Cet été-là…
Cet été-là, je le passais sous une écorce de platane. Je le sais
aujourd'hui : je commençai par le plus difficile, par l'ombre et
les insectes. Mais lorsqu'on veut changer de vie, naître à un
autre monde, tergiverser ne sert à rien. Religions, philoso-
phies, livres, penseurs, idéologues ne proposaient à mes désirs
que de timides voyages dans les banlieues de l'être. Je voulais
autre chose, aussi les congédiai-je.
Je ne m'étendrai pas sur les raisons qui me firent choisir
une écorce pour lieu de ma métamorphose. Je n'indiquerai
qu'un détail : bien loin de me jeter sur le premier arbres venu,
je choisis un platane connu depuis longtemps.
Il se dressait à proximité de la Loire sur les bords d'un canal
où, enfant, j'allais jouer le jeudi. À l'automne, j'aimais soulever
ses écorces pour y découvrir tout un monde de bêtes endormies,
y sentir la fraîcheur de l'ombre et la sueur de l'arbre. Odeurs
comme des embruns de terre que je humais jusqu'au vertige…
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