Il faut encore ajouter les souvenirs terribles de ce qu'ont vécu les chinois durant la Révolution culturelle (1966-1976). Il fallait rédiger des confessions sur des pages et des pages, il fallait aussi dénoncer les gens de sa famille, des voisins, des professeurs, il fallait inventer des fautes jamais commises, porter de fausses accusations...Certains avaient écrit leur journal intime quia été lu devant des foules entières. Comment faire confiance avec un passé aussi mouvementé ? (...)
Tout le monde en Chine sait que l'autorité politique surveille la société. de façon très consciente, tous les étudiants à l'université le savent, et pas spécialement ceux qui viennent consulter chez moi (...)
En dépit de ce contexte chinois si particulier, je reste convaincu que la psychanalyse a un grand destin en Chine. Il existe tout un univers que les chinois n'ont jamais raconté à personne. Sous l'influence du confucianisme depuis des siècles, nous n'avons pas l'expérience de la parole. Les chinois n'ont jamais touché directement leur monde intérieur. C'est pourquoi nous avons besoin d'un espace de parole libre que la psychanalyse peut offrir. (p.59-60)
Je suis convaincu de la nécessité de la psychanalyse pour toutes les sociétés humaines. Cet espace sacré offre la possibilité de parler de son être profond, son rapport aux autres, ses contradictions ou ses angoisses. Cette liberté de parole offerte à tous à grande échelle, toujours impossible dans la société chinoise d'aujourd'hui, permettrait de résorber de nombreux problèmes. Dans sa quête d'harmonie, la société chinoise a besoin de cet espace libre. En dépit du développement des moyens de communication, la société contemporaine a plus que jamais besoin de parler. (p.53)