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Citation de Laumness


Je tiens à revenir sur deux écrits précis de Jean-Paul II concernant les femmes : la Lettre du Pape Jean-Paul II aux femmes, du 29 juin 1995, et surtout, beaucoup plus développée, la lettre apostolique datée du 15 août 1988 et intitulée Mulieris dignitatem (traduite en français sous le titre La Dignité et la vocation de la femme).

À la lecture de ces deux textes du siècle dernier qui reflètent encore, je le crains, la mentalité du clergé actuel, j’ai été effarée autant qu’irritée par la conception paternaliste, lénifiante et condescendante, qui est celle de votre prédécesseur à l’égard des femmes : celles-ci sont cantonnées dans le service et les tâches subalternes, leur vocation est un dévouement total et muet, elles ont à s’oublier entièrement au fil des jours afin de s’occuper des malheureux et d’éponger les misères du monde… Telle est leur « maternité spirituelle », cette sollicitude envers « les plus démunis : les orphelins, les vieillards, les enfants, la jeunesse, les prisonniers et, d’une façon générale, les personnes marginalisées ». On pourrait continuer la liste, les bancals, les demeurés, les pustuleux, etc., la femme est si bonne pour eux, et elle n'est bonne qu’à ça…

Cette vocation misérabiliste concédée à la piétaille féminine, cette abnégation sacrificielle auréolée de pseudo-sainteté font froid dans le dos : au nom d’une étrange interprétation de la caritas, combien de femmes intelligentes et fortes sont bâillonnées et asservies ! Où est la dignité des femmes dont l’« originalité », la « richesse », les « charismes » invoqués par le Pape mais jamais précisés consistent à demeurer des aides compatissantes, de pieuses subordonnées ? Ah oui, Jean-Paul II peut, en juin 1995, clamer son merci aux femmes du monde entier : qu’elles continuent de se dévouer inlassablement et dans l’ombre, mais surtout qu’elles ne parlent pas et ne prétendent à rien de plus que de servir ! Tant que, religieuses ou laïques, elles feront ce « don désintéressé d’elles-mêmes », les hommes garderont le pouvoir spirituel et s’occuperont de choses sérieuses comme la doctrine, les Écritures…

[…]

Au fond, Jean-Paul II n'est pas persuadé de la grandeur féminine, la Vierge Marie constituant la seule exception. Il se dévoile au détour d’une phrase. Évoquant les diverses femmes que Jésus rencontra durant sa vie (toutes malades, contrefaites, impures et adultères, bien sûr), le Pape ajoute avec candeur : « Le Christ parle aux femmes des choses de Dieu et elles le comprennent, dans une réceptivité authentique de l’esprit et du cœur, dans une démarche de foi. » Oui, elles le comprennent, malgré leur intelligence limitée, leur inculture et leur frivolité… Puis le Pape rappelle la « transmission par le Christ de la vérité divine aux femmes », mais il n’envisage même pas que la transmission de la Bonne Nouvelle puisse passer par elles. Tout au plus, elles feront de nos jours le catéchisme aux petits. Mais jamais la femme n'est destinée à se tourner vers des hommes bien portants, intelligents, ni à converser avec eux, à les enseigner, à les éclairer, ainsi que fit Catherine d’Alexandrie avec les philosophes de son temps.

Or, je le pense sincèrement, notre siècle a davantage besoin de prophétesses, de femmes éveillées, de mystiques au cœur brûlant, que de dames de charité et de braves religieuses. Le dévouement de ces dernières est souvent admirable, mais ce n'est pas l’unique forme de sainteté réservée aux femmes ni la seule manifestation de leur dignité.

Une femme libre ne peut plus se contenter de cette « charité » délétère, suspecte, qui a pour effet certain de l’arrimer à la terre, au corps défaillant et malade, aux souffrances du monde. Elle ne peut plus accepter cette conception morbide d’une « charité » où elle doit s’oublier et se faire oublier. Elle n’en peut plus de tout le pathos et de tout le pathologique qui s’attachent à la sainteté féminine selon le catholicisme et qui, loin de conférer dignité humaine et fierté spirituelle, conduisent au mépris de soi et à l’abaissement de l’âme. Elle, elle se sent faite pour clamer la Lumière, la Beauté, la Joie, l’Amour, la Liberté. Pourquoi refuse-t-on son chant ?
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