I L'INTRUS
Extrait 20
Cette nuit, voulant aller aux toilettes, je n’ai rien
retrouvé de la chambre ou je dors. À tâtons, j’ai cherché
la porte, elle est là, à côté du lit. Mais il n’y avait rien,
qu’un mur lisse et nu. Ce qui est à gauche était à droite,
et ce qui était à droite était passé à gauche. Comme une
image dans une glace, mais sans lumière. Continuant à
me cogner à des meubles inconnus, j’ai tenté de trouver
une autre issue, dans le coin symétrique. Mais il n’y en
avait pas. J’ai commencé à avoir peur. Je me souvenais
en fait de la chambre ou j’avais dormi la semaine passée
et dont la disposition m’était restée en mémoire et non
de la chambre ou je dors depuis des années.
Ce trouble que j’éprouve envers moi-même : je ne
reconnais plus mes propres extrémités, mes issues, mes
ouvertures, mes chemins. J’habite un corps qui m’est si
étranger que je ne sais plus comment en sortir – ni com-
ment y rentrer.
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