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Citation de Dandine


Les premiers jours de la peste les Juifs durent s’en remettre aux médecins. Un flot incessant de femmes en haillons se dirigeait vers la maison de Samson, le guérisseur. Il ne pouvait s’occuper de tous. Elles frappaient sur sa porte avec leurs poings. « Assassin ! Ouvrez ! » Les bourgeois allèrent chez le médecin polonais, Yeretzki, un homme excentrique au mauvais caractère. Il détestait les Juifs. Il criait après eux comme s’ils lui avaient infligé une blessure. Il les battait même parfois. « Pantin ! » disait-il méchamment en imitant leur yiddish. « Moishe ! Montre-moi ça, oï veh ! — Prince ! le suppliaient les Juifs, la tête découverte. Après Dieu, Professeur, vous êtes le plus grand. » Les Juifs riches consultaient le médecin cosaque, Shalupin-Shalapnikoff, un général dont la barbe descendait jusqu’à la taille. Il était toujours de bonne humeur, même en présence d’un malade agonisant. « Nitchevo, mon cher, nitchevo ! » disait-il toujours de sa voix profonde, consolante. Les médecins travaillaient, examinaient, donnaient leur diagnostic, faisaient des ordonnances et se lavaient soigneusement les mains à l’eau chaude. Cela ne servait à rien. La peste s’étendait de jour en jour. Puis les Juifs, désespérés, se tournèrent vers Reb Borouch, qu’ils appelaient le Rabbi des femmes. Il se mit à travailler toute la nuit, fabriquant des amulettes ordinaires, et d’autres détenant un pouvoir spécial contre l’apparition d’un mal général. Ils lui demandèrent aussi des herbes séchées qui, pilées et enfermées dans de petits sachets, avaient des vertus particulières. Reb Borouch possédait en outre certains remèdes rares et précieux contre la maladie et la mort. Des morceaux d’ambre sur lesquels le Maggid de Kozhenitz, bénie soit sa mémoire, avait dit des prières, des fragments de sucre noir qui avaient touché les lèvres du saint grand-père de Shpoleh, des colliers de dents de loup, des doigts de Satan, des ceintures en vieux tissu, de l’huile bénite de la ville de Safed en Terre sainte. […] Les femmes stériles mesurèrent la circonférence du cimetière avec des coupons de lin qu’elles donnèrent aux bonnes œuvres pour le trousseau des jeunes mariées pauvres. D’autres alignèrent des mèches de bougies tout autour du cimetière. Elles espéraient ainsi créer un cordon infranchissable devant l’Éternelle Maison des Morts, afin qu’elle n’accueille plus de vivants. Ce fut peine perdue. La peste s’étendait de jour en jour.
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