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Citation de Charybde2


« Mais les Mackenzie… je veux dire, comme famille, nous ne sommes ni la plus grande, ni la plus riche, ni la plus puissante…
– Permets-moi de te rappeler l’histoire, dit Omahene Adofo. Tu as raison : AKA n’est ni le plus riche ni les plus ancien des Cinq Dragons. Nous n’exportons rien, nous ne permettons pas à la Terre de s’éclairer comme les Corta, nous n’alimentons pas les industries de pointe terrestres comme les Mackenzie. Nous ne sommes pas des industriels ou des géants de la haute technologie. Nous sommes arrivés sur la Lune sans soutien politique comme les Sun, sans fortune comme les Mackenzie, ni accès à des sites de lancement comme les Vorontsov. Nous n’étions ni asiatiques ni occidentaux, mais ghanéens. Des Ghanéens qui vont sur la Lune ! Quelle outrecuidance ! C’est pour les Blancs et les Chinois. Mais Efua Mensah avait une idée, elle a vu une chance à saisir et s’est démenée en actes et en paroles pour venir sur la Lune. Sais-tu ce qu’elle a vu ?
– Qu’on peut éventuellement s’enrichir en pelletant la poussière, mais qu’on le fait à coup sûr en vendant la pelle », répond Abena. Les enfants apprennent tous le proverbe dès qu’on les a équipés d’une prise, d’une lentille et d’un lien pour un familier. La sagesse des anciens lui a toujours paru assommante et louable. Des boutiquiers, des épiciers, rien de prestigieux comme les Corta et les Mackenzie avec leurs beaux lève-poussière ou les Vorontsov avec leurs délicieux jouets.
« Nous avons payé cher notre indépendance », dit Adofo Mensah. Son familier est fait de crocodiles du Siam et d’Ese Ne Tekrema, les adinkras de l’unité et de l’interdépendance. « Nous n’y renonçons pas. Nous ne nous laisserons pas malmener par les Mackenzie.
– Ni par personne, ajoute Kwamina Manu.
– As-tu ta réponse ? » s’enquiert Omahene Adofu.
Abena incline la tête et serre les doigts en pince, de ce geste lunaire signifiant l’acceptation. L’un après l’autre, les familiers du Kotoko disparaissent. Il ne reste plus que Lousika Kande Asamoah-Corta.
« Tu ne l’as pas, exact ?
– Quoi donc ?
– Ta réponse.
– Si, c’est juste que je ne suis pas…
– Rassurée ?
– Je crois que j’ai mis la famille en danger.
– Combien y a-t-il de gens sur la Lune ?
– Hein ? À peu près un million et demi.
– Un million sept. Ça paraît beaucoup, mais ce n’est pas suffisant pour que nous n’ayons pas à nous soucier du patrimoine génétique.
– Consanguinité, accumulation de mutations, dérive génétique. Rayonnement de fond. J’ai vu ça en classe.
– Et chacun de nous a adopté un mécanisme différent pour gérer le problème. Nous avons perfectionné le système abusua et toutes ces règles sur les gens qui ne peuvent pas coucher avec vous. Tu es une quoi ?
– Bretuo. Aseni, Oyoko, et bien entendu mon propre abusua.
– Les Sun épousent tout le monde et n’importe qui, la moitié de la Lune est Sun ; les Corta ont leur système bizarre de madrinhas, mais tout cela est un moyen de conserver un patrimoine génétique propre et ouvert. Chez les Mackenzie, c’est différent. Ils restent en famille, ils ont peur de polluer la lignée, de diluer leur identité. Ils se marient entre eux, endogamie et rétrocroisement : d’où crois-tu que viennent toutes ces taches de rousseur ? Mais c’est risqué… très risqué, si bien qu’ils doivent s’assurer de ce qu’ils engendrent. Ils nous payent pour mettre au point leur lignée. Ce qu’on fait depuis trente ans. C’est notre secret, mais du coup, nous n’avons rien à craindre des Mackenzie. La peur du bébé à deux têtes. »
Abena adresse à voix basse une prière à Jésus.
« Les Asamoah gardent les secrets de tout le monde. Mais attention à Lucasinho, Abena. Même si les Mackenzie n’osent pas s’en prendre à nous, ils ont la rancune aussi longue que leurs couteaux. »
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