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Citation de ChouettedeMinerve


Des jours, des années ont passé et que d'eau sous les ponts de la Seine ! Où est, aujourd'hui, le whisky de la Révolution ? Les intellos et les masses populaires mêlent-ils leur haleine, l'une parfumée au Chivas et l'autre au vin du Postillon ? Hélas, envolés les premiers, disparues les secondes. Contre quoi protester, manifester, signer, avec qui défiler ? Quelle cause épouser qui, à peine s'est-on donner à elle marié, ne démontre sa stéritilité et combien il est triste de malaxer ses chairs molles et d'en attendre une jouissance. La chambre reste silencieuse, l'étreinte se lasse, ça ne mouille ni ne bande. La mariée est froide et l'époux impuissant. On a recours, au fond des bois, à l'onanisme. On rêve d'une garce, sale et belle fâchiste qui passerait par là et qui crierait d'épouvante quand on ouvrirait son pardessus en la menaçant d'un zob retrouvé. Inutile labeur, le bois est désert que seuls parcourent des promeneurs en loden tranquillement ploutocrates. Deux cailloux existaient encore récemment dans les lentilles du monde qui rappelaient le bon vieux temps du fâchisme galonné et de l'oppression claire et nette de l'homme par l'homme : le Chili et l'Afrique du Sud. Deux panacées, deux trésors, deux reliques miraculeusement conservées au musée de l'Indignation. Il y avait certes des choses comme le Cambodge, L'Afghanistan, des massacres en de mystérieux Burundi, Liberia, Burkina - seuls connus des cartographes - et des Arméniens, des Azéris, des Ingouches, des Baltes et Moldaves ( etc.) historiquement plus frais, mais ces choses étaient mal arrimées aux indignations d'antan dûment répertoriées et idéologiquement éprouvées. Pinochet, c'était le énième tirage - comme on le dit d'une estampe ou d'une photo - du dictateur bien de chez nous et la perfection sonore et française de son nom, Pinochet, évoquait je ne sais quelles associations. Pétain, Pinochet, Pinay, Pompidou... Le Maréchal Auguste Pinochet, chef du gouvernement de Vichy... Le général Felipe Pétain, dictateur chilien... Avec l'apartheid, nous remontions loin dans le passé, à la traite des Noirs, voire à la conquête du Nouveau Monde, au lynch, aux combats de Victor Schoelcher, aux racismes du XXe siècle pour finir par le prix Nobel décerné à M. Mandela martyr. Nous étions en pays connu. Lorsque, presque sans prévenir, sans révolution, voilà que le Chili tourne à la démocratie et que l'apartheid disparaît de la scène. Bouche bée, quoi signer sur le comptoir des bars déserts ? Le Livre d'or du patron né à Saint-Flour ? " A Marcel qui, durant des années, en remplissant nos verres, a arrosé nos coeurs épris de justice. " Mince consolation. Stylo à la main, drapeau de l'indignation roulé sous le bras et prêt à être déployé, quoi signer et contre quoi protester ? On installe, au marché, un nouvel étal chargé de nouveaux produits : l'exclusion, les violations des Droits de l'homme, le racisme, ce bon vieux nationalisme inusable, le nazi maintenant néo, l'atteinte à la démocratie. Bonnes marchandises, c'est vrai, mais qui sont loin de valoir celles que l'on pouvait se procurer autrefois. Par exemple, la vente des violations des Droits de l'homme rapporte beaucoup moins que celle de la lutte contre l'impérialisme ; la lutte contre le racisme n'est pas un mauvais produit, mais sa composition est complexe alors que l'anti-franquisme était vierge de tout additif. Le commerce des indignations n'est plus ce qu'il était et, on aura beau dire, Kouchner et l'abbé Pierre sont des petits artisans quand on les compare aux grands industriels qui, à Moscou, fabriquaient des machines comme seule l'industrie lourde du communisme savait les mettre au point. "Appel de Stockholm", "Combats pour la paix", "Défense du prolétariat mondial", "Procès Kravchenko", "Dénonciation des Revanchards de Bonn", "Lutte contre le colonialisme" (un chef d'oeuvre !), que sont les concombres cultivés par M.Kouchner par rapport aux énormes potirons qui sortaient des serres de Moscou !

p96-97-98-99.
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