Plus bas, au fond de l’oued, dans la profusion des lauriers-roses, c’est parfois l’enchantement de l’eau qui, en cette fin d’avril, coule encore abondante et claire sur les grandes dalles blanchies de soleil.
O les pieds nus des jeunes filles, qui, robes retroussées jusqu’aux cuisses brunes, essorent les linges et les tentures!
...ou peut-être quelques siècles auparavant, au temps
splendide de la Kahéna.
Elle remonte le cours de l'oued, jusqu'à
l'entrée des gorges. Elle déroule son
foulard de tête, la chevelure noire se
déploie en vagues des épaules à ses reins.
Plus tard, quand elle a quitté l'ombre de
la palmeraie et le parfum des orangers,
elle laisse glisser jusqu'à ses chevilles que
cercle le tatouage des Aït Melkem la
tunique d'indigo, elle descend dans le
chaos des galets blancs que charrie l'eau
du dernier orage. Intense et nue.
…ou peut-être encore dans
les jours à venir et l'absolue liberté de ces femmes d'Algérie.
Assourdis par la pluie, le bêlement des troupeaux de moutons et de chèvres, l’éraillement niais des ânes montent du parc à bestiaux, en bas, près de la porte sud. Plus près, des mechtas voisines, paisible et familier, le roulement des moulins à semoule précède le parfum chaud des kesra qui dorent sur les kanoun. Partie de tarot dans la cagna. Jaqez tient à s’accorder ces minutes de solitude qui devancent la nuit. Veilleur des crépuscules. Le village semble se glisser dans l’apaisement. Il s’accorde à cette paix.