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Critiques de Henry Gréville (24)
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Louis Breuil, histoire d'un pantouflard

On nous a habitué à voir dans un personnage principal une bravoure inébranlable, une perspicacité surprenante . Un héros est pour la plupart du temps accompagné d'actes héroïques, extraordinaires ou tout au moins hors du commun.



Mais dans Louis Breuil: Histoire D'un Pantouflard de Henry Greville, le héros Louis Breuil tourne dos aux actes héroïques, il les réprime au contraire, contre l'avis de sa femme marine qui, elle, se verrait bien dans la peau d'une Jeanne d'Arc si elle en avait l'occasion. C'est un déséquilibre qui s'annonce dans ce jeune couple qui se découvre au fur et à mesure...



Pendant, tous les Français se constitue en des petits groupes de résistance contre l'invasion des prussiens, le noble Louis Breuil s'oppose à toute résistance, il demande aux français quand il en l'occasion de se rendre. Et il se tire de la France avec sa femme. Celle-ci ne l'entend de cette oreille, elle voudrait voir son mari s'associer aux autres et participer à la relève de la patrie...



Quand la guerre prend fin, de retour vers leurs parents, c'est là qu'ils découvrent que chacun a participé à la résistance, et chacun en fait les récits. Des récits qui hanteront à jamais Louis Breuil car face à tous, il se sent simplement un pantouflard...et là il commence à se mourir...



L'auteur nous livre ici un personnage en conflit avec son propre moi, avec lui-même. C'est un livre de la mort dans l'âme, un roman psychologique...



De quoi peut se munir un corps quand l'âme se meurt?
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Les Koumiassine

Un magnifique roman aux allures baroques! On retrouve des thèmes riches de cette période dans Les Koumiassine. Bien que l'histoire se passe en Russie mais on y retrouve des histoires de famille, de titres, de noblesse, de jeunes filles à marier, des jeunes hommes susceptibles de dignité ou pas, des repas en famille, des soirées de bal, des histoires d'amour qui font leur chemin précautionneusement, enfin les choses évoluent avec délicatesse, et cela rend les personnages de plus en plus attachants à force de tourner des pages. Le monde des Koumiassine est un monde où tout doit obéir à doigt et à l'oeil à la comtesse Koumiatisse, une femme ambivalente en laquelle l'autorité s'abreuve au même titre que sa gentillesse, sa stature imposante se fond dans son altruisme, sa ténacité est en guerre permanente avec son amabilité. Mais entre sa fille Zina, courageuse et malicieuse, et sa nièce, Vassili, honnête jeune fille et caractérielle, la comtesse aura des adversaires coriaces qui vont s'en prendre aux ailes responsables de sa nature sombre...quelle épreuve!!!

Belle découverte avec cette autrice du classique dont les œuvres sont passées dans l'oubli!
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La princesse ogherof

Le plaisir de retrouver l'écriture de Henry Greville c'est la délicatesse avec laquelle elle façonne ses héroïnes, dans une période ou le romantisme bat sont plein et que les heroines pour la plupart passive mais chez Henry Greville, elles ont une particularité de se distinguer par leur intelligence et leur perspicacité dans la gestion des crises. Et dans La princesse ogherof, on fait connaissance avec une Marthe Milaguine, une jeune fille d'une bonne famille qui devient La princesse ogherof en épousant le prince ogherof mais c'est un mariage qui n'aurait jamais eu lieu si Pauline la gouvernante de Marthe n'avait pas mis en marche une machination pour détourner sa maitresse de son vrai amour ...mais Marthe n'est ^pas dupe...
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Le voeu de Nadia

Nadia est une princesse russe, soucieuse de voir un monde rempli d'inégalité, opposante aux mariages arrangés dans le milieu aristocratique, elle fait un vœu publiquement, celui d'épouser un homme pauvre...Ohhhhh...



Korsof, un jeune riche, amoureux de Nadia, devant le refus de celle-ci à sa demande de mariage, il renonce à toute sa fortune pour construire un hôpital et décide d'aller à l'université...voici un homme que Nadia considère digne d'elle. Appauvri, il se relèvera par ses propres efforts, c'est à cette issue que Nadia consentit au mariage...



