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Citation de Charybde2


Ce n’est pas un secret : la vente de charité fut introduite à Boulagon en 1928. Par des pères missionnaires, désireux de réchauffer l’ardeur et le saint zèle de leurs fidèles, peu enclins, au départ, à contribuer de leurs deniers à la construction de la première église. Depuis, cette kermesse d’un jour est devenue une tradition. Bel exemple de greffe missionnaire, elle correspond bien au tempérament joueur et généreux des habitants de ce village.
Au matin de la vente de charité, la démarche insouciante des paroissiens se dirigeant d’un pas lent vers la petite église en banco – alors que sonnent à toute volée les cloches annonciatrices du début de la grand-messe – ne laisse en rien soupçonner l’animation et l’agitation à venir.
C’est à la fin de l’office que les énergies se libèrent. La foule égayée des fidèles envahit d’un seul mouvement la vaste cour de l’église Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus. Elle prend d’assaut les apatams et leur armée de vendeuses offrant à boire et à manger. C’est en riant qu’on leste son estomac. C’est en riant qu’on aborde les jeux. Ici, l’on s’amuse à jeter des cauris dans une petite calebasse qui flotte et tangue sur l’eau constamment remuée d’une grande bassine. Là, au « chamboule tout », il faut, avec de petits sacs de tissu garnis de kapok, faire tomber, en trois coups décisifs, un échafaudage de boîtes de lait vides. Qui rate son coup déclenche rires et railleries. Et que dire des multiples tombolas : celles où l’on gagne à tous les coups, mais aussi celles où les zéros pleuvent comme chez l’instituteur. Ces tombolas fouettent le désir, l’excitent, le stimulent. Chacun brûle de gagner le gros lot. L’appât du gain ouvre les porte-monnaie. Les poches se vident, dans la bonne humeur et la gaieté. Plus loin, des gamins se dirigent vers un mât de cocagne garni en son sommet de petits lots surprises qu’on décroche en grimpant. Le mât, enduit de sauce gluante, transforme l’exercice en un véritable supplice de Tantale : chaque lot convoité s’écarte dès qu’approche une main, le joueur glissant évidemment à la dernière minute ! S’il s’entête et grimpe à nouveau, il glisse encore, encore et toujours, pour le plus grand bonheur des spectateurs aux joyeux quolibets.
Après le repas et les jeux, les paroissiens s’installent sur les bancs disposés en face de la tribune aux enchères. Car, la vente de charité, c’est d’abord et avant tout une vente aux enchères ! Celle-ci débute vers treize heures. L’ouverture de la vente est faite par le curé en personne qui présente à l’assistance une médaille envoyée par le pape. Et, doux miracle tropical, les habitants de Boulagon, d’ordinaire si calmes, se transforment soudain en adultes bruyants. Ils crient, sautent, dansent, hurlent pour conquérir la médaille. Les missionnaires, ces anthropologues du dimanche, ont joliment compris l’âme africaine. Nous aimons trop les échanges somptueux, les dons ostentatoires ! Devant témoins, il nous faut gonfler la poitrine, bomber le torse pour jouer au généreux. (« Vente de charité à Boulagon »)
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