Je sais qu'un être et quelques lignes de poésie peuvent correspondre et se ressembler.
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Un accès direct à l'intimité, à la chair, à la chaleur de la peau, au battement du coeur, à la couleur de la voix, à la respiration, à ce que nous sommes de plus spontané. Une relation à l'être dans ce qu'il a de plus profond. Apaisant les barrières de la maladie, sublimant la noirceur du chagrin.
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Je comprenais que la poésie pouvait briser beaucoup de chaînes et libérer le diseur, le temps de sa récitation, de son enfermement.
Aujourd'hui, ces longs mois d'absence à me souvenir, à douter, à me soumettre à l'étrange habitude du deuil, à la lenteur, à la gravité. Ces années à venir sans te voir, ni te parler, à t'aimer au passé.
Ce soir, au programme, une sonate de Beethoven. Elle nous surprend soudain à travers les siècles, nous chante son poème intemporel, les notes caressent physiquement nos peaux dans la nuit, réveillent des mémoires endormies, touchent nos coeurs et s'envolent jusqu'aux étoiles.
"Ta dernière année, tu ne prenais plus de photos, nous te proposions alors de consulter un album ensemble, sur le sofa, avec un thé ou un whisky. Je tournais les pages mais tu n'y trouvais plus de réconfort. Les images étaient bien impuissantes à faire revenir ce temps qui filait, te laissant de côté. Tu souriais pour me faire plaisir, mais faiblement, de loin."
Moi aussi, j'ai rencontré un poème. C'était dans mon cours de théâtre. Au début, je ne l'aimais pas beaucoup, je ne le comprenais pas, je ne trouvais dur, énigmatique et froid. Il s'est présenté à moi, j’avais quinze ans, je l'ai appris par devoir et il ne m'a plus quittée. Je le récitais immobile et droite comme si cette Beauté de marbre qui parlait, lointaine, incapable d'amour, comme une porte fermée. J'ai appris d'autres poèmes par la suite, que je préférais, mais je finissais par les oublier, tandis que celui-là se gavait de moi, comme un alphabet à partir duquel je pouvais tout exprimer. Je peux en réciter les rimes sans les chercher. C'est le seul poème dont je puis dire cela. Je l'ai mémorisé sans le vouloir, les mots me précèdent et je les dis sans effort. Aujourd'hui j'ai appris à l'aimer, même s'il me fait toujours aussi mal. (extrait page 172)
Ta dernière année, tu ne prenais plus de photos, nous te proposions alors de consulter un album ensemble, sur le sofa, avec un thé ou un whisky. Je tournais les pages mais tu n'y trouvais plus de réconfort. Les images étaient bien impuissantes à faire revenir ce temps qui filait, te laissant de côté. Tu souriais pour me faire plaisir, mais faiblement, de loin.
« Ici, devant le deuil et la promesse de la vie, je me tiens et j’avance… »