KOALAS
Extrait 2
bouddhas à épouiller, plus forts que le poison
qui dans les feuilles court, vois leurs oreilles d’ouate,
remparts aux tentations, dans ce buisson
perdu de l’univers : pour eux, nul wa-
terloo, pas de voyage à canossa,
regarde-les tant qu’il est temps, de peur
d’oublier : retiens ces doux traits cadenassés,
leur rictus de meilleur grimpeur
vers la victoire d’étape, à l’aplomb de la terre,
mais toujours à portée, leur poil gris décati –,
avant que de nouveau chacun bâille, s’étire,
pour retourner à son rêve d’eucalyptus.
/Traduction de l’allemand et présentés par Julien Lapeyre de Cabanes et Alexandre Pateau.
Quetsches
extrait 3
une vibration, jusqu'à ce que le bruissement
devienne grondement, ouragan,
et que le bleu
déferle puis s'immobilise
au pied de l'arbre. quelques jours, une semaine
après, et toute la splendeur disparaissait.
ce qu'avait dédaigné la concurrence des merles
était tombé tout seul,
à l'improviste, des hautes branches,
et nous le trouvions par terre : une strate,
un pourrissement, une fange
à la puanteur douceâtre
et, avec elle, une inquisition de guêpes s'emparait
de tout le jardin, leurs chuchotis et virevoltes, jusqu'à l'arrivée
des froides journées d'automne.
/traduction de l’allemand par Roland Crastes de Paulet et Axel Wiegandt.
angélique
ne la négligez pas : la petite angélique
cache un cœur de démon – d'où son nom qui dénote
la blancheur éthérée de ses fleurs, oh, pudiques
comme le dessein d'un despote.
elle revient sans cesse en péché lancinant,
lance ses messagers
dans l'ombre, à l'assaut du gazon, du champ,
attisant un nouveau foyer de blanche hégé-
monie qui rejaillit derrière le garage,
sous l'a auge qui gémit, le genièvre : angélique,
génère ses geysers sans faire aucun tapage,
s'applique, enjambe le portique, et l'angélique
au jardin plus un coin ne ménage, angélique
d'angélique mangée, submergée sous des gerbes
d'angélique.
p.15
/version d'Alexandre Pateau
Essai sur les moucherons
comme si toutes les lettres s'étaient
subitement détachées du journal
et en essaim dans l'air se seraient reformées ;
forme d'essaim en l'air,
porteurs d'aucune mauvaise
nouvelle, chiches muses, maigres
pégases, bourdon rien que pour l'ouïe ;
sculptés dans le dernier fil
de fumée, quand s'éteint la bougie,
si légers qu'on peut à peine dire : ils sont,
semblant presque des ombres
qu'on eût d'un autre monde
dans le nôtre jetées ; ils dansent,
leurs membres plus fins qu'un trait
de crayon ; infimes corps de sphinx ;
la pierre de rosette, sans la pierre.
frombork
extrait 2
l'assaut des doutes, l'état de siège. et juste à ce moment un flot goudronneux de corbeaux déversé dans le soir par-dessus la rambarde de l'épaisse muraille. deux groupes de voyageurs sont dans le jardin de la cathédrale : nous et l'autre, les arbres italiens. et deux espèces de rossignols y vivent, nous révèle la femme au parapluie bleu. nous n'entendons pas leur chant, mais ils sont bien là, tandis que dans la lagune l'eau salée se mêle à l'eau douce. tandis que la terre est à l'arrêt, avance à toute allure.
/traduction de l’allemand par Roland Crastes de Paulet et Axel Wiegandt.
égopode
ne pas le prendre à la légère : l'égopode
podagraire, le nom pose l'égo ‒ partant
les fleurs, blanches et planantes, prudes
comme les rêves d'un tyran.
revient toujours comme une antique coulpe,
mande ses prodromes
dans l'ombre, sous les plates-bandes, la pelouse,
jusqu'à ce qu'explose un nouveau pôle
d'indiscipline blanche, englobe le dépôt,
les bordures, les planches, les pommiers : égopode
comme spume épandue, qui sans gronder s'impose,
galope, grimpe aux portes, pour que l'égopode
partout s'épande au potager, que l'égopode
d'égopode épaulé le gobe, englouti d'égopode.
p.14
/version de Julien Lapeyre de Cabanes
frombork
extrait 1
la cathédrale depuis le ferry – une somptueuse sauterelle rouge brique brillant au soleil, ses pattes gothiques écartées, prête à sauter. deux chênes et un érable se dressent dans la cour, étalent avec précaution la mosaïque automnale sur le pavé grossier. année après année dans la tour, seul avec les étoiles, les instruments. pourquoi ne sentons-nous pas le vent, si tu as raison, lui demandaient-ils.
…
/traduction de l’allemand par Roland Crastes de Paulet et Axel Wiegandt.
Quetsches
extrait 1
Quetsches
même avec un cueilloir, on atteignait juste
l'équateur de la gigantesque
couronne, pas plus,
avant que le sac blanc de la perche
ne regagne le sol en planant, gonflé
comme la poche d'un bec de pélican.
l'odeur d'herbe fraîchement coupée
et septembre touchant
à sa fin ; au-delà
du carré potager, l'échelle dépliée
épelait et réépelait
son propre A.
…
/traduction de l’allemand par Roland Crastes de Paulet et Axel Wiegandt.
KOALAS
Extrait 1
un seul arbre et combien de somnolence,
combien de boules de fourrure
en ses ramures, une romance
d’indolence qui tout là-haut se tient si sûre,
tient bon, au bout de quelques griffes
pour tout crampon, anonymes alpinistes,
premiers en haut des toits où flûte et siffle
la forêt tropicale : hirsutes stoïcistes,
…
/Traduction de l’allemand et présentés par Julien Lapeyre de Cabanes et Alexandre Pateau.
Quetsches
extrait 2
il fallait déjà soi-même, le long
d'un tronc croûteux, grimper tout en haut, par l'escalier
de branches en colimaçon,
où l'on commençait à tout secouer,
debout au centre du quetschier,
comme, dans son cercle,
l'homme de léonard, à assurer un crescen-
do dans le vert,
…
/traduction de l’allemand par Roland Crastes de Paulet et Axel Wiegandt.