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Citations de Jackie Kay (31)


Des années plus tôt, j'avais pris un train de nuit de Londres à Manchester à l'issue d'une date pour une lecture de poésie. (C'est amusant de voir que nous autres, poètes, on appelle "dates" les lectures, soirées tristes et pitoyables en réalité, dans le seul but de faire comme si on était des stars de la pop. On se croise les uns les autres sur la route et on demande : 'Tu as eu quelques dates, ces derniers temps ?" "Oui, à la Bibliothèque centrale de Milton Keynes.")
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La démence a une sorte de poésie insolite qui s'empare d'éclats scintillants de vérité et nous oblige à en reconstituer l'assemblage.
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Depuis que je suis au Nigeria, jamais je ne suis tombée sur un chemin de poussière rouge exactement semblable à celui de mon imagination, avant d'arriver à mon propre village. Je demande à Pious de s'arrêter pour que je puisse descendre et marcher sur ce chemin. Je quitte mes chaussures pour sentir la terre rouge sous mes pieds nus. J'ai l'impression que mes empreintes étaient déjà inscrites sur cette route avant même que j'y arrive. Je calque mes pas sur elles, sur mes empreintes en attente. La terre d'une chaleur cuivrée est si belle, et le vert des longues herbes à éléphants si luxuriant que j'ai envie de pleurer. Je ressens une puissante affinité avec les couleurs et le paysage, une forte impression de reconnaissance. J'éprouve un sentiment de libération, de joie intense, en me disant qu'enfin, enfin, enfin j'y suis. Ça semble à des milliers de kilomètres de Glasgow, de mes si jolies collines de Fintry, mais étonnamment, ça semble aussi chez moi. Le paysage m'intimide aussi, comme si je rencontrais un nouveau parent. J'ai presque envie de lui parler, de chuchoter de tendres petits riens au creux de son oreille attentive. Le chemin m'accueille; il est bienveillant, chaleureux, amical, il m'accepte et pour le moment je ne demande rien de plus que le rouge si rouge de ce chemin, ce vert éclatant qui tranche, ce long et sinueux chemin de terre rouge.
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Une partie de moi venait d'Afrique, une partie de moi m'était étrangère, inconnue puisque je n'étais jamais allée sur le continent noir et ne pouvais guère m'en faire qu'une idée brûlante, chaude et poussiéreuse. Ce n'est pas tant qu'être noir dans un pays blanc signifie que les gens ne nous acceptent pas en tant d’Écossais, par exemple, mais plutôt qu'être noir dans un pays blanc fait qu'on inconnu de soi-même. C'est n'est pas l'étranger du dehors qui est intéressant, mais l'étranger en dedans. Chaque fois que quelqu'un, dans votre propre pays, vous demande d'où vous êtes originaire, chaque fois qu'on répond, indigné: "Je suis d'ici", on est piégé inconsciemment, obligé de se poser sans relâche cette question, surtout lorsqu'on est enfant. Les enfants ont un besoin d'appartenance viscéral et tout ce qui les différencie visiblement de tous les autres enfants engendrera ensuite dans leur tête un embrouillamini de questions gênantes, dérangeantes.
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"Tout peuple colonisé... tout peuple au sein duquel a pris naissance un complexe d'infériorité, du fait de la mise au tombeau de l'originalité culturelle locale, se situe vis-à-vis du langage de la nation civilisatrice... Le colonisé sera d'autant plus échappé de sa brousse qu'il aura fait siennes les valeurs culturelles de la métropole. Il sera d'autant plus blanc qu'il aura rejeté sa noirceur, sa brousse", dit Frantz Fanon dans un livre déterminant : Peau noire, masques blancs. Je me rappelle avoir lu Fanon, électrisée, juste après mes vingt ans; cette lecture a changé le miroir que je me tendais à moi-même. Je me rappelle l'enthousiasme que j'ai éprouvé en tombant sur des auteurs comme Audre Lorde, Alice Walker, Toni Morrison, Ralph Ellison. Tous ces écrivains ont changé la perception que j'avais de mon appartenance raciale; les lire a changé ma vie.
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Les arbres sont tout ce qu'il y a de bienveillants. Je viens juste de finir de m'instruire sur les arbres en travaillant dans la forêt de Burnley ; j'ai appris que les arbres s'entraident : lorsqu'il y en a un qui pousse un peu vers l'est, son voisin va pencher un peu vers l'ouest pour lui faire de la place. Les arbres respirent le même air et ont mutuellement conscience de leur présence. Ils complètent la croissance de leurs semblables, et deux frênes sonr capables de partager la même canopée.
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Les dernières grosses pluies de l'année tombaient. C'était l'époque où l'on foulait la terre rouge destinée à construire les murs.
Chinua Achebe
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Spectaculaire, dit mon père, quel pays, nom de nom ! Epoustouflant, dit ma mère, rien de plus beau, notre petit pays à nous. Mon Dieu que c'est beau. Un si grand nombre de balades et de voyages à travers l'Ecosse implique qu'on lui adresse de chaleureux compliments, comme si on croyait le pays doté d'une grande oreille dressée, à l'écoute. Par moments, je m'imagine voir le pays rougir de reconnaissance.