Korsof finit ses études de médecine et offre ses services à l'hôpital bâti avec sa fortune. En côtoyant les pauvres, en leur aidant sous différentes formes, Nadia découvre un autre monde qu'elle n'aurait jamais soupçonné si bien qu'elle déduit simplement que le problème de l'homme ne se situe pas au niveau de la richesse ou la pauvreté plutôt au niveau de sa personne....et quand sa fille Sophie lui demande l'autorisation d'épouser le fils de leur ancien intendant... toute sa philosophie bascule...



Une histoire intéressante, quant à l'écriture, je ne l'ai pas trouvé à la hauteur, trop paisible, moralisante, personnages moins attachants...
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Lucie Rodey.

Un livre qui déshabille l'amour, le démasque, le décortique et le présente nu....



Tout se joue autour de deux couples: les Rodey et les Vatin. Les deux couples vivent dans un déséquilibre total. Les couples prennent conscience de leur erreur dans le choix des conjoints. Ils se seront engagés dans un échangisme seulement l'époque et les législations ne leur en permettaient pas. Malgré tout, cela finira par arriver comme un cas de force majeure...



Contrairement à certains romans d'amour où il suffit d'un clin d’œil pour que Cupidon tire ses flèches, où l'amour se limite aux respirations à couper le souffle, où l'amour reste une passion illusoire, ici, l'amour dépasse les passions, il parle, s'exprime, s'interroge, il se développe, s'éclate comme un abcès au point que parce qu'on aime on prépare se sacrifier...
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Les Ormes

Henry Gréville est le pseudonyme de Alice Marie Céleste Durand née Fleury, née en 1842. J'aime bien découvrir des romans d'autrices du 19ème siècle qui ont pris un pseudonyme résolument masculin pour écrire et l'avènement du livre électronique permet l'accès à tous les écrits, ou presque, qui font partie du Domaine Public.



Pour tout dire il ne se passe pas grand-chose de mémorable : une femme de la haute société parisienne, malheureuse en couple, qui marie sa fille, dorlotée par son père et odieuse avec sa mère, à un homme, gentil et intelligent !



La fille poursuit sa lancée d'odieuse personne, tout au mépris de sa mère et de son mari, ne goûtant que le fait d'être courtisée. Arriva ce qui devait arriver, l'épouse s'enfuit avec un galant, son enfant meurt, son mari et sa mère, malheureux se rapprochent et se découvrent amoureux !



Mais ce sont des grandes âmes et malgré les calomnies ils seront toujours proches sans jamais être amants ! C'est pontifiant, l'âme fière et malheureuse sera sauvée des médisances et la morale est sauve !



Pour dire vrai, c'est rasoir, vraiment et le pseudonyme ne dissimule que très mal l'écriture d'une femme, d'une grande moralité et avec une âme de martyre. Les écrits de la Comtesse de Ségur sont amusants à côté de ceci !



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La seconde mère

On s'offre un réel moment de douceur avec ce roman ! Comment recomposer une famille dont la difficulté serait d'affronter deux belles-mères qui, ayant tiré des ficelles de part et d'autre, ne veulent pas entendre parler d'un remariage pour Richard, veuf depuis quelques mois, et traite d'audace que celui-ci veuille donner à ses enfants une seconde mère. Une tâche aussi rude, d'autant plus que les deux belles-mères se servent des enfants pour rendre à Odile, la seconde mère, une vie de famille insupportable, invivable. Une seule qualité d'Odile donne du ton a ce roman et fait chambouler avec le temps le plan machiavélique de ses belles-mères, c'est la patience. Face à l'inquiétude qui envahit Richard voyant tout s'écrouler autour de lui, surtout l'éducation de ses chers enfants, Odile n'aura qu'un seul mot la patience !

