C’est comme si je te connaissais depuis très longtemps mais que mes souvenirs étaient brouillés… Un sentiment de déjà vu… Allez, un exemple… Tu roules en voiture et à la sortie d’un virage, tu découvres un nouveau paysage et là, tu es surpris, tu as l’impression d’être déjà venu à cet endroit, dans cette région… Ce paysage, tu le connais…
J’ai pris goût à l’alcool très jeune, par accident. Je devais avoir six ou sept ans. Une dégustation de vins et spiritueux. Je finissais les taste-vins. A la fin de la visite, j’étais saoul. Une sensation d’euphorie. Puis, les années suivantes, j’ai bu quand des occasions se présentaient. Au lycée, on sortait, on s’amusait et on buvait. A cette époque, je ne savais déjà plus contrôler mes consommations. Je cherchais toujours « le verre de plus »… Puis c’est devenu un plaisir répété… de plus en plus. Lors de mon année sabbatique, j’ai goûté tout ce qu’il était possible de trouver : bières, vins, alcool, spiritueux, mixtures, cocktails… A mon retour, j’étais accro. Les années ont suivi et l’alcool a pris de plus en plus de place. Les reportages de guerre n’ont rien arrangé. On buvait beaucoup pour se donner du courage, pour ne pas trembler, pour aller au feu… Du plaisir, je suis passé progressivement à la dépendance… Puis à l’esclavage… Les dernières années d’alcoolisme pratiquant, je ne vivais plus que pour ça. Je ne travaillais plus, j’ai épuisé toutes mes réserves.
Pour Marc, la vie c’étaient les femmes, l’alcool, la musique et les sorties… Comme il vivait tel un ours pendant ses périodes de création, il thésaurisait des dollars qu’il laissait dormir sur un compte pour les utiliser ensuite lors de sorties mémorables.
Beau, cultivé, original, il accumulait les expériences féminines et en profitait au maximum. Mais il ne se fixait pas. Solitaire, indépendant, il tenait trop à sa liberté. Probablement aussi par crainte, il ne terminait jamais une nuit en dehors de chez lui. Les aventures ne duraient pas longtemps, mais il assumait ses choix. Ses partenaires d’un soir ou de quelques nuits étaient toujours averties de son refus de s'engager, jamais il ne les prenait par surprise. Il jouait « cartes sur table », ce qui était rare chez les hommes (en général) et chez ceux d’un soir (en particulier). Cela augmentait encore plus ce mystère qui planait autour de lui et attisait la curiosité des femmes.
Julianne aime ce luxe, signe extérieur de sa réussite et du succès sans cesse répété du cabinet fondé par Catherine Lefort à qui elle s’est associée, à parts égales, depuis 15 ans. Tout dans la vie de Julianne est organisé, structuré et minuté. Rien n’est laissé au hasard. Enfin, rien sauf sa vie sentimentale qui est un véritable désastre. A 53 ans, elle vient de vivre son troisième divorce. Elle s’est fait une raison, finalement. Sa vie privée passe au second plan. Elle est vouée au monde des affaires et de l’argent. L’amour, ce n’est plus pour elle. Elle a trop donné. Et elle a décidé, depuis plusieurs mois, qu’un homme ne bousculera plus sa vie, non, plus jamais.
Depuis son arrivée en Californie, elle a connu trois relations intimes, assez courtes… Des hommes ont partagé ses nuits, certes, mais aucun n’a conquis son cœur. Les plaisirs physiques sont restés sans suite… Des relations occasionnelles, des opportunités, dont l’origine était souvent due aux contextes propices : un repas, une sortie, une soirée arrosée, un concert… Jamais elle n’avait invité un homme dans son appartement, c’était une règle qu’elle s’était fixée. Protéger sa vie privée. Si, un jour, un homme devait partager son lit et son univers, ce serait pour longtemps.
L’anglais écrit était parfait, il le pratiquait d’ailleurs couramment, mais il trouvait, dans sa langue maternelle, ce quelque chose qui manquait à l’anglais. Une richesse dans les mots, les subtilités des accords, la gymnastique grammaticale… Marc pensait en anglais, mais voulait écrire en français. De sa culture littéraire américaine, il gardait le côté pratique, utile et nécessaire… Aller à l’essentiel, dégraisser le texte… De sa culture française, il retenait le style, la musique, la capacité de faire ressortir certaines émotions avec les mots…
Les amours de fac, ça laisse des traces mais on est toujours dans le même environnement, alors les disputes, inévitables, étaient suivies de réconciliations, au lit en général. On étudiait ensemble. On se supportait, on s’encourageait. Et les années ont passé. Finalement, on s’est mariés. Pourquoi, je n’en sais toujours rien. Par convenance, par logique… On se sentait assez bien ensemble.
Je suis convaincu que l’on est destiné à trouver sa moitié d’une certaine façon. On peut vivre ou avoir vécu des relations. Comme toi. Comme moi. Mais je pense qu’il y a, pour chacun de nous, une moitié qui lui correspond, quelque part. Et parfois, la chance joue du bon côté. On trouve sa moitié.
Cette improvisation démontre que l’écrivain peut provoquer de l’émotion chez le lecteur. Positive ou négative. Mais en tout cas, si une émotion est provoquée, il a atteint son but. Émouvoir pour ensuite emmener son lecteur là où il le désire.
Il est des instants, comme cela, où le silence prévaut. Et les secondes qui s’égrènent, en ce moment, ont pour effet de les rapprocher comme jamais ils n’ont pu le ressentir, auparavant…