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Citation de vinsane


C'’était une lettre d'adieu, la lettre d'adieu de Bé à Sara [...] : c'était ce que lui dictait sa conscience.
C'est fini, Sara. C'est fini. Je sais le mal que je te fais. Mais c'est fini, fini. Je suis peut-être sous l'effet de la morphine en écrivant ces lignes. Mais je suis conscient. Je n'ai jamais été aussi lucide. Je jette de la lumière, je suis mon propre flambeau.
Ne crois pas que je n'ai pas de regrets. Finis, nos longs après-midi qui se perdaient dans le crépuscule. Finies, nos caresses de l'autre monde" (c'est ainsi que nous les appelions tu te souviens?). Au lit comme une sœur avec son grand frère - non, plutôt comme deux sœurs douces et câlines. Fini, notre monde cette prison douillette - désormais je le vois bien- que nous haïssions tant. Pourtant cette haine nous maintenait en vie, je le sais désormais. L'obstination, l'obstination à survivre.
"Et l'amour?" demandes-tu. J'entends presque ta voix. "L'amour ne compte pas?"
Je ne sais pas, Sara. Tu as tout essayé. Je regrette.
Je dois disparaître avec tout ce que je porte en moi comme une peste, pour ainsi dire. Je porte en moi d'incroyables forces destructrices, on pourrait détruire le monde entier avec mon ressentiment, pour rester poli et ne pas dire vomissure.
Il y a longtemps que je ne désire plus rien que disparaitre. Mais ça ne marche pas tout seul. Il faut que j'y contribue activement...
J'ai donné naissance à une créature, à une vie fragile et délicate uniquement pour pouvoir la détruire. Tais ce que sçais. Je suis comme Dieu, cette canaille...
Je souhaite disparaitre. Je ne sais pas pourquoi il m'a fallu égrener cette longue vie, alors que j'aurais pu être tué à temps, avant de connaitre la vanité de l'ambition et de la lutte. Rien n'a eu de sens ; je n'ai rien su créer ; la seule chose que j'ai réussi dans la vie, c'est comprendre à quel point je suis étranger à ma propre vie. J'étais mort de mon vivant. Tu as serré dans tes bras un mort, et tu as essayé en vain de le ramener à la vie. Parfois je nous voyais de loin, je voyais tes tentatives inutiles et je parvenais à peine à étouffer le rire qui gonflait dans ma poitrine.Jje suis un homme mauvais, Sara.
Tu as été pour moi un grand soutien dans cet ignoble camp de concentration qu'on appelle la vie, Sara.
Ne me plains pas, j'ai eu une vie parfaite. En son genre. IL suffisait de le découvrir, et cette découverte a été ma vie. Mais maintenant c'est fini. Le prétexte de ma vie a disparu, l'état de survivant a disparu. Dorénavant il me faudrait vivre comme un adulte, comme un homme. Je n'en ai pas envie. Je n'ai pas envie de sortir de la prison, de l'espace infini où se dissout et s'éparpille mon inutile...
Allons étais-je sur le point de dire : tragédie?!
Ridicule.
J'ai aimé la verdure inépuisable des plantes, j'ai aimé l'eau, j'ai aimé nager; et avant de la rencontrer elle, je croyais aimer les femmes.
J'ai vécu tout ce qui m'a été donné de vivre.
J'ai failli être tué, j'ai failli tuer ou plutôt...je me prépare justement à tuer.
Tu m'as vu me pencher sur une montagne de papiers. Tais ce que sais. L'homme de lettres va te questionner. J'ai essayé de formuler le...
Peu importe ça n'a pas marché il n'y a rien, rien. Je ne lui ai rien laissé. Il n'y a rien à dire.
Je ne veux pas dresser ma tente au milieu du bazar littéraire, je ne veux pas étaler ma camelote, vile marchandise à ne pas mettre entre les mains des gens. Mais je ne voudrais pas non plus qu'ils la saisissent, la soupèsent, et le reposent. J'ai accompli ma tâche et elle n'appartient à personne.
Je commence à me sentir tout drôle. C'est si bien d'avoir déjà sauté le pas... si bien de tout reposer. Je n'ai plus rien à voir avec cet amas de choses pénibles et immondes qui sont moi...
Merci pour tout... Merci pour le songe...
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