Une histoire quelque peu banale mais traiter avec beaucoup d'ingéniosité, Henry Gréville sait faire évoluer ses personnages et situations ! On y prend forcément plaisir bien que l'écriture ait vieilli!
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Marier Sa Fille

Henry Greville décrit dans ce livre comment Marier Sa Fille peut être une véritable aventure, il ne suffirait pas seulement d'avoir une jolie fille pour prétendre la faire épouser, mais d'autres exigences s'imposent aussi.C'est dans cette fiévreuse aventure que va se lancer impérativement madame Slavsky, étant elle-même une chevronnée aventureuse. Chaque fois que Katia trouve un prétendant, les fiançailles finissent toujours par un échec. C'est inquiétant, alarmant, à la limite tapageur tant Katia est jolie fille, peut-être naïve mais de bonne allure. Face à cet embarras, Ratier, un jeune Italien riche mais qui se fait passer pour un pauvre, perce le mystère. En effet, la cause de ces nombreux échecs n'est autre que la mère elle-même, une femmes aux moeurs fragiles, elle se ruine dans les maisons de jeux, elle s'endette avec insouciance, elle n'hésite pas à laisser sa fille comme otage dans un hôtel parce qu'elle ne peut régler la facture...quel gendre voudrait d'une telle femme comme belle-mère! Entre temps, comment éloigner la fille de sa mère pour parfaire ses moeurs! Un vieux livre, une vieille littérature, un vieux sujet mais l'ambiance est alléchante, vivante!
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Les Ormes



Histoire de malheurs de la haute société.

Flavie est bien malheureuse en couple, l'enfant chérie est une odieuse personne plus elle grandit plus elle est horrible avec sa mère. Il est temps de la marier et l'heureux élu est un homme doux et intelligent qui tiendra sa belle mère en haute estime. Le comportement de l'affreuse jeune fille ne fera qu'empirer jusqu'à délaisser le bébé né de cette union, s'enfuir avec un gentilhomme et plonger mère et époux au centre d'un scandale.

Deuils, rumeurs, Flavie devra encaisser bien des malheurs.

On a souvent envie de la secouer, de la pousser à remettre en place l'enfant pourrie, à redresser la tête, au final ce roman est un peu trop plat et redondant, le conformisme et la bienséance trop rigides, malheureusement c'est l'époque qui veut ça.
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A travers champs

Autour d'un phare une belle petite histoire!
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Louis Breuil, histoire d'un pantouflard

« Grotesque et terrible, ce mot (pantouflard) qualifiait bien ceux qui s'étaient désintéressés de la chose publique d'abord, de la patrie ensuite. Ils avaient déclaré la partie perdue dès le premier jour et n'avaient plus eu qu'un souhait : la paix ! »

Ce n'était pas la bonne époque pour être un lâche notoire comme Louis Breuil, dit "le pantouflard", après la terrible défaite de Sedan.

C'était pourtant le gendre idéal aux yeux des parents de Marine. La famille Sérent se contentait de ce bon parti ; le pantouflard est doux, tendre et riche, un choix confortable et rassurant.



Tout se bouleverse au cours du voyage de noces où les jeunes mariés suivent au jour le jour le déroulement de l'invasion prussienne.

Sans être surprise du tempérament de son époux, ses déceptions se confirment jusqu'à l'écoeurement.

Il commente les premières légères défaites avec une tranquillité étonnante « nous n'y pouvons rien, n'est-ce pas ? Alors, à quoi bon nous affecter ? » tandis que Marine s'inquiète immédiatement pour sa famille et fait naître un sentiment patriotique qui ne décroîtra pas :

« Mais il me semble que c'est mon propre sang qui coule ! Je ne savais pas ce que c'était la patrie ! Je viens de le sentir maintenant ! Et je la vois saigner… »

Remarque qui laisse songeur (car cela supposerait indirectement qu'il faille nécessairement une guerre pour entretenir le patriotisme) : le patriotisme n'est-il pas aujourd'hui un mot obsolète en l'absence de guerre (de vraie guerre inter-étatique) ? N'avons-nous pas d'ailleurs remplacé la guerre par le sport, voire l'économie (l'expression « compétitivité économique ou fiscale » en témoignerait) recréant ainsi un patriotisme artificiel au travers d'une compétition sportive ou économique ?



Louis Breuil ne rate pas une occasion de prouver sa maladresse et sa lâcheté à son épouse.

