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Critiques de Irena Brezna (1)
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Du meilleur des mondes

« Si j’entends l’expression peuple frère, je m’imagine un peuple constitué de mon frère en plusieurs millions d’exemplaires. Ma mère apprécie notre peuple frère : il a plus d’humour que nous, et elle trouve bien de vivre avec quelqu’un pour qui la vie est gombička, ce qui veut dire petit bonbon. Si le monde est gombička, on le porte cousu sur la poitrine et il suffit de tourner le bouton du manteau, et tout réussit. Mon père râle contre le peuple frère : N’importe quel raté de là-bas vient ici pour être directeur chez nous, et nous sommes des sujets dans notre propre pays ! La camarade institutrice appartient au peuple frère, mais elle n’a pas d’humour et n’est pas non plus une ratée. Elle a des yeux comme des calots et un nez crochu et nous l’avons surnommée la chouette. »



Ces mots sont ceux d’une petite fille qui vit en Tchécoslovaquie dans les années 60, années de construction du communisme.

« Du meilleur des mondes » est un roman à caractère autobiographique.

Ce récit raconte l’enfance de Jana, qui a onze ans. On découvre à travers ses expériences comment cette petite fille vit sa vie quotidienne au pays des prolétaires, dans une époque de bouleversements.

C’est drôle et poétique à la fois. On plonge avec Jana dans l’atmosphère sociale de ces années-là, et dans toute l’absurdité de la vie dans une petite ville d’Europe centrale.



Le père de Jana n’est plus à la maison. Il a été considéré par le pouvoir communiste comme un « élément bourgeois ». C’est un ancien avocat. Maintenant, pour ne pas être considéré comme « parasite », il se voit contraint de construire des ponts.

« Il aidait les riches à devenir encore plus riches et exploitait les

prolétaires », dit de lui, Jana, qui n’y trouve rien à redire !

Et de même, elle regrette que malgré la fréquentation imposée mais salutaire des prolétaires, son père affiche toujours « le même visage pincé ».

Un jour, c’est sa mère, une jolie femme impertinente, qui ne rentre plus à la maison.

« Tu ne demandes plus jamais où est ta mère, compris ? », lui ordonne sa grand-mère.

Jana finira tout de même par comprendre que sa jolie maman est

en prison !



Tout cela ne semble pas perturber outre mesure Jana.

Malgré toutes ces circonstances tragiques, elle souhaite devenir une héroïne et cherche un moyen de survivre. Le mythe du bâtisseur socialiste la séduit davantage que le catholicisme de sa grand-mère ou le monde bourgeois de son père. Elle scrute et distingue les différences de comportements et d’esprits entre les prolétaires qui ont adhéré à la Révolution et les bourgeois qui ne sont pas entrés dans le moule prolétarien.



Jana est une petite fille volontaire, décidée et naïve, et on comprend qu’un certain endoctrinement a fait son œuvre sur elle !

En petite prolétaire désireuse de bien faire, elle chante les mérites du progrès : « Chez nous, on révère les centrales hydrauliques comme jadis les églises. (…) Notre pays a besoin de plus de courant : on illumine les villages obscurs l’un après l’autre. Il ne doit plus y avoir chez nous d’obscurité, d’obscurantisme, de village obscur », dit Jana avec enthousiasme.



Avec ce roman, Irena Brežná décrit la manière dont le langage idéologique du communisme a influencé le comportement et la pensée de cette petite fille.

Elle fait revivre aussi la période d’une enfance riche en fantasmes, en sentiments exacerbés et en actes forts.



Irena Brežná filtre les souvenirs naïfs de l’enfance à travers la vision affûtée d’une femme mûre qui ne manque pas d’humour et encore moins de dérision ! Elle met en lumière à travers Jana, les contradictions et les spécificités de sa propre enfance.

Dans la bouche de la petite fille, elle pousse les raisonnements jusqu’à l’absurde, avec une ironie mordante, faussement bon enfant.

« L’autocritique, qui est partie intégrante de la conscience des prolétaires, est courante aussi à l’église. Pour la deuxième fois déjà, je me confesse… »



Irena Brežná est née en 1950 en Tchécoslovaquie, dans un pays muselé par la dictature communiste, et dès les années cinquante, toute sa famille rêve d’émigrer. L’élément déclencheur ne viendra cependant que plus tard avec l’invasion des troupes du Pacte de Varsovie en 1968.

Elle s’exilera avec ses parents en 1968, en Suisse, pays qui symbolise alors pour elle la liberté.



J’ai eu énormément de plaisir à lire ce roman, dont le ton est léger et amusant.

C’est un roman qui séduit par sa langue sensuelle et riche en images et en anecdotes. C’est plein de détails, c’est toujours drôle et bien vu.



« Du meilleur des mondes » est le premier roman d’Irena Brežná, publié

en 2008.

En 2012, dans son deuxième roman intitulé « L’ingrate venue d’ailleurs », elle exploite de façon très originale aussi certaines étapes de sa propre vie, et se moque de la mentalité suisse…

Une autre bonne lecture en perspective, assurément !

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