C'est depuis peu que quelques écrivains ont tourné leurs vues vers cette époque de l'histoire de l'art. L'abandon où l'on avait laissé ce point historique, provenait autant de l'obscurité de la matière, que du dédain peu réfléchi qu'on affectait pour les productions de la peinture et.de la sculpture, entièrement dégradées, disait-on, dans ces âges de barbarie. Il est évident néanmoins que l'analyse de l'art dans le moyen âge se rattache nécessairement et à la théorie et à l'histoire complète et générale de l'art, et c'est cette considération qui, jointe au retour des esprits vers des idées plus vraies, a probablement engagé plusieurs savants modernes à s'occuper enfin de ce travail.
Les peintres instruits rencontrent des obstacles, il est vrai, mais ils ont à leur disposition le moyen d'en triompher. De l'attention, de la persévérance et une haute idée de la perfection leur suffisent. Ils atteindront le but, n'en doutez pas; ils feront ce qu'ils sont capables de faire. N'en disons pas davantage sur l'excellence, sur la nécessité de la méthode en général, et parlons de celle qui est indispensable pour produire un tableau.
Chacun conçoit que la première chose à faire, c'est d'inventer et de composer : inventer, c'est-à-dire, fixer son choix sur le sujet et fixer l'idée générale du tableau; composer, c'est-à-dire, disposer de manière à mettre en évidence cette invention, ce sujet, et en même tems à l'exposer dans un certain ordre qui, conforme au caractère de l'art libéral de la peinture, produise l'harmonie ou la beauté. Or nous avons défini la peinture; nous allons définir et expliquer la beauté, puis nous traiterons de l'invention et de la disposition. Jusqu'ici la méthode n'est donc point embarrassante. Car qui s'aviserait de ne pas commencer par le commencement, de ne pas fonder avant d'élever ? Mais arrive la question de l'esquisse ; il ne s'agit pas de demander si on doit esquisser, mais comment on doit esquisser et procéder dans la représentation par esquisse.
Quelles sont les diverses conditions de la peinture ?
Quand, sans avoir égard aux livres, mais en suivant le seul bon sens, on se demande quelles sont les principales conditions de la peinture ou d'un tableau, on reconnait aisément qu'il existe quatre bien distinctes : 1- la vérité dans le choix, ce qui suppose nécessairement et comprend le possible et le vraisemblable; 2- la convenance ou le beau pour l'esprit; 3- le beau optique ou pour la vue, et 4- la justesse de représentation.
Colorer, c'est donner une couleur, ou de la couleur, ou apposer des couleurs : colorier, c'est les apposer selon les lois du coloris. Quand on dit à l'élève qu'il faut colorer davantage cette carnation, cette draperie, cela veut dire seulement en monter la couleur ou la teinte ; quand on dit qu'il faut colorier mieux, cela se rapporte aux règles de l'art (voyer ce qui sera dit au sujet du mot Ton). Plusieurs autres articles expliqueront pourquoi on peut dire d'un tableau trop rouge, par exemple, qu'il faut le monter de ton ; et d'un tableau trop fort de ton, qu'il faut le monter en couleur. Ainsi une carnation en peinture peut être peu colorée et d'un bon coloris ; très-colorée et d'un faible ou d'un médiocre coloris. Le mot coloration, qui ne se trouve point dans le Dictionnaire, semble nécessaire pour exprimer en particulier l'effet des corps colorans. Quant au mot colorisation, on l'a employé pour exprimer le changement de couleur des substances dans les opérations chimiques.
Lorsque l'on dit que tous les tableaux célèbres sont des modèles qu'il faut s'efforcer d'imiter, on doit répondre que non; ces tableaux ne pouvant servir que de modèles partiels parce qu'ils pèchent presque tous contre plusieurs principes fondamentaux de l'art, principes qui firent briller l'art des Grecs; d'un éclat soutenu pendant plus de deux mille ans.
Apollodore, qui fut le premier des peintres grecs qui découvrit les vrais principes de cette partie de l'art, obtint le surnom de Sciagraphe, c'est-à-dire, peintre des ombres c'est Hésychius qui nous apprend ce fait. Mais quelques écrivains en ont peut-être conclu inconsidérément que ce surnom voulait dire peintre de clair-obscur, comme nous l'entendons.
On fait des livres didactiques ou pour les professeurs ou pour le public on destine ces livres soit aux écoles en particulier, soit à toutes sortes de lecteurs. Dans l'antiquité, le plus grand nombre des livres didactiques étaient faits pour les écoles et pour être professes. Ces livres renfermaient le dépôt des documents purs, des sentences fondamentales, des dogmes enfin et des axiomes qui devaient fournir aux maîtres la matière de l'instruction publique, or de tels livres supposent des écoles, et ces écoles existaient mais aujourd'hui que nous ne possédons point de véritables écoles d'art (je tacherai de démontrer que nos écoles n'en ont que le nom), à qui s'adresser quand on veut communiquer des principes~ ainsi que des démonstrations et des applications de ces mêmes principes ?
Mais, si l'histoire de la peinture était considérée et étudiée sous le rapport de l'art exclusivement, c'est-a-dire sous le rapport de sa définition, de sa destination et de toute sa théorie, elle produirait alors des rapprochements instructifs, de nouvelles vues pour connaitre l'art tout entier et sous toutes ses faces, en sorte que l'étude des faits historiques de la peinture deviendrait pour tous les lecteurs l'étude des véritables principes de cet art. Or, c'est de cette manière que nous désirons traiter cette première partie de notre ouvrage.
De la beauté du dessin en général
Si le lecteur a adopté la division que nous avons donnée de la peinture, et par conséquent de dessin, il reconnaîtra qu'il faut, maintenant que nous avons traité du vrai ou du possible et de plus de vraisemblable, passer à la condition du beau appliqué au dessin.
Nous devons donc nous occuper d'abord de la question du beau intellectuel ou de la convenance dans le dessin, puis nous nous occuperons de la question du beau optique, mais appliqué à la figure humaine seulement.
DÉFINITION DU DESSIN.
Le dessin est un moyen de la peinture par lequel on représente avec des traits ou des délinéations tes formes des objets; et, comme !a peinture est un art libéra! qui exige non-seulement !à vérité et la vraisemblance, mais aussi la beauté, on doit, pour définir complètement le dessin en peinture, dire qu'il est l'art d'imiter par des délinéations les formes des objets dont la beauté optique p!ait aux yeux, et dont !à beauté intellectuelle où la convenance p!ait à l'esprit.