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Citations de Irene Van der Linde (5)


Ce très bon livre est le récit, complété par des photographies en noir et blanc, d'une enquête à la découverte des 4 000 km de frontières orientales de l'Europe.
De la péninsule de Kola jusqu'à la Mer Noire, ces territoires qui ont changé à plusieurs reprises de pays d'appartenance sont de lieu d'échanges sociaux et économiques importants et parfois vitaux entre l'est et l'ouest. Mais il s'y installe maintenant par endroits un rideau de fer occidental au nom des politiques de lutte contre l'immigration illégale des pays européens, qui fragilisent leurs populations.
Un témoignage vivant qui interpelle par son décalage avec une vision franco-française largement ignorante de cette complexité.
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Les États baltes, connus pour leur relative prospérité, étaient un lieu d’implantation populaire aux yeux des Russes et des autres citoyens soviétiques. Les communistes encouragèrent ce mouvement : « Les Estoniens et les Lettons ont besoin de vous » – telle était la méthode soviétique pour coloniser les républiques sœurs. L’industrie soviétique est à présent en faillite, les usines ont été démantelées et les Russes, naguère privilégiés, se retrouvent à présent sans travail et même souvent sans nationalité dans un pays dont ils ne parlent pas la langue et où ils ne sont pas particulièrement les bienvenus. Pourtant, la plupart des Russes sont loyaux envers leur nouvelle patrie. Même à Narva.
Anna n’a pas été du nombre des élus pour l’obtention du passeport bleu estonien. Les lois estoniennes, tout comme les lettones, sont très strictes en matière de pratiques linguistiques et de naturalisation. Les Russes qui se sont établis en Estonie à l’époque soviétique doivent tout d’abord se soumettre à un examen de langue. Anna ne parle pas du tout l’estonien. C’est la raison pour laquelle elle a seulement pu choisir entre le passeport rouge et le gris. Le rouge est le russe. « Dans ce cas, tu es officiellement un habitant d’origine russe, explique Anna l’air horrifié. Voilà quelque chose que je refuse. Je ne veux rien avoir à faire avec ce pays. C’est ici que je vis, et je suis une bonne patriote. » Elle a donc opté pour la variante grise : le passeport des étrangers. Du coup, elle n’appartient à aucune communauté, elle ne peut voter que pour les élections municipales, et il ne lui est pas possible d’avoir un poste de fonctionnaire.
« Je suis d’accord sur le fait qu’il faille parler l’estonien dans certaines fonctions, admet-elle. Je compte préparer bientôt mon examen. Mais pourquoi vouloir contraindre le travailleur lambda ? Si tu vis et travailles ici à Narva, où tout le monde parle russe, regarde la télé russe, lit la presse en russe et pense en russe, pourquoi faudrait-il que tu commences par apprendre l’estonien ? »
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Depuis que la Finlande fait partie de l’Europe, les plus de quatre mille Sames finlandais reçoivent des aides nombreuses, pour leurs rennes et aussi – les autochtones en conviennent – pour l’enseignement de la langue, les écoles spéciales, les médias, l’artisanat, tout ce qui touche à leur culture. La reconnaissance et la préservation des cultures autochtones constituent l’un des fers de lance de l’Europe. Et pourtant, les éleveurs de rennes sont décimés, avec le concours de cette même Europe, par des règlements rendant leur activité de plus en plus difficile. Seuls quelques éleveurs parviennent à en vivre. Alors que c’est justement la conduite des rennes qui se trouve au cœur des traditions sames, de la culture same. « Voilà pourquoi je veux rester, explique Juha. Si dur que ce soit. Nos lointains ancêtres s’occupaient déjà de rennes, nous ne devons pas laisser cette tradition se perdre. »
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Elle a ouvert sa boutique en 1997, juste après la mise en place du poste-frontière de Nuijamaa. Elle avait tablé dessus : trois millions de personnes traversent chaque année cette frontière. La Russie n’a pas de classe moyenne, il n’existe que des riches, et puis des pauvres. « Il y a une boutique Escada à Moscou, mais elle est hors de prix, faute de concurrence. Par ailleurs Nuijamaa se trouve bien plus près pour les habitants de Saint-Pétersbourg. » Nadja voulait une boutique Escada. « Tout le monde disait que j’étais folle. Et Escada faisait également preuve de méfiance. Les autres enseignes d’Escada sont installées dans les rues les plus chères de Paris, de Londres et de Munich. Mais mon chiffre d’affaires dépasse à présent celui de la boutique Escada sur les Champs-Élysées. » Son rire est triomphant.
Nadja connaît les Russes. « C’est un pays d’extrêmes. Les Russes ont la mentalité suivante : vis au jour le jour, tomorrow you die. S’ils ont quelque chose à fêter, ils achètent un bel objet. Même s’ils n’ont pas l’argent nécessaire. » Elle montre du doigt un petit sac à main rose dans la vitrine, entièrement rebrodé de petits cristaux Swarowski étincelants. La bagatelle de deux mille euros. « Ils achètent ça pour leur petite-fille, pour plus tard. »
Les Finlandais ont manifestement d’autres envies. En route vers Helsinki nous croisons tout un flot de voitures : c’est le week-end, les Finlandais vont retrouver leur résidence secondaire au fond des bois.
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La photographe Nicole Segers et moi-même sommes parties longer toute cette extrémité sauvage et inconnue de la nouvelle Europe, une bagatelle de cinq mille kilomètres, afin de reconnaître l’immensité de notre tout jeune empire. Par étapes, en 2001, 2002 et 2003, nous avons parcouru avec fascination la périphérie de l’Europe, une Europe que l’on réduit trop souvent à ses capitales. Là-bas vivent des gens qui ont vu au cours de leur vie bouger la frontière dans un sens puis dans un autre. Leur maison passait tantôt dans un pays, et puis de nouveau dans l’autre. Ils virent arriver le communisme qui s’en retourna ensuite. Ils voient pointer l’Europe à présent, et leurs plus proches voisins de l’Est disparaître derrière un nouveau mur.
Nous avons découvert l’emprise de la frontière sur la vie de ces frontaliers, comment ils se préparent pour l’arrivée de l’Union européenne, comment ils rêvent leur avenir. Ce livre ne traite donc pas de politique abstraite ni de processus économiques ou culturels. Il parle des gens qui vivent le long de cette frontière orientale flambant neuve. Nous avons acheté une vieille Golf afin d’atteindre toutes les villes et les moindres villages, chaque endroit et chaque chemin en impasse touchant cette frontière. Et nous avons rencontré toute une diversité bariolée de gens : des éleveurs de bétail, des paysans, des Tziganes, des étudiants, des moines, des bourgmestres, des anarchistes, des gardes forestiers, des nationalistes, des contrebandiers, des clandestins. Est-ce que ces personnes applaudissent la frontière ou la maudissent-elles ? Et elles-mêmes, que signifient-elles pour l’Europe ?
Fort-Europe est bien gardé. Des barbelés et des bornes frontières scindent en deux des forêts de résineux, des crêtes, des troupeaux de bisons, des cités et des hommes. Cela ne deviendra jamais un nouveau rideau de fer, les politiciens avec lesquels nous avons finalement parlé à Bruxelles s’y sont engagés, mais un mur flambant neuf est déjà bel et bien en chantier. Et les robustes jeunes gens et jeunes filles de la garde des frontières se désignent fièrement comme les « gardiens de l’Europe ».
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