Quand Marine est fière de l'enrôlement parmi les volontaires d'un ami d'enfance et de son frère, Louis Breuil déclare avec nonchalance et un peu de raillerie « enfin, s'ils veulent jouer au soldat, je ne vois pas pourquoi on leur refuserait ce plaisir innocent ! ».



La bravoure de Gambetta est admirée là où Louis Breuil n'y voit qu'une démence pure qui ne ferait qu'enrager davantage les prussiens. Etre à ce point stoïque en de tels circonstances relève soit du génie, soit d'une grande lâcheté. En tout cas, après coup, il avait en effet raison, Gambetta a sauvé l'honneur, mais surement pas sauvé des vies.

Peut-être partageait-il la même pensée qu'Henry Greville dans le roman « ce qui avilit une nation, ce n'est pas sa défaite, c'est la façon dont elle l'accepte » Peu importe le sang ! C'est l'honneur de la patrie qu'il faut sauver avant tout, pas les vies humaines.



Enfin ! La défaite de Sedan marque le retour en France des quelques exilés de guerre « La guerre est finie ! » presque enthousiaste à l'idée de rentrer chez soi, le pantouflard apprécie le retour à la niche. « Finie ? Elle commence ! » c'est l'avis de Marine, sa famille et ses proches qui, tous sauf elle, rejoindront les armées temporaires formées par Gambetta et prouveront leur héroïsme notamment à la bataille de Chateaudun où la famille réside.



C'est fort heureux que Greville ait choisi ce remarquable épisode de bravoure pour contrebalancer cette année terrible et funeste qu'est 1870.

1.000 hommes ont courageusement tenu face à 10.000 prussiens disposant d'artillerie lourde.

Les 2.500 pertes côté prussien n'ont toutefois pas découragé l'avancée à l'intérieur de la ville « les coups de feu qui rayaient l'obscurité, l'odeur de la poudre, le canon tout près, la Marseillaise scandée par les décharges ; puis le silence stupéfiant tombé sur la ville aussitôt après le carnage, comme si la mort avait pris peur devant son oeuvre »



Bien entendu, Louis Breuil n'y était pas. C'est là le début d'une lourde et interminable expiation.

Il est d'abord agacé puis névrosé, torturé par les discussions inoffensives de son entourage où l'on ressasse les exploits de guerre. Parfois on se tourne vers lui en lui demandant « y étiez-vous ? », une jeune mariée clame haut et fort que « jamais je n'aurais épousé un homme qui se serait tenu tranquillement chez lui pendant ce temps là » ; les anciens volontaires entre eux « Tout le monde ne pouvait pas se battre ! » « Tout le monde non ! Mais tous ceux qui pouvaient ! Ils n'en avaient pas envie, voila ! Ce qu'il leur fallait, c'était leurs habitudes, leurs pantoufles chaudes le soir ».



On peut regretter que rien ne vienne réhabiliter ce pauvre et doux Pantouflard, qui est certes une âme tiède, indifférente aux malheurs publics, mais qui ne méritait pas une telle humiliation. Henry Greville a toute la finesse d'analyse et de compréhension pour un « pantouflard » mais elle se veut vertueuse dans la guerre et ainsi inspirer le dégoût au lecteur qui doit, par contraste, se montrer digne au combat si l'évènement venait à se reproduire.
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Petite princesse

Assurément le plus charmant et le plus touchant des auteurs romantiques et convenables du XIXème siècle, ceux qui se voyaient couronnés par le fameux Prix Montyon, prix littéraire crée en 1832 récompensant des oeuvres d'élévation et d'utilité morale et, ce que l'on sait peu, toujours décerné annuellement en ce début de XXIème siècle.

