AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de AdamPK


Pendant des siècles, le christianisme a donné à l'Europe sa puissance et sa grandeur mais souvent au prix d'un grand immobilisme social, censé respecter l'ordre instauré par Dieu. Chacun avait sa place assignée dans cette société. En remettant tout changement aux lendemains de la mort, en promettant aux derniers de devenir les premiers, en invitant à supporter les injustices dans l'attente d'un seul et dernier jugement qui serait celui de Dieu, l'ordre chrétien a tendu sur l'Europe et particulièrement dans l'Espagne très catholique de la Reconquista, un filet à mailles fines dans lequel chacun, oû qu'il fût, se trouvait pris comme un poisson dans une nasse. Désormais, le filet est déchiré. La raison, le progrès, la liberté en sont sortis et ont produit leur oeuvre : notre monde désenchanté, matérialiste dans lequel chacun, prétendument égal aux autres, a tout loisir d'exploiter ses semblables.
Le pèlerinage donne la possibilité unique non seulement de retrouver les vestiges du monde disparu de la chrétienté triomphante mais de faire l'expérience de ce qu'il était. De sanctuaire en ermita, de monastère en chapelle, le marcheur peut avoir l'illusion que rien n'a changé.
En même temps, il comprend presque physiquement que ce manteau de lieux consacrés, ce tissu chrétien dont l'Europe fut si longtemps enveloppée n'avait fait que recouvrir des peuples et des lieux qui n'avaient , en vérité, rien perdu de leur barbarie. La plupart des édifices religieux consacrés à la gloire du Christ sont construits sur des sanctuaires bien plus anciens, dont certains remontent jusqu'à la Préhistoire.Les fouilles archéologiques authentifient la présence souterraine de ces anciens lieux de culte, romains, celtes, néolithiques là oû se dressent aujourd'hui une église ou un calvaire.Mais le marcheur n'a pas besoin qu'on le lui dise pour s'en apercevoir. Lui qui vient à pied, il sent de loin les présences telluriques, les effluves magiques, les ondes spirituelles qui émanent d'une source cachée au fond d'un vallon ou d'un piton rocheux qui émerge du couvert d'une forêt.Il est touché, à mesure qu'il descend dans une gorge ou, au contraire, qu'il s'élève vers un promontoire, par des terreurs sacrées qui étaient certainement décuplées aux époques oû les hommes allaient nus, menacés par les bêtes sauvages, la foudre, les pestes. Et, dans ces lieux qui semblent être le séjour naturel des génies de la terre et du ciel, il ne s'étonne pas de rencontrer des édifices chrétiens, derniers maillon de la longue chaîne sanctuaires qui, au coeur du danger, venaient implorer la clémence des éléments.
C'est à travers de telles expériences que j'ai compris le rôle prodigieusement libérateur qu'avait joué d'abord le christianisme, avant d'être parfois lui-même transformé en instrument d'oppression. Car , à la différence des religions primitives qui traduisaient seulement la crainte de l'homme pour les dieux et leur payaient un tribut pour s'assurer de leur bienveillance, le christianisme entra en scène comme un instrument puissant donné aux humains pour vaincre la mort. Le Christ, dans la lumière de sa résurrection, est un glaive brandi au dessus des croyants pour les défendre contre la nature. Il donne la force au chrétien de repousser vers le néant les génies menaçants, de mépriser les maléfices, de braver les dangers des lieux les plus reculés. En purgeant la nature des dieux de toute sorte qui peuplaient les nuages et les montagnes, les forêts et les sources, la religion chrétienne a en quelque sorte pris sur elle la défense de l'humanité et elle lui a offert le monde entier. L'humanité n'a ensuite plus connu de limite à son expansion, pourvu qu'à chaque lieu nouvellement exploré on n'oubliât pas d'adjoindre un abri consacré oû le Christ pût monter la garde.
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}