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Bibliographie de Jean-François Seignol   (1)Voir plus

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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Ils dansent. Leurs jambes glissent ensemble sur le sol dans un mouvement très lent, leurs respirations se sont accordées sur le souffle du bandonéon dont les accords résonnent de plus en plus fort dans la salle, et ils évoluent selon un large cercle, lui la tête à peine tournée à gauche, elle les yeux clos maintenant, chacun penché un peu en avant dans une chute permanente vers l’autre. Il maintient la femme serrée dans ses bras, il la garde et la protège dans ce cocon doux et ferme à la fois, il guide chacun de ses pas tandis qu’elle progresse à reculons, dans un abandon généreux, et cette confiance absolue qu’elle lui offre le grandit et le réconforte, même s’il l’emporte avec lui vers la mort qui attend au bout de la danse.
La gueule obscure de Sagittarius A* grandit encore : sur les bords nets du disque, les milliards d’étoiles brillent d’un éclat plus froid alors que toutes les longueurs d’ondes se contractent vers l’ultraviolet, et dans les tréfonds du Kip Thorne monte une plainte grave lorsque les moteurs parviennent à leur poussée ultime, et l’homme se raidit parce que l’appréhension de la chute inéluctable vient troubler sa concentration, mais la femme qui l’enlace perçoit la tension dans son dos, et son bras qui lui entoure les épaules se fait plus caressant, et sa tête bouge à peine contre la joue de l’homme, très doucement elle lui murmure à l’oreille : « Chut… c’est notre temps, il nous appartient », et ces paroles apaisent l’homme qui plonge de nouveau dans la danse, ralentit ses mouvements mais plus il ralentit, plus il avance avec une intensité qu’elle seule perçoit, comme s’il lui offrait un univers tout entier à chaque pas.
Ils dansent, ils tournent sur la piste à rebours des aiguilles d’une gigantesque horloge dont le cadran reflète la totalité de la galaxie en rotation autour du cœur du trou noir et le bandonéon exhale une unique note que les violons reprennent à leur tour, puis le piano et tout l’orchestre, et cette note enfle, s’étire dans le temps, remplit tout l’espace de la salle tandis que l’homme inspire, ancre ses deux pieds dans le sol, enlace avec une infinie douceur sa partenaire et lui guide une suspension à laquelle elle répond en allongeant sa jambe lentement, très lentement, frôlant le sol du bout de l’orteil, pesant contre la poitrine de l’homme qui l’entraîne vers le haut, les élève tous deux, les emporte dans un flot immobile et la femme continue à étirer sa jambe, à étirer le geste, à étirer le temps.
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Pour parvenir jusqu’au quartier Villa Urquiza, Emilio avait dû montrer sa carte professionnelle à plusieurs reprises. Les agents du service de la Rectitude urbaine, en faction aux principaux carrefours, étaient intrigués par la malette fixée à l’arrière de son vélo. En particulier, la serrure avec son verrou électromécanique à code. Chaque fois, son ordre de mission spécial du C-Sub lui avait permis de passer.
Retardé par tous ces contrôles, le jeune homme avait pédalé avec plus d’entrain dans les rues quasi désertes de Ciudad. La ville portait un autre nom autrefois, à une époque où le vent n’était pas toxique et où le port ne s’ouvrait pas sur une lagune malodorante. Mais il n’avait pas connu ce temps-là.
Il arriva enfin à son rendez-vous. Octavio l’attendait, dissimulé dans l’ombre d’un bâtiment désaffecté, un maté à la main. Après les présentations, il proposa la boisson à Emilio. Il n’aurait pas été poli de refuser. Emilio aspira quelques gorgées avec la paille métallique. L’infusion était tiède et avait un goût de poussière.
Il prit dans sa poche le petit carnet sur lequel il avait noté les codes du jour, déverrouilla la malette et en sortit une grosse paire de lunettes reliée à une batterie.
Il fixa l’appareil sur ses yeux, tourna une molette de réglage et scruta le trottoir d’en face.
« Vous voyez quelque chose, inspecteur ? » demanda enfin Octavio en triturant la cravate fripée qui tire-bouchonnait sur sa chemise. Emilio ne répondit rien.
Dans la lumière verte de ses oculaires, il examinait les passants qui s’engageaient dans la rue : des couples, des petits groupes d’hommes ou de femmes, enveloppés dans de grands manteaux pour se protéger du vent froid, arrivaient par les deux côtés en rasant l’interminable mur décrépi. Percé de rares fenêtres qu’occultaient des planches de bois, celui-ci portait des lettres peintes en noir, à demi effacées, qui le désignaient comme une ancienne conserverie de fruits : ananas, mangues, papayes… Tout cela n’existait plus. Un seul étage s’élevait sur plus de six mètres jusqu’à la naissance du toit. L’entrée se faisait par une porte percée au centre du grand portail à la peinture fanée.
Le policier releva les lunettes sur son front. Les caoutchoucs avaient laissé deux marques rondes autour de ses yeux Il se retourna et attrapa un classeur dans la malette. Il tourna les pages avec hâte puis s’arrêta sur l’un des feuillets. Une photographie en noir et blanc accompagnée d’informations dactylographiées. En tête de page, la mention « Confidentiel » était flanquée du tampon du service de Contre-Subversion de la police du Conseil.
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J’effectuai la suite de mes recherches avec la même discrétion. On ne captait les signaux de la borne wi-fi de la pension qu’au salon du premier étage, aussi m’y rendais-je tôt le matin, quand Esteban dormait encore. À partir de l’histoire du colonel Ortega, je pénétrai dans un monde, nouveau pour moi, de sites consacrés à l’occultisme, de forums où des illuminés du monde entier s’écharpaient sur les traductions du Sefer Yetsirah ou l’existence réelle du Necronomicon. Des pages et des pages web abritaient des débats sur les pouvoirs d’Alastair Crowley ou l’héritage d’Albert le Grand. De fausses pistes en culs-de-sac, de conversations surréalistes avec des maniaques qui voulaient me convertir au candomblé en tentatives d’escroqueries diverses, je finis par tomber sur un site qui, moyennant une somme modeste, me permit de télécharger un rituel baptisé « Le Piège du Rossignol ». (« La nuit où tu m’aimeras »)
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