Henry Gréville, pseudonyme masculin de la femme de lettres Alice Fleury-Durand, en fut une des meilleures représentantes, dans le sens où non seulement elle était un talent littéraire exceptionnel, parvenant à donner vie à des personnages attachants et crédibles, sachant aussi construire des récits passionnants et d'une grande intelligence, mais de plus, allant souvent à rebours de tout un pan de la littérature bien-pensante morale et catholique. En effet, Henry Gréville accorde très peu de place à la religion ou à l'éducation religieuse, et ne se montre jamais sentencieuse ou autoritaire. Pour elle, la morale naît avant tout d'une grâce naturelle fondée sur le bon sens, sur l'amour des êtres les uns pour les autres et sur une sorte de mystique du bonheur. Plus exceptionnel encore, sans qu'il ne soit jamais question ouvertement de sexualité ou de désir, ses personnages féminins sont incroyablement voluptueux, tirant des extases assurément troublantes de rêveries amoureuses ou de communions avec la nature. Tout dans l'oeuvre d'Henry Gréville tourne autour d'une quête perpétuelle du bonheur, nimbée de poésie fragile et d'un amour immodéré de la vie auquel il est difficile de rester indifférent. Même le ténébreux et naturaliste Guy de Maupassant reconnaissait s'abandonner avec délice à la lecture des romans d'Henry Gréville, disant d'elle avec une extrême justesse : "Quand on connaît un de ses livres, on prendra toujours volontiers les autres".

Car en effet, si Henry Gréville dut son succès à l'un de ses premiers romans, « Dosia » (1876), couronné du Prix Montyon, elle sut renouveler le miracle presque à chacun de ses livres, certains très positifs et contemplatifs, d'autres s'attardant plus volontiers sur des romances tourmentées, mais tous écrits avec un soin extrême, une délicatesse de chaque mot, des scènes très visuelles et esthétiques et une volonté profonde d'apaiser et de caresser son lecteur – ou plutôt sa lectrice, car Henry Gréville touchait surtout un lectorat féminin, d'assez bonne famille, dont la longue fidélité fut le meilleur garant de sa carrière.

C'est d'ailleurs de cette fidélité qu'est née « Petite Princesse », l'un des derniers romans qu'Alice Fleury-Durand a signé avant sa mort prématurée en 1902. Séjournant à l'hiver 1898 dans la douce ville de Menton, elle y rencontra l'une de ses plus anciennes lectrices, alors adolescente au moment de la sortie de « Dosia », et qui révéla qu'étant devenue à son tour mère d'une adolescente, elle a offert sa vieille édition de « Dosia » à sa fille, comme un porte-bonheur que l'on se transmettrait par-delà les générations. Dans la préface dans laquelle elle conte cette anecdote, Alice Fleury-Durand avoue avoir été très émue de cette confession, très flattée de laisser une oeuvre que l'on transmet, et beaucoup de cette émotion transparait dans l'écriture de ce petit roman, que Gréville présente comme un roman "à la manière" de « Dosia », sans en être une suite, ni en reprendre les personnages. Il s'agit effectivement, comme « Dosia », d'un des romans "russes" d'Henry Gréville, qui était très attachée à l'esprit et à la culture russes, depuis que jeune femme, elle avait été secrétaire et lectrice pour son père Jean Fleury, professeur de littérature française, à l'Université Impériale de Saint-Pétersbourg.

« Petite Princesse » brosse le portrait d'une famille russe exilée à Menton, dans les Alpes-Maritimes, à la frontière franco-italienne. La princesse Orlansky, à l'image d'Alice Fleury-Durand elle-même, est une femme entre deux âges minée par des problèmes de santé, et qui sent confusément la mort se rapprocher. Néanmoins, pour en retarder la venue, elle a quitté la froide Russie pour se réchauffer au soleil méditerranéen. Toute la famille profite largement de ce changement de climat. Son époux, passionné par la chimie, consacre une partie de ses journées à mettre au point un moteur électrique, qui cause régulièrement de dramatiques explosions, durant lesquelles, par le plus grand des miracles, personne n'est blessé.

Une petite partie de l'aristocratie russe s'est également délocalisée à Menton, gravitant autour de cette famille princière qui organise régulièrement des soirées mondaines entre tsaristes de la bonne société. Hélas, cette vie mondaine et sans souci coûte extraordinairement cher, car même en 1899, Menton est une station balnéaire qui n'est pas à la portée de toutes les bourses. La princesse Orlansky a deux filles qui sont en âge de se marier : l'ainée, Vera, jeune femme déjà très mûre et plutôt timide, et sa soeur cadette Lioudmila, la "petite princesse", une adorable chipie totalement extravertie, volontiers désobéissante, mais dont la frimousse malicieuse et de magnifiques yeux gris viennent à bout de toutes les résistances.

