AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.92/5 (sur 6 notes)

Nationalité : Pays-Bas
Né(e) : 1966
Biographie :

Ivar Schute est archéologue.
Spécialisé dans la gestion du patrimoine archéologique et la recherche dans les camps de concentration et les centres d'extermination nazis, il a travaillé pour le service d'État et l'université d'Amsterdam puis a rejoint le RAAP Archaeological Consultancy, agence de recherche et de conseil pour le patrimoine archéologique et paysager.

Ajouter des informations
Bibliographie de Ivar Schute   (1)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (10) Ajouter une citation
Dans la collection du Mémorial de Bergen-Belsen se trouvent quelques milliers d'objets découverts dans le sol. Ces trouvailles ont été collectées dans le cadre du projet Spurem suchen - Spuren sichern (« Chercher des traces - sauver des traces »), durant lequel des groupes de jeunes ont débarrassé les sols en béton des baraques et d'autres fondations de la terre et de la végétation qui les recouvraient, et recueilli les artéfacts. C'est un procédé courant en Allemagne, où l'on organise des « colonies archéologiques » dans ce type d'endroits comme une forme de travail éducatif.
La manière dont les trouvailles étaient exposées m'a fait réfléchir. Comme à Westerbork et Sobibór, j'ai vu que l'approche d'un centre commémoratif est une perspective fortement matérialiste, ce qui n'est pas sans une certaine logique. On parle d'objets, et en effet ces derniers ont un fort pouvoir expressif dans ce domaine. Mais l'archéologie consiste en premier lieu à établir des liens entre les traces et les artéfacts. C'est le contexte dans lequel nous découvrons l'objet qui est important, plus que l'objet lui-même. Une molaire cassée est une molaire cassée, cependant si elle a été retrouvée près des fondations d'une chambre à gaz, sa découverte nous raconte une toute autre histoire.
Commenter  J’apprécie          201
Treblinka est qualifié de camp d'extermination, mais s'agit-il bien d'un camp à proprement parler ? A Treblinka, on n'emprisonnait pas les gens, on les assassinait. En ce sens, il conviendrait plutôt de parler d'anticamp. L'image classique d'interminables rangées de baraques, de plaines infinies et de vastes groupes de prisonniers ne tient pas : Treblinka était petit et compact. Il n'y avait que quelques baraques, car seul un nombre très restreint de travailleurs forcés y vivaient, chargés de confisquer les possessions des victimes. Le reste du camp : une chaîne de destruction qui menait à une mort anonyme.
Commenter  J’apprécie          161
En amont de mes recherches, des témoignages de victimes et de bourreaux m'ont appris ceci :
À un endroit donné dans une forêt polonaise, au milieu des marécages et près d'une ligne de chemin de fer, il y a eu un camp. De ce camp, il ne reste rien. À la suite d'une évasion les nazis l'ont fait raser et y ont planté un bois. C'était un petit camp, car peu de personnes y travaillaient : tous ceux qui y arrivaient étaient aussitôt assassinés ; parmi eux, beaucoup de Néerlandais. Ces victimes étaient dépouillées de leurs biens personnels dans quelques baraques construites aux abords immédiats de la voie ferrée. Elles devaient ensuite parcourir un long corridor jusqu'à la seule construction entièrement en pierre : les chambres à gaz. Trois, puis après des travaux, six chambres à gaz. Les femmes étaient tondues en chemin, dans une baraque dédiée. Un chemin de fer à voie étroite amenait directement malades et personnes âgées dans des wagonnets à une place d'exécution. Tous les morts étaient extraits des chambres à gaz, leurs plombages en or étaient arrachés, et les corps finissaient brûlés sur de grands bûchers. Les cendres et autres restes crématoires étaient enfouis dans de grandes fosses.

