JACQUES VAN ARTOIS.
Ce grand paysagiste naquit à Bruxelles en 1613 : son maître n'est pas connu ; on soupçonne seulement qu'il fut élève de Wildens Van Artois étudia dans les campagnes les variétés de la nature ; il observa dans les saisons différentes tout ce qui pouvait contribuer à la perfection de ses ouvrages. Continuellement le crayon à la main, il ne lui échappa pas le plus petit objet ; tout fut dessiné et rapporté sur la toile : les forêts et les campagnes sont les livres des paysagistes : il faut avoir des yeux faits exprès pour y lire les leçons que tant d'organes communs n'y aperçoivent jamais.
La réputation de ce peintre aurait rendu sa fortune considérable s'il avait borné son ambition à vivre en particulier; mais il ne se contenta pas de perdre son temps avec les grands, il eut la folie de les traiter chez lui avec profusion. Il était homme d'esprit; il fut recherché à ce titre et pour son talent. Il peignait avec une facilité singulière : il a fait beaucoup de tableaux ; il les vendait fort cher ; mais son peu d'économie le ruina. Il mourut pauvre, on ne sait pas en quelle année.
Leurs principaux tableaux sont ceux qu'ils firent à Gand, en Flandre. Parmi les plus considérables, on admire celui de saint Jean, qu'ils peignirent pour Philippe-le-Bon, duc de Bourgogne, comte de Flandre. On y voit son portrait sur un des volets ; il y est peint à cheval ; le dedans du tableau représente les vieillards qui adorent l'agneau, sujet tiré de l'Apocalypse. C'est un prodige que la quantité d'ouvrages et que le fini dont ils sont. On y compte trois cent trente têtes, sans y en trouver deux qui se ressemblent. On voit sur le volet droit Adam et Ève représentés avec beaucoup de noblesse et de décence ; sur l'autre volet est une sainte Cécile et quelques autres figures de cavaliers avec leurs chevaux. Les deux frères se sont peints aux côtés; Hubert, comme l'aîné, est à la droite; il le paraît même par la physionomie; il a sur la tête un bonnet fourré, mais d'une forme singulière et retroussé par devant. Jean van Eyck est à la gauche, coiffé en bonnet de la forme d'un turban ; il est vêtu d'une robe noire ; il a un chapelet rouge à la main, avec une médaille pendante au bas.
HERMAN ZACHT-LEEVEN -1609
Zacht-Leeven naquit en 1609 ; on ne connaît pas son maître ; ses premiers tableaux plurent autant que les derniers. Les con naisseurs aimèrent dans les premiers une imitation simple de la nature, et dans ses derniers le beau choix qu'il en sut faire. Zacht-Lceven n'a presque jamais fait de tableaux que de paysages connus, comme des environs d'Utrecht, où il a demeuré , et des bordsdu Rhin dont il n'était pas éloigné. Il dessinait avec une grande intelligence d'après nature et au crayon noir ; tout lui parut propre à être imité; il copiait jusqu'aux vues les moins intéressantes , qu'il avait l'art de rendre agréables. Malgré tout ce qu'il y ajoutait, on reconnaissait toujours les lieux qu'il avait voulu représenter. Aucun paysagiste flamand n'a peint avec plus de légèreté les cieux et les lointains ; une couleur excellente, une intelligence fine de la perspective aérienne rendent ses tableaux précieux. Il savait répandre de la vapeur et du flou dans ses ouvrages, dans le goût de
Wouwermans et de Berghem.
La réputation de ce peintre fit tant de bruit en Italie, que quelques négociants de Florence lui achetèrent un tableau dont ils firent présent à Alphonse, roi de Naples, qui ne cessa d'admirer cette merveille et le secret de cette espèce de peinture. Antonello, ou Antoine de Messine, peintre, qui était pour lors à Naples pour des affaires domestiques, quitta tout et fut chercher l'auteur dans l'intention de découvrir son secret. Arrivé à Bruges, il fit assidûment sa cour à van Eyck, et par bien des présents, et surtout par de beaux dessins d'Italie (c'est ainsi que les artistes doivent commercer ensemble ), il gagna l'amitié et la confiance du Flamand, qui lui enseigna sa préparation des couleurs à l'huile, qu'Antonello porta chez les Italiens, qui depuis l'ont rendue publique; ils méritaient de toutes manières de posséder ce secret admirable.
Le beau fini des ouvrages des frères van Eyck, et leur soin à conserver leurs couleurs pures jusque dans les ombres, aurait augmenté le prix de leurs tableaux, s'ils avaient osé sacrifier quelques tons de couleurs, souvent trop aigus, et presque jamais assez dégradés, ainsi qu'un goût de dessin peu élégant; un voile épais leur avait dérobé les grâces que l'antique seule peut enseigner, et que cette école n'a connues que long-temps après; mais ils ont le mérite d'avoir trouvé le secret de préparer les couleurs à l'huile, et c'en est assez pour les rendre immortels et mériter en tout temps notre admiration et notre reconnaissance.
C'est à la petite ville de Maaseyk, située sur les bords de la Meuse, que nous devons le secret de la peinture à l'huile que les anciens ne connaissaient pas, et auquel les modernes doivent la conservation de leurs chefs-d'oeuvre. Cette ville donna le jour à Hubert van Eyck et à Jean son frère; le premier naquit en 1366, et le second en 1370 ; ils étudièrent et suivirent tous deux les principes de leur père : cette famille semblait être née pour la peinture. Marguerite, leur sœur, fut célèbre dans cet art, elle refusa de se marier pour pouvoir s'y livrer tout entière.
Carle van Mander dit avoir vu chez Lucas de Heere, son maître , et peintre à Gand, un portrait de femme ébauché avec autant de correction et de fraîcheur que les plus finis qui aient jamais été faits par d'autres peintres. Marie, veuve du roi de Hongrie, fit la découverte d'un tableau précieux du même auteur : il représentait deux jeunes personnes qui sont à la veille de s'unir par les nœuds du mariage. Ce morceau singulier fut trouvé dans la boutique d'un perruquier, qui reçut en échange, de la princesse, une charge qui rapportait cent florins par an.