Ivan Zimmermann

Une infirmière ouvrit la porte.
Elle n’avait pas vraiment le physique adapté à ses fantasmes les plus fous. La fille, certes jeunes à la peau foncée et dorée, devait peser dans les quatre-vingt dix kilos, un bide faisant peiner un bouton de blouse qui faisait de la résistance. Elle portait sur son chef un petit bob censé retenir hygiéniquement une perte capillaire s’il avait été un chouia plus grand. En fait, elle semblait tout droit sortie d’une gay parade avec ses joues exagérément poudrées de rouge et des cils qui devaient mesurer plus d’un centimètre de long. Elle aurait pu être jolie ; les traits de son visage se révélaient fins à travers la rondeur.
Cette fille aurait pu le renvoyer dans son lit d’un simple coup de pouce s’il avait tenté de se lever.

Il préférait rester prisonnier aux Etats-Unis, car ici il avait été arrêté uniquement pour outrage à caractère sexuel, ce qui lui aurait valu entre huit et dix ans d'incarcération, peut-être cinq ans seulement en plaidant coupable. Il avait commis un simple attouchement furtif, mais pas d'acte sexuel à proprement parlé et la victime était majeure. En France, il allait être jugé pour viol sur mineure et meurtre, ce n'était pas la même chose. On l’accusait aussi d’avoir dépecé le dos de la fille mais il niait complètement ces faits. Toujours est-il qu’il risquait la prison à vie avec une peine incompressible de trente années.

Une lumière presque irréelle caressait les collines alentours et contrastait avec les nuages sombres de la plaine creusée par les deux rivières à l’eau claire qui enlaçaient le village. Les oiseaux jubilaient et la nature se mettait à chanter avec eux et leur musique ressemblait étrangement au chant The Meeting of the Waters inspiré par Thomas Moore, le poète qui rendit Avoca célèbre.
La peine n’était pas passée, mais Tara se dit qu’il fallait s’ouvrir à la vie. Elle allait reprendre le cours de la sienne et retourner à ses occupations à Londres où elle avait son travail.

Il tenta de se relever, mais il était totalement à bout de force et sa blessure le faisait souffrir. Le sang coulait de plus en plus de sa plaie. Il toussa et cracha une épaisse salive rouge. Il entendit derrière lui une sorte de ronflement intense. Il se retourna brusquement juste à temps pour entrevoir un monstre de flamme qui le happa.
Arrivé en haut de l’escalier, Tara entendit un hurlement. Elle ralentit, baissa les yeux une seconde.
— Mes amitiés à Lucifer.
Puis, elle reprit son chemin vers la sortie.

Tyler avait accéléré et elle n’arrivait plus à suivre le sens des paroles du capitaine ne comprenant qu’un mot sur deux. La colère de Tyler faisait ressortir l’accent très marqué de ses origines texanes et il fallait sûrement être un bouseux du coin ou un adepte de Georges W. Bush pour comprendre son débit de parole aux ponctuations inattendues et diphtongues bizarres où les « i » (aïe en anglais) étaient remplacés par de « a » et les « a » par des « o ».

C'est toujours pareil avec les gars du Secret Service, on ne peut pas leur parler sans qu'ils croient qu'on tente de leur extorquer des informations confidentielles.

Il n'avait plus d'état d'âme, depuis longtemps, sur la teneur des objets qu'il trouvait. C’était un job qui lui permettait de vivre et les considérations sur les dérives de la nature humaine n’étaient pas son problème. Il était équipé d'une pince à long manche, pour préserver son hygiène et le risque de contamination et il plaçait consciencieusement les objets dans le petit chariot poubelle qu’il tirait derrière lui.

Hilton Jones s’était arrêté de respirer lorsqu’elle cambra ses reins en secouant sa chevelure lui donnant une posture des plus sensuelles.
Il sentit une onde le traverser, il se secoua mentalement et se détermina enfin à baisser son regard avec regret. Après tout, peut-être qu’il changerait d’avis sur les français, en tout cas sur les françaises.

Nous avons fait des recherches concernant "la dernière goutte d'eau" et nous avons trouvé trois allusions possibles. La première est dans l'expression connue "la dernière goutte d'eau faisant déborder le vase" et, dans ce cas ce serait une sorte d'alerte d'un inconnu sur la politique de notre pays que ce "correspondant" pense aller trop loin.

Les soit disant œuvres immortelles de ce dingue se réduisaient en cendre. Pour elle, c’était déjà une forme de justice.