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Citation de Laumness


Il est, le Roi, le plus malheureux et le plus heureux des hommes. Le plus affligé et le plus protégé par le Ciel. Des coups violents s’abattent sur lui et plus que d’autres la grâce l’inonde. Il chante, il désespère. Il vit dans le brasier et la fontaine. Il est fait pour les terribles deuils et les rencontres exceptionnelles. Il navigue d’un extrême à l’autre et jamais, jamais ne se fige dans un état. Mais d’un extrême à l’autre il passe toujours par le lieu du cœur – ce lieu mystérieux d’où tout jaillit et où tout se transforme.

Le Roi est la somme de tous les mythes masculins parcourus en ces pages, leur sens aussi et leur accomplissement. Il harmonise en lui les figures de l’enfant, du conquérant, du troubadour, du méditant… Assumant toute la condition humaine et toute la destinée angélique, le Roi représente le Dieu en soi. Pour devenir immortel que faire d’autre que s’identifier au Soleil ou à la Divinité ? Ce n’est pas un blasphème, c’est une évidence. Ainsi parlait-on encore au XVIIe siècle de l’Imitation de Jésus-Christ. Tâcher de ressembler à ce qu’il y a de plus accompli est bien la seule façon de devenir vertueux. « Sois un Dieu toi-même », enseignaient les pythagoriciens. Noble programme, plus exigeant que de s’avouer misérable, pauvre pécheur. « La première manière qu’ont les hommes d’imiter le culte divin est de se vénérer eux-mêmes comme des dieux », écrivait Marsile Ficin. Plus tard Angelus Silesius reprendre le message : « Tu ne viendras pas au ciel que tu ne sois toi-même, avant, un ciel vivant. »

Aujourd'hui la perfection fait peur. On préfère se dire malportant et on fait appel à toutes les absolutions des thérapeutes, à toutes les excuses fournies par les démagogues et les travailleurs sociaux pour se soustraire à ce devoir d’homme : devenir grand, noble, vertueux. Ce n’est pas la religion qui est en cause : bon nombre de grands hommes des siècles passés – artistes, savants, souverains – pratiquaient les vertus chrétiennes, qui les firent magnanimes. C’est une pensée tournée constamment vers le besoin élémentaire. Si l’homme moderne tremble à la seule idée de la perfection, c’est qu’on lui a ratatiné l’âme et supprimé tout désir ; la marée noire de la psychiatrie et de la psychanalyse a englouti l’aventure intérieure, confondant de façon diabolique le spirituel avec l’inconscient.

Quels sont les modèles que propose aux jeunes une société engluée dans l’utilitaire et le déterminisme ? Aucun, ou bien ces pâles idoles du sport et du « show-business » ou ces « battants » qui prônent la réussite matérielle. Ces ombres éphémères et souvent grotesques, liées au court terme, ne remplaceront jamais les mythes dont le contenu intemporel s’adresse à la partie la plus fine et la plus durable de notre être. Fréquenter la beauté, se vouloir soleil comme Pharaon, imiter Jésus-Christ comme le suggérait François de Sales : on n’a rien trouvé de mieux jusqu’ici pour développer sa sensibilité et accroître ses vertus. Si les parents, les professeurs font défaut à cette éducation, il reste l’immense ressource des livres, des œuvres d’art, il reste le silence intérieur et la réflexion solitaire.

Du code courtois à la morale de la grandeur d’âme, de la conduite héroïque et l’idéal chevaleresque court une seule vertu : l’exigence. Et contrairement à ce que grognent les médiocres, les démissionnaires, l’exigence est un plaisir. Un plaisir d’une rare qualité.
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