Elles avancent au rythme lent d'un bateau ventru; elles occupent toute la place sur l'étroite route, soufflent, balancent leurs lourdes mamelles, jettent des regards inquiets, donnent des coups de leur queue beurrée d'excréments. Dans l'air humide et l'odeur végétale des chemins touffus, elles offrent un spectacle éléphantesque. Elles sont molles, robustes, biologiques, elles obéissent bêtement aux hommes inquiets qui les poussent avec des cris rauques, simplement guidées par l'appel de l'herbe dégoulinante de rosée.
Vous l'avez compris, le Cotentin est un endroit qui gagne à être connu. Certes, il y pleut abondamment; il y crachine parfois avec une persévérence agaçante, je ne peux pas le nier. Mais la pluie est un pinceau qui donne sa couleur à la presqu'île. Un rayon de soleil, un trou dans les nuages charbonneux et la campagne prend des couleurs éblouissantes, magiques, merveilleuses, profondes, violentes et gaies. C'est du Van Gogh.
L'église est gigantesque. Elle résonne. Hostile? Je ne saurais dire. Sensation de froid et d'ennui. L'homme vêtu d'une robe blanche et de choses dorées qui recouvrent son ventre confortable, fait de grands gestes, ouvre les mains et les referme, parle avec des mots incompréhensibles. A un moment donné, il mange quelque chose. Pourquoi mange-t-il avant le déjeuner?
Elle m'expliquera plus tard, qu'un temps maigre, c'est lorsque le froid empêche l'herbe de pousser. Belle expression.
Il faut toujours se méfier des mots. Ils vous enchantent, ils vous entraînent, vous enchaînent.
Bénédicte écoute en s'étalant de la crème solaire sur le bras. Elle fronce du nez. Puis, à la fin, elle dit que c'est dégoûtant.
- Vous êtes tous des rustres, lance-t-elle avec sa voix de porcelaine.
Alors, le cœur gros, Gégé rentre à la maison, prend le vieux dictionnaire Larousse, celui qui sème à tout vent, et cherche "rustre". Il lit : "Brutal, grossier". Après avoir réfléchi un instant, il crache dans le feu, verse une larme et file chez Tienne.