Voici les résultats de dix années de fouilles :
À l'endroit indiqué de la forêt, parmi les fondations d'un certain nombre de constructions en bois, nous avons trouvé des quantités énormes d'objets dans de grandes fosses, des objets tout à fait ordinaires : assiettes et couverts, dés à coudre et tubes de dentifrice. Une part importante de ces objets se sont révélés provenir des Pays-Bas, parfois de personnes qui avaient été internées à Westerbork. Nous avons aussi mis au jour le début d'un chemin de fer à voie étroite, que nous avons renoncé à suivre. Nous avons en revanche entièrement excavé deux fossés. Il s'y trouvait des palissades qui formaient ensemble un long corridor de plus de deux cents mètres. Un petit embranchement conduisait aux vestiges d'une baraque où nous avons découvert des épingles à cheveux et des ciseaux. Le corridor débouchait sur un bâtiment en pierre avec huit pièces presque identiques. Dans un espace supplémentaire à l'arrière du bâtiment, nous avons retrouvé des boulons et des écrous. En passant au crible le sable juste à côté du bâtiment, nous avons pu récupérer des fragments de dentiers, des dents en or et des molaires brisées. Et derrière le bâtiment se trouve une zone plus grande qu'un terrain de foot, qui comporte une série de fosses. Dans ces dernières, des cendres et des restes crématoires d'origine humaine ont été découverts jusqu'à une profondeur de cinq mètres.
Commenter  J’apprécie          140
L'étoile de David gravée sur cet arbre à Barneveld symbolise le plus grand génocide de l'histoire, mais la personne qui l'a dessinée avait sans doute à peine conscience qu'il se déroulait à ce moment précis. Et cette personne aurait pu être Ida Simons.
Ida Simons mourut avant l'heure en 1960, à la suite des privations qu'elle avait endurées : "Et alors arriva Hitler... Combien de fois n'ai-je entendu ces quatre mots, qui marquaient toujours le début d'un récit plein de malheurs. Parfois, je suis prise du désir honteux de les entendre prononcer pour une fois par quelqu'un pour qui ils marquèrent le début de l'apogée de son existence, puisque pour des dizaines de milliers de personnes cela a bien dû être le cas."
L'étoile de David reste visible tant que l'arbre demeure sur pied.
Commenter  J’apprécie          141
Le charnier est toujours là, couvert à présent de jolies plantations et surmonté d'une grande croix de bois.
Commenter  J’apprécie          121
Le nom de Rudolf Reder ne parlera pas à grand-monde. Il possédait une fabrique de savon à Lemberg, aujourd'hui Lviv en Ukraine. Il fut envoyé au camp d'extermination de Betżec le 11 août 1942. Le nombre de victimes mortes à Betżec est estimé à un demi-million environ, tandis que les survivants sont au nombre de sept ;
Commenter  J’apprécie          90
Sobibór est un site sans vestiges visibles en surface, qui laisse une grande place à l’imagination. Traditionnellement, la culture commémorative insistait fortement sur la « résistance », compte tenu de l’évasion organisée par les soldats soviétiques. Films, documentaires et livres ont exploité ce thème. De ce fait, la narration centrée sur les victimes majoritairement juives était reléguée à l’arrière-plan. L’archéologie a dans une certaine mesure rompu avec cette tendance. Les objets personnels jouent en cela un rôle important en tant que supports de signification qui déplacent l’attention de la perspective du grand nombre vers les récits biographiques que relaient les objets individuels, ainsi que vers la valeur symbolique qui émane de ces objets, qu’ils aient appartenu à une victime ou à un bourreau.
Commenter  J’apprécie          81
Ce que notre équipe a mis au jour : des possessions confisquées, la Himmelfahrstrasse, les contours des fosses communes et les fondations des chambres à gaz. L'album photos et les résultats des fouilles se complètent ainsi à la perfection. Là où l'album est mystificateur, l'archéologie a dépassé la mystification.
Commenter  J’apprécie          10
Les archéologues ont l'habitude de trouver des choses, mais même pour nous, le spectacle était extraordinaire : tout ce verre, ces fioles à médicaments, la vaisselle, les clous, la monnaie, les billes, les chaussures, les couverts. Si l'attention de la presse, toujours présente, se focalisait sur les trouvailles les plus « originales » ou douloureuses — la chevalière à monogramme en argent ou la chaussure usée avec un fil électrique en guise de lacet —, les visiteurs et les survivants s'intéressaient plutôt aux objets « ordinaires ». Certains visiteurs étaient bouleversés par une paire de lunettes « que quelqu'un a portée ». Une réaction qui rejoint celle de Micha Schliesser. Des objets ordinaires ayant appartenu à des personnes ordinaires dans une situation qui, elle, ne l'était pas.
Commenter  J’apprécie          00
C'est là, car il y a un vide. Et le vide peut se ressentir, telle l'ombre d'un papillon de nuit.
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Ivar Schute (7)Voir plus

¤¤

{* *}