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En retrouvant la trace de ma mère biologique, voilà quelques années, j'ai découvert qu'après sa liaison avec Jonathan, elle s'était convertie au mormonisme. L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, ou je ne sais quoi. Les Mormons, m'a-t-elle expliqué, croient que les gens adoptés réclament de l'être alors qu'ils sont encore dans le sein maternel. Quand j'ai expliqué à ma mère que ma génitrice était mormone, elle s'est écriée: "Ah bon sang, catastrophe! On va se boire une petite demi-bouteille et on n'y pensera plus."
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Ma première nouvelle s'intitulait : De plus en plus noire, et parlait d'une jeune fille noire qui se récurait la peau pour devenir blanche. Mon frère l'a lue et a dit:
-Si ça parle de toi, c'est de la merde, si ça ne parle pas de toi, alors c'est bien.
J'ai bien aimé sa conception personnelle de la critique littéraire.
-Au fait, je voulais te dire, a-t-il ajouté, tu passes vraiment pour une idiote quand tu racontes partout que tu es noire.
-Et toi tu passes vraiment pour un idiot quand tu dis que tu es blanc.
-Je n'ai jamais dit que j'étais blanc, il a rétorqué.
-De quelle couleur tu crois être? je lui ai demandé.
Mon frère a haussé les épaules.
-Beige? il a répondu, et on s'est tous les deux écroulés de rire.
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Un soir, à l'hôpital, alors qu'elle était très faible et anémiée, une infirmière lui dit: "Mrs Kay, j'ai une question vraiment embarrassante à vous poser : si vous mourrez ici, souhaitez-vous voir un prêtre?" Ma mère a répondu, du tac au tac: "Seulement s'il me ressuscite."
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J'ai dix-sept ans et une canne marron. Je leur demande si je peux la peindre de couleurs psychédéliques, mais ils répondent: "Non, cette canne est la propriété de la Sécurité sociale, il faudra la rendre." Je me sens mal à l'aise avec ma canne marron, monter dans un bus et en redescendre est un calvaire, monter les escaliers de certains bâtiments est très risqué. Je remarque tout à coup à quel point l'univers architectural tout entier est conçu pour les valides. Je remarque l'attitude différente que les gens ont à mon égard; on dirait qu'ils me prennent pour une idiote parce que j'ai une canne. Ils parlent plus lentement, plus fort, comme si j'étais sourde, en plus.
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Ma mère ne s'est jamais trop bien entendue avec mon autre grand-mère, la mère de mon père. Elle disait, je m'en souviens, que la seule chose gentille que sa belle-mère ait jamais trouvé à lui dire, c'est qu'elle était une "marcheuse formidable".
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Une fois qu'on a inventé une histoire, il est difficile de ne pas y croire soi-même. On ne sait jamais où la vérité s'arrête et où commence l'histoire, et d'une certaine façon ça n'a pas d'importance.
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Je me rends soudain compte que les indiens sont de la même couleur que moi et que mère ne l'est pas. Je demande à ma mère: Maman, pourquoi tu n'es pas de la même couleur que moi? Ma mère répond: Parce que tu es adoptée. Je demande: Qu'est ce que ça veut dire adoptée? Mon frère s'esclaffe: Tu ne sais pas ce que c'est, l'adoption? Je n'arrive pas à croire que tu ne sache pas ça. Il est en train de manger des cornflakes. Il mange des cornflakes presque à tous les repas. Non je ne sais pas ce que ça veut dire. Je suis à deux doigts de fondre en larmes. J'ai déjà entendu le mot mais je ne comprends pas vraiment. Ma mère explique: ça veut dire que je ne suis pas vraiment ta maman. Comment ça, tu n'es pas vraiment ma maman? je réplique. Je pleure pour de bon, maintenant, parce que j'aime très fort ma maman et je veux qu'elle soit ma vraie maman et j'ai peur qu'elle veuille dire par là qu'elle n'est pas réelle et qu'il va lui arriver quelque chose, qu'elle va disparaître ou se dissoudre.
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Le territoire de l'adoption est un terreau fertile pour le secret ; il y fleurit et s'y épanouit ; où qu'on gratte, on trouve toujours une racine noueuse toute fraîche.
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Dans cette ville, plus que partout ailleurs, mes parents biologiques entrent et sortent de la réalité, puis regagnent mon imagination. Ce sont un instant des fantômes, hantant la ville de pierre, et des gens ordinaires l'instant d'après.
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Par tradition, par superstition, on enterrait les suicidés aux croisements pour les empêcher de revenir et de mettre sans dessus dessous les vivants de leur famille.
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Il y a certaines choses qui sont tellement impardonnables qu'elle rendent d'autres choses facilement pardonnables.
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C'est ce qu'il y a d'étrange dans le fait d'être adopté : l'histoire de sa propre adoption a l'air d'être l'histoire de quelqu'un d'autre, ou même celle d'un personnage fictif. On a du mal à la rendre réelle.
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