Ses parents ont choisi leurs futurs époux suivant des préoccupations d'alliance et de parentés communes, mais Lioudmila ne tarde pas à réaliser que non seulement ces soupirants ne plaisent ni à elle ni à sa soeur, mais qu'eux aussi, plus âgés, ne sont que fort modérément séduits par ces deux nymphettes à peine sorties de l'enfance.

Pourquoi donc se marier si on n'est pas amoureux au premier regard ? Pour Lioudmila, le mariage, c'est l'amour, et l'amour vaut plus que tout le reste. Aussi, utilisant à la fois son bagout plein de rouerie et son irrésistible air enfantin et virginal, Lioudmila va patiemment intriguer pour faire à la fois son bonheur et le bonheur de tous ses proches, en mariant chacun avec sa chacune par le biais d'échanges de fiancés qui vont laisser pantois la princesse Orlansky et son époux. Décidément, le fichu caractère de la "petite princesse" serait presque inconvenant si tout le monde n'y trouvait parfaitement compte.

Car en marieuse perfectionniste, non seulement Lioudmila déniche pour elle et sa sœur les maris qui leur conviennent, mais en plus, elle trouve pour leurs soupirants éconduits des épouses bien plus idéales. Et parce qu'elle est un ange de douceur et de gentillesse, Lioudmila va même jusqu'à marier le jardinier de la famille, vivant sous la tyrannie de sa sœur restée vieille fille, et qui aimait secrètement une petite voisine. Enfin, Lioudmila se réserve pour elle-même le jeune scientifique qui assiste les travaux de son père, roturier certes, mais la famille n'est plus très riche, et seul cet expert en détonations est en mesure d'aimer Lioudmila pour tout ce que sa personnalité a d'explosif.

Voilà toute l'intrigue de ce roman, et elle n'est pas crédible un seul instant… Certes, la raison même voudrait qu'on glose ou qu'on ironise sur cette bluette aristocratique dégoulinante de bons sentiments, mais en réalité, on s'y sent tellement bien que l'on referme ce roman avec infiniment de regrets. Car oui, tout y est beau, lumineux, ensoleillé, humaniste élitiste mais enfin humaniste tout de même, et il est vraiment très difficile de ne pas tomber amoureux de cette petite Lioudmila, dont on croit voir se profiler entre les lignes les mimiques adorables, les regards tendres, les lubies surprenantes et cette fraîcheur juvénile et idéaliste que l'on n'aurait pas le coeur de malmener. Elle fait de ce roman un ravissement de chaque instant, jouant avec les fleurs, les plumes et les émotions. Une scène incroyable au début nous la montre assise sur un muret en train de regarder passer les trains à vapeur, malgré l'interdiction de ses parents. Ayant tâché sa robe, elle s'arrange pour la nettoyer en retournant subrepticement dans son jardin et en se plaçant longuement sous le jet d'arrosage du jardinier, prétendant avoir vraiment trop chaud. Son rapport trouble avec les tuyaux d'arrosage revient d'ailleurs à plusieurs reprises dans le roman, et suggère avec beaucoup d'ambiguïté un goût inné et tactile pour la volupté.

Tout cela fait de « Petite Princesse » un roman excessivement plaisant et sensuel, dominé par des teintes blanches, blondes, lumineuses, parsemées de fleurs, de jets d'eau et de plumages, avec sans doute ce côté un peu surchargé de l'esthétique russe, mais où se dégage continuellement une pureté candide, un hédonisme sage, une beauté évanescente de chaque geste, dans un style simple et imagé, poétique et souvent même onirique. C'est en fait parce que ce roman ne semble pas réel le moins du monde qu'il est aussi envoûtant et addictif. « Petite Princesse » est un de ces doux rêves lucides, dont on s'arrache à regret au petit matin et que l'on espère, sans trop y croire, refaire la nuit suivante...
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Les Koumiassine

[Roman audio, lu par Daniel Luttringer pour le site litteratureaudio.com]

Voici un roman remarquable, manifestement tombé dans l'oubli. La postérité est parfois injuste!



