Citations de Jacques Rigaud (23)
Absence: mais absence sensible.
Vous attendez ici une pirouette, le numéro classique du cirque spirituel contemporain, le coup de "la présence en creux" de Dieu dans nos vies, l'alibi facile qui justifie la renonciation à toute pratique religieuse et bientôt à toute morale, la justification des vies par la bonne volonté molle d'hommes trop occupés pour trouver le temps de prier.
Ce n'est pas cela: quand je dis que cette absence est sensible, cela signifie que je la ressens comme telle, comme un manque consenti, comme un refus organisé. Cette absence n'est pas celle d'un être cher que quelque chose retient ailleurs. Non: si le Christ n'est pas présent dans ma vie, c'est tout bonnement parce que je ne lui ai pas fait de place.
Entre gitans on ne se lit pas les lignes de la main.
La peinture ça ne se regarde pas ça se fréquente. Pierre Soulages
Former sa vie c'est tourner en défis et en occasions de dépassement ce qu'elle charrie inévitablement de désagréments, de contrariétés et d'épreuves.
Nous entretenons tous un rapport intime avec eux (les mots), au-delà ou en deçà de leur sens courant. C'est Colette qui, enfant, avait nommé un escargot qu'elle avait
adopté "mon petit presbytère" parce qu'elle aimait ce mot pour lui-même.
Je suis parvenu à l'âge où, à l'égard de mes enfants, je n'ai plus que des devoirs. (Pierre Moinot)
(L'auteur traitant de la pudeur):
Un écrivain aussi souverainement maître du langage que Philippe Sollers ne parvient pas à trouver d'autres mots que ceux, additionnés, des traités d'anatomie et des salles de garde pour évoquer son sexe, celui des autres et ce qu'il en fait. Dans une sorte de descente aux enfers assez fascinante, Olivier Py ne parvient qu'à susciter un insurmontable malaise. Houellebecq, comme avant lui, Hervé Guibert, disent tout, dans des termes d'une force incontestable, mais néanmoins d'une platitude voulue et d'une objectivité clinique qui exclut toute poésie. 'La chair est triste hélas! et j'ai lu tous les livres". Mallarmé semble avoir parlé pour notre temps. Et ce ne sont pas les névroses de Christine Angot et de quelques auteurs de la nouvelle génération qui nous rendront la chair joyeuse.
La vertu, si l'on y croit, est faite pour être pratiquée, non exhibée.
Je crois que l'on ne peut être pleinement citoyen que si, par la fréquentation des oeuvres de l'art et de l'esprit, on se forge soi-même les clés de l'explication du monde dans lequel on vit.
Un vieil homme qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.
( Hampaté Bâ: écrivain et ethnologue malien)
Quarante années bien sonnées de paternité m'en ont appris plus que tous les livres sur la vie et sur moi-même.
Mon cher, j'ai appris une chose: la retraite, c'est quand on a plus de vacances. (Georges Vedel de l'Académie Française)
l'incrédulité est plus forte que les miracles .
Les cyniques, avec leur aplomb, sont capables de tout et, par exemple, de se confectionner une prothèse de fausse sincérité qui leur permet, avec un parfait naturel, de nier un crime, de changer une trahison en exploit et un mensonge en aveu sincère.
Il y a des peintres d'instinct ou de fantasme. Je n'en connais pas qui, autant que Soulages, soient à la fois des ouvriers et des poètes de la matière et des philisophes du regard et qui sachent aussi bien parler de leur art.
Vivre à propos:qu'est-ce au fond? C'est d'abord se donner entier à ce qu'on fait, aimer la vie en chacun de ses instants, faire preuve à son sujet d'esprit d'à propos, l'accueillir et la goûter comme elle vient, inégale, capricieuse, imprévisible, avec ses moments intenses mais aussi les mornes étalements de son cours, quand il semble que rien ne se passe.
En castillan "retraite" se dit "jubilation". Voilà qui est clair.
Le plus grand dérèglement de l'esprit, c'est de croire les choses par ce que l'on veut qu'elles soient, et non par ce qu'on a vu qu'elles sont en effet.
(Bossuet)
Ne pense pas comme ça t'arrange.
(Jean Riboud Président de Schlumberger à son fils.)
Je ne manquais pas d'oeil, ni de sensibilité mais mon ignorance était totale et mon éveil fut tardif. Allant pour la première fois en Italie à dix-huit ans, en 1950, à l'occasion de l'Année sainte, je fus impressionné par l'architecture, qui, grâce peut-être à l'hérédité d'une famille paternelle de maçons, m'a intéressé dès l'enfance; en revanche, je dois confesser que la peinture me laissa assez indifférent, qu'il s'agisse des fresques de Giotto à Assise où commença notre voyage, des musées du Vatican que nous parcourûmes au pas de charge, ou des Offices où je fus plus impressionné par les vues qu'offre la galerie du musée sur le Palazzo Vecchio et sur l'Arno que par les cimaises. Non seulement les noms de Ghirlandajo et de Botticelli même ne me disaient pas grand-chose, mais, tout simplement, je ne savais pas regarder et je n'avais personne près de moi, maître, parent ou ami, pour me donner d'utiles leçons. J'en recevrai plus tard de gens de métier qui, beaucoup plus que les livres, m'aideront à lire un tableau, y compris des astuces comme celle que m'a apprise un jour Jean Lescure à l'Académie, à Venise, et qui consiste à utiliser des jumelles de théâtre pour isoler et goûter un détail.
Chapitre IV, La fréquentation des oeuvres, p183-184.