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TROIS HISTOIRES UN DESTIN
Jasna Samic
Théâtres
Quels sont ces ponts qui nous relient, ces abîmes qui nous séparent ? Un crime mène-t-il vers un autre crime ? Pourquoi se venge-t-on sur un innocent ? Ce ne sont que quelques questions que les trois pièces posent sur ces exilés dans les souvenirs, représentant aussi le thème des trois histoires, liées étroitement, par un événement : la guerre, et faisant allusion à une ville où la vie, l'amour, le malheur et la mort se rencontrent et se confondent encore de nos jours, devenant une et même chose.
Broché
ISBN : 978-2-343-07986-8 ? février 2016 ? 184 pages
Prix éditeur : 18 ? 17,10 ?
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Avec la débâcle et l'écroulement de la Yougoslavie, tout s’est terriblement inversé. Les relations entre Serbes et Croates se sont envenimées de façon incroyable. La Bosnie a été intégrée dans l’État indépendant croate, allié des nazis et dirigé par les oustachis. Les Serbes y sont persécutés comme naguère les protestants. Continuer de se dire Serbe en de telles circonstances exige un courage exceptionnel. Surtout pour les musulmans, proclamés automatiquement Croates et même proclamés par les oustachis « les fleurs du peuple croate ».
Françoise est devenue très sensible aux critiques des gens de l’Est. Elle prétend que beaucoup d’écrivains, notamment Kundera et Kiš, ont surtout réussi grâce à leurs diatribes contre les Français qui, du genre pervers, adorent qu’on leur crache au visage.
Il est préférable que dans la vie certaines choses restent intouchées, qu'on les ressentent seulement. Et qu'elles subsistent dans le souvenir.
p 220
La seule consolation me vient des livres. Eux seuls peuvent me rendre un peu d’élan, de volonté de vivre, chasser mes pensées funestes.
Je me refuse à mettre une citation.
Heureux qui jouit agréablement du monde ! Plus heureux qui s’en moque et le fuit ! Einstein croyait que ledit monde ne serait pas détruit par les hommes qui commettent des atrocités, mais par ceux qui regardent ces atrocités sans rien faire. La beauté est une énigme, pense par ailleurs Dostoïevski, persuadé, lui, que le monde sera sauvé par elle.
Est-ce vrai ? J’ai atteint l’âge où l’on remet tout en question, où l’on ne fait plus que relativiser, à en attraper des vertiges. Que dire sur la laideur et la barbarie ? Sont-ce aussi des énigmes ? Et la méchanceté ? Elle a toujours éveillé en moi un obscur sentiment de confusion.
Aliocha travaille beaucoup et souffre beaucoup. Il m’est devenu insupportable de le voir se saouler chaque soir avec du vin bon marché mélangé à du coca et arrosé de bière. Il ressemble à n’importe quel lučki radnik, ainsi qu’on appelle un docker dans notre langue maternelle. Quand je l’ai rencontré il y a une éternité, il m’était apparu comme un héros sorti d’une pièce de Tchekhov ; la même élégance aristocratique russe, la même paresseuse noblesse. Il était l’un des jeunes hommes les plus chics et raffinés de Sarajevo. Il m’évoque aujourd’hui encore certains personnages de mon auteur adoré, comme surgi de Platonov, et pas seulement pour cette exclamation : « Boire ou ne pas boire, de toute façon on meurt ! Autant boire ! » Une phrase de Fitzgerald me vient aussi à l’esprit : « Quand je ne bois pas, je ne supporte pas le monde ; quand je bois, c’est lui qui ne me supporte pas ». Convenons que la vérité ne console que rarement.
J'aimerais bien te décrire notre vie, mais elle est si monotone que ce n'est pas la peine de gaspiller les mots. Ni électricité, ni eau, ni paix. Mais je suppose que l'homme est fait pour s'adapter à tout. Ainsi nous avons perdu l'impression de ne pas vivre normalement. Ce qui nous torture, c'est que nous n'avons de prise sur rien. Nous attendons quelque chose et nous ne savons plus quoi. Le temps passe vite, bien que tout soit vide. Impossible de combler ce vide, tous les jours se ressemblent. Je ne cesse pourtant d'espérer que notre situation change et que, si Dieu le veut, nous nous retrouvions ensemble.
p 111
Chacun s'imagine avoir quelque chose à nous enseigner de sa propre vie. Formidable époque où tout le monde écrit et personne ne lit ! Freud et la soi-disant liberté sexuelle sont à l'origine de nombreux malheurs.
On rencontre partout nos compatriotes. Nulle part, dans aucune partie de la planète, on ne peut plus se sentir dépaysés.
p 36
Elle voudrait fuir tout. Mais où ? Sur ces pensées s'achèvera au demeurant la première partie du livre: « Fuir ? … Dans le rêve, dis-tu ? Mais les portes du rêve sont closes. Il n'y a plus de place. Rien que l'infini étendue d'azur. La paix céleste parsemée de fleurs bleues. Au loin. Par la fenêtre. »