Exactement dans le même style que les romans de J. Austen, j'ai trouvé celui-ci mieux écrit et plus profond. Il est étonnant d'ailleurs de se rendre compte comme les mœurs du XIXème siècle étaient uniformes dans toute l'Europe à cette époque car, de la Russie à l'Angleterre, ce sont les mêmes préoccupations, les même exigences, la même éducation prodiguée aux jeunes gens...



Le génie du roman tient dans son personnage principal. En effet, au lieu d'être la belle jeune fille en détresse à la recherche d'un mari, l'histoire tourne davantage autour de la tante orgueilleuse, fière, dévote, pleine de dénis et de défauts, ce qui rend le récit plus surprenant, savoureux, drôle et touchant.



Enfin, la lecture par Daniel Luttringer est de très bonne qualité. Une belle surprise, donc, que je vous recommande!
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Suzanne Normis

Quel roman !!

La condition des femmes, soumises à leur mari, y est terriblement racontée. Et lorsqu'une femme est mariée à un homme tel que celui-ci, c'est l'enfer assuré.

Je me suis très souvent réjouie au cours de cette lecture d'être née au 20e siècle où nous, les femmes, en France, pouvons faire ce que nous voulons de notre vie, quitter un homme violent, divorcer, nous remarier, ou ne jamais nous marier, ou même nous marier avec une femme, si c'est ce que notre cœur nous dicte.

Ce roman édifiant m'a permis de prendre encore plus conscience de la chance que nous avons de vivre dans un pays comme le nôtre.

Et heureusement, la fin du roman est heureuse !

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A travers champs

Trois personnages bons dominent leur passion pour faire parler bonté!

Maxime, un ami à Souratine, découvre ses affinités avec la femme de celui-ci, mais il préfère bien faire parler sa raison que son cœur. Même exercice, bien qu'énorme, auquel s'engage Madame Souratine.

Il est plaisant à lire comme s'il titillait un peu nos nerfs au cas où ils seraient tendus...
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L'amie

[Roman audio, lu par Daniel Luttringer pour le site litteratureaudio.com]



Je suis mitigée par rapport à ce livre car l'étude des personnages y est superbe, assez remarquable. Néanmoins, l'histoire manque un peu de surprise et on sent que l'auteur a voulu punir son personnage de son orgueil. La leçon est prise : les orgueilleux finissent malheureux, mais ça dure, ça dure... C'est finalement un peu maladroit et moralisateur, ce que j'ai trouvé très dommage.



La lecture par Daniel Luttringer est exemplaire, rien à redire.
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La seconde mère

[Roman audio, lu par Daniel Luttringer pour le site litteratureaudio.com]



Un très beau texte, sensible et agréable à lire. Sans grande fioritures littéraires, c'est écrit avec beaucoup de simplicité.



J'ai apprécié l'évolution des personnages au fil de l'histoire car aucun n'est véritablement bon ou mauvais. Les enjeux de chacun sont exposés avec objectivité et la lutte de ces enjeux les uns contre les autres nourri l'intérêt du lecteur pour les personnages.



Bref, un récit plein de maturité et de simplicité dont je vous recommande la lecture (ou l'écoute).



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Le fil d'or

« Le Fil d’Or » est l’exemple rare et attachant d’une fable morale pleine de bons sentiments, mais qui est loin d’être pour autant un roman à l’eau de rose, superficiel et niaiseux. Une telle intrigue n’irait cependant pas très loin, si elle n’était servie par une poésie de tous les instants et une observation pertinente des caractères humains. De la littérature de midinettes, certes, mais de grande qualité, écrite par une femme qui en sait bien plus long qu’elle n’en dit. Certes, sur le plan de la sensualité, du charnel, on ne trouvera pas ici l’ombre d’une évocation. L’amour qui unit les êtres est ici spontané et désincarné. Il naît du bon sens bien plus que d’un coup de foudre, avec l’intuition que le destin saura nous mettre en face de la bonne personne, et qu’il n’y aura rien d’autre à faire que de se laisser porter par les sentiments.

