux — nous ne disons pas tous — de bons livres pour les bibliothèques de famille.
À bannir comme inférieurs, amoraux ou immoraux : La Maison de Maurèze ; Suzanne Normis (histoire d’adultère, réflexions antireligieuses) ; Lucie Rodey (thèse tendant à justifier le divorce) ; Mme de Dreux (d’une moralité suspecte) ; Les degrés de l’échelle (inférieur) ; La fiancée de Sylvie (très scabreux) ; Trahison (immoral ou à peu près) ; Louis Cléopâtre (inférieur) ; Le mors aux dents (immoralités, indécences) ; Un crime (détails répugnants) ; Nickanor (mal édifiant) ; Chénerol (a bien l’air d’être favorable au divorce) ; Mlle de Puygarou (très leste).
À permettre aux grandes personnes : À travers champs (amis, ils sentent l’amour et se séparent) ; Nouvelles russes (quelques-unes très choquantes) ; Un violon russe (longueurs, quelques réflexions contre la Providence et le Saint-Esprit) ; Rose Rozier (triste ménage) ; Clairefontaine (paysanneries, situations lestes); L’ingénue (brise le cœur d’un employé, mais est domptée par un autre) ; Folle avoine (alambiqué, peu intéressant) ; Les ormes (l’amitié entre homme et femme peut exister sans les faiblesses de la chair) ; Franskley (quelconque, plutôt froid et fade) ; Chant de noces ; Louk-Loukitch (peu édifiant, dramatique) ; Un mystère (très intéressant) ; Péril (très passionné et périlleux) ; Vieux ménage (mondain, soigné) ; Zobie (scabreux, honnêtement traité) ; Mamselka (bien conté) ; L’aveu (intéressant) ; L’amie (très passionné) ; Le comte Xavier ; La seconde mère (très intéressant) ; Marier sa fille.
À ranger dans cette catégorie, pour les jeunes filles qui ont d’autres amies plus édifiantes : Les Koumiassine (pauvre jeune fille noble, victime de l’orgueil aristocratique) ; Les mariages de Philomène (tableaux normands) ; Idylles ; L’avenir d’Aline (une mère qui se sacrifie pour sa fille) ; Fidelka ; Le fil d’or (histoires quelconques) ; Bonne Marie ; Angèle ; Comédie de Paravent ; L’héritière ; La princesse Oghéroff ; Aurette ; Céphise (excellent, mais pas religieux) ; Le cœur de Louise ; Dosia (une jeune fille indisciplinée, domptée par un chaste amour) ; L’expiation de Saveli (un des plus remarquables) ; Niania (très honnête) ; L’héritage de Xénie (une Antigone russe, très bien) ; Breuil (glorification du patriotisme) ; Le moulin Frappier ; La fille de Diosa ; Jolie propriété à vendre ; Petite princesse ; Perdue ; Le vœu de Nadia ; Le mari d’Aurette.
L’instruction morale et civique des jeunes filles est à l’Index. (Décret du 15 décembre 1882).
L’abbé Louis Bethléem
Romans à lire et romans à proscrire (1904)
Revue des lectures, 1920 (p. 219-276).
je voudrais que chaque être humain eût un but dans la vie : que ce soit l’art, la poésie, la science, peu importe. Je voudrais qu’un homme ne se contentât pas de vivre heureux et de dépenser son argent, l’argent qui lui vient de la sueur de ses paysans ou du travail de ses pères, d’une façon quelconque, satisfait d’en donner une part à ceux qui n’ont rien. Je voudrais qu’il fît quelque chose, qu’il fût quelqu’un ; je voudrais que ce fût aussi vrai pour les femmes que pour les hommes ; celles-ci ne peuvent payer de leur personne, suivant les lois de notre société !
Les deux cloches de l’église de Haville jetaient dans l’air ensoleillé de midi leurs derniers tintements inégaux, lorsque la Quesnelle, comme on l’appelait dans le pays, Victoire Beauquesne, de son véritable nom, mit la clef dans la serrure de la porte, au moulin Frappier. Son homme venait à quelques pas derrière elle, traînant un peu la jambe par habitude de paysan accoutumé aux sabots, et qui n’aime guère les souliers de cuir. Elle entra résolument, de l’air de quelqu’un qui connaît son affaire, et sans prendre le temps de s’asseoir, ou seulement de respirer, elle alla à l’armoire, pour y reprendre sa coiffe et son tablier de tous les jours.
Ce n'est pas seulement l'apparence extérieure du logis qui doit réjouir un époux, il faut aussi que l'esprit s'y plaise. A l'heure où le père ou l'époux rentre chez lui, après avoir passé sa journée au dehors, il faut que le foyer soit pour lui l'abri où l'on se repose. Les enfants criards, les querelles domestiques, les bonnes qu'on gronde, les visites tardives, qui font reculer l'heure du repas, tout cela doit être épargné à l'homme fatigué qui a besoin de calme...
Que deviendra ta fille, disait madame Béruel, si pour satisfaire ton orgueil tu bannis ton mari, ou si simplement tu lui rends son foyer désagréable ? Quel sera dans la vie le rôle d’une enfant abandonnée par son père, ou fille d’une mère séparée ? Ne sais-tu pas qu’une fille élevée dans de telles conditions ne trouve pas à se marier, et porte seule jusqu’au tombeau le poids des fautes qu’elle n’a pas commises ?
Jamais un trou, jamais une tâche - telle doit être la devise d'une jeune fille soigneuse. Un tout petit trou se répare avec une aiguillée de coton ; s'il s'agrandit, il faut y faire passer toute la pelote, et dépenser beaucoup de temps. On en peut pas éviter absolument les tâches mais on doit toujours, lorsqu'on est exposé à en recevoir, les recevoir sur un tablier ou sur une blouse, qui mette nos vêtements à l'abri ; le travail terminé on ôte le tablier, et l'on se présente aux regards sous l'aspect agréable d'une jeune fille qui vient de faire sa toilette.
Nous sommes trop sérieux pour eux, nous ! Même quand nous rions, c’est en grandes personnes ; il faut aux enfants la société des enfants.