La plus grande illusion qui baigne le cerveau de nos pseudo-scientifiques parallèles est celle qui a étayé durant des siècles la pensée scolastique moyenâgeuse : l’illusion du post hoc ergo propter hoc, formule qui signifie littéralement « après cela, donc à cause de cela ». Cette erreur de la pensée, qui a fait longtemps prendre la contingence de deux événements pour une relation de cause à effet, est toujours très opérante chez nos pseudo-scientifiques alternatifs. Ce patient était malade. Je lui ai prescrit tel traitement. Il a guéri. Cette guérison est donc la conséquence de mon traitement. Or il existe bien d’autres raisons à la guérison d’une maladie que la prescription d’un traitement. Cette faute de raisonnement qui fait prendre un fait pour la conséquence d’un autre alors qu’il existe qu’une relation temporelle entre les deux est l’un des principaux éléments de la pensée magique qui opère toujours énergiquement dans notre domaine. Même s’il existe une corrélation statistique entre deux variables x et y cela ne signifie nullement que y soit la conséquence directe de x.
Cette erreur de jugement qui établit une relation de cause à effet à partir d’une simple corrélation statistique a été appelée « effet cigogne » par Henri Broch. Le nom de cette aberration conceptuelle provient de l’exemple fort démonstratif qu’il donne : un épidémiologiste alsacien, après une enquête fort rigoureuse, vient de montrer que le nombre d’habitants de Strasbourg augmente proportