Les magistrats, poursuivit-il, étaient désignés au concours. Mais c’était encore une erreur, car si la science du droit leur était nécessaire, elle n’était qu’une faible partie de la somme immense de vertus dont ils auraient dû être doués. Leur mission eût exigé d’eux une culture presque universelle, l’expérience de la vie et la connaissance de tous les milieux sociaux, de bonnes manières, une morale rigoureuse, le sens du bien public tempéré par beaucoup d’humanité, cette aptitude à distinguer le vrai du faux qu’on nomme le jugement, l’esprit de finesse qui ne s’acquiert que rarement sans une éducation soignée, et un sentiment de leur responsabilité qui aurait dû les priver de sommeil. Ce n’était pas une épreuve universitaire qui pouvait leur donner tout cela.
Parler, ce n’est pas jongler avec des idées, ni polir des sentences, roucouler, faire des effets de manches, poser pour le profil. Parler, c’est convertir. Au moins convaincre, ou raffermir des convictions chancelantes, ou rapprocher des divergences, ou mettre au monde des opinions embryonnaires, au moins répandre un sentiment, propager une disposition, jeter la graine au vent, lancer la bouteiller à la mer. Parler, c’est faire du travail. On juge la parole à ses résultats.