On peut ne pas goûter cette rigueur morale désuète qui cache derrière des sentiments fleuris une ceinture de chasteté en plomb, et on n’aura pas fondamentalement tort. Mais il y a cependant ici un romantisme touchant dont on ne peut s’abstraire, un souci de compréhension mutuelle, de partage, quelque chose qui tient d’un cocon sensitif douillet dans lequel, finalement, on se sent plutôt bien et apaisé.

Il faut en rendre grâces à Henry Gréville; elle se révèle une narratrice intuitive et habile, qui ne cherche pas à noyer ses lectrices sous une tonne de guimauve, mais cherche sciemment à faire de son roman un tutoriel de vie, où les personnages principaux affrontent au final tout ce qui peut réellement miner une union d’amour : la routine, l’insatisfaction, le remords, la peur de l’infidélité, le veuvage, les maladies des enfants en bas-âge… Sous le couvert d’une histoire prétendument simple, faussement divertissante, Henry Gréville prépare les plus jeunes de ses lectrices aux épreuves de l’existence, tout en leur donnant les clés morales nécessaires pour dépasser les doutes, les affronts, les pièges, les moments de panique et autres contrariétés. Derrière cette psychologie sommaire, qui n’a pas toujours bien vieilli, on devine néanmoins la sagesse à toute épreuve d’une femme alors quinquagénaire qui a su comprendre le monde où elle vivait et en tirer une philosophie bonhomme mais solide.

C’est d’une certaine manière l’intelligence de l’auteure qui fait l’intelligence de son livre, car « Le Fil d’Or » est un livre plus intelligent qu’on ne pourrait le croire à la première lecture. Il faut beaucoup d’adresse pour poser un décor idéal de nantis déconnectés du réel, et pour en faire des êtres profondément humains, aux sentiments universels. Il faut beaucoup d’habileté pour se donner l’air d’une élégie du mariage tout en ne dissimulant rien de tout ce qui est à même de le gâcher. Si « Le Fil d’Or » est un roman positif et conformiste, c’est aussi un livre qui incite à la réflexion, à la méditation, à des rêveries plus complexes sur le statut même de la femme et de l’épouse dans la société de la Belle-Epoque. Peut-être parce que, malgré son côté conservateur, Henry Gréville ne parle pas à ces lectrices comme une directrice de conscience, ni comme un professeur de morale, mais comme une sœur, une sœur qui a beaucoup vécu, qui a beaucoup à raconter, et dont les 350 pages de son roman dévoilent les promesses d’un trésor bien plus riche.

Je comprends tout à fait l’enthousiasme de Barbey d’Aurevilly pour cette auteure, il y a quelque chose d’incroyablement vivant et lucide derrière les bluettes d’Henry Gréville, et ce « Fil d’Or » est le fil d’Ariane d’une conteuse exceptionnelle que l’on suivra sans regrets au cœur de ses labyrinthes les plus intimes.
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Sonia

[Roman audio, lu par Daniel Luttringer pour le site litteratureaudio.com]

Un énième roman d'amour dont le dénouement final (attention spoiler!) se trouve dans le titre du livre... Malheureusement, si certains de ces romans du 19ème siècle sont encore lisibles et intéressants pour nous, contemporains, certains autre comme celui-ci sont absolument insupportables. La maladresse de l'auteur à décrire le sentiment d'amour, ainsi que ses personnages féminins mis en scène font cruellement ressentir toute la désuétude de ce roman.



Néanmoins, la méta-lecture en est du coup véritablement intéressante. Les idées de l'auteur sur l'amour, la femme, le mariage, la beauté, etc., toutes replacées dans leur contexte géographique et culturel, sont une mine d'or pour ceux qui souhaitent mieux comprendre le 19ème siècle.



La lecture de Daniel Luttringer est irréprochable, de qualité parfaite, sobre et agréable.
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Un crime

Une domestique est séduite par son maître ; s’en ensuivent de funestes conséquences. Rien de très original, beaucoup de longueurs et une fin bien morale.
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