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Citation de jullius


« La révolution d’Octobre ne fut pas le résultat d’une conjuration ou d’un coup d’État, comme bon nombre d’historiens présentent la chose. Et cette révolution ne fut pas non plus l’œuvre exclusive de Lénine, comme Churchill le sous-entendait quand il se lamentait en disant qu’il eût mieux valu que Lénine ne fût jamais venu au monde. en Russie la révolution couvait depuis des décennies déjà quand la guerre éclata en 1914 ; la guerre créa les conditions qui firent qu’une révolution fut possible en février/mars 1917 et, durant l’été te l’automne 1917, une nouvelle révolution fut inévitable. La révolution de février/mars de cette année n’avait en effet pas apporté ce que l’écrasante majorité des Russes auraient souhaité, à savoir la paix et des changements politiques et sociaux profonds. En outre, même les relativement modestes réalisations démocratiques de la première moitié de l’année 1917 risquaient d’être perdues en raison de l’attitude désespérément réactionnaire de dirigeants militaires et politiques comme Kornilov. On ne peut donc pas dir que Lénine et ses compagnons ont « fait » ou « créé » la révolution, mais on peut dire qu’ils l’ont sauvée en reprenant sa direction en main et en la menant sur ses rails – avec le soutien d’une grande partie et peut-être même de la majorité de la population (…) C’est une absurdité de l’histoire ou plutôt de l’historiographie – en occident, du moins – que Lénine, qui apporta au peuple russe la paix et les changements révolutionnaires que la grande majorité de ce même peuple espérait ; soit dépeint comme un « dictateur », alors que des hommes comme Churchill, qui voulaient maintenir les Russes en guerre contre leur gré et soutenaient par conséquent des éléments réactionnaires comme Kornilov, soient glorifiés en tant que grands démocrates. Les quelques correspondant de guerre occidentaux sur place reconnaissaient d’ailleurs que les bolcheviks bénéficiaient du soutien massif du peuple russe. Mais les grands journaux qui opéraient comme porte-voix de l’élite – comme The Times – qualifièrent dès le début les bolcheviks de fous, de criminels, de voleurs, d’assassins et/ou de blasphémateurs. « Le remède contre le bolchévisme », proclama The Times, « ce sont les balles ». L’élite britannique, surtout, s’empressa de manifester en long et en large sa haine du bolchevisme. Churchill expliqua que les bolcheviks étaient de « terrifiants babouins » qui menaçaient la civilisation et que le bolchevisme était « un bébé qu’il fallait étrangler dans son berceau » (…) La haine de l’élite « occidentale » envers le bolchevisme s’enflamma encore plus quand le nouveau gouvernement bolchevique publia les accords secrets conclus entre eux par les alliés de l’Entente, comme l’accord Sykes-Picot concernant le Moyen-Orient. On pouvait y lire noir sur blanc que leurs objectifs dans la guerre n’avaient rien à voir avec la démocratie ou le droit mais étaient presque exclusivement impérialistes (…) Les nouveaux dirigeants russes prouvaient également leur immoralité et leur perversité dans le refus de reconnaître les dettes contractées par le gouvernement tsariste auprès de firmes françaises et britanniques lors de l’achat de toutes sortes de marchandises, surtout des armes, mais aussi de grandes quantité de champagne livrées (en bouteille de cristal pur) par Roederer, par exemple, une firme dont la cour de Saint-Pétersbourg était depuis longtemps l’unique client. Les bolcheviks étaient surtout exécrés parce qu’ils étaient tenus pour responsables de ce genre de révolution sociale dont le spectre avait terrorisé les élites de toute l’Europe dans les années d’avant 1914, le genre de révolution sociale qu’en fait, la Grande Guerre aurait dû éradiquer à jamais. Cette maudite révolution avait surgi en Russie et, désormais, le danger existait également que cet exemple révolutionnaire fût imité dans d’autres pays. Du point de vue des élites de France, de Grande-Bretagne et d’ailleurs, la Révolution russe constituait dorénavant une menace plus grande encore pour l’ordre établi, pour leur ordre, que les Allemands eux-mêmes. Il existait encore une autre raison à cette horreur suscitée par le bolchevisme au sein de l’élite « occidental ». Lénine et ses compagnons s’exprimaient ouvertement en faveur de l’émancipation de tous les opprimés, donc pas seulement les sous-classes en Europe même, mais aussi les peuples coloniaux en Afrique, en Inde, etc. – donc ces millions de gens de couleur que leurs « maîtres » blancs considéraient comme inférieurs et dangereux. Les bolcheviks affirmèrent ouvertement leur solidarité avec les peuples coloniaux opprimés, ce que les socialistes d’avant-guerre n’avaient jamais fait, et ils allaient inspirer leur lutte pour l’indépendance et les changements démocratiques et, dans bien des cas, la soutenir. N’était-ce pas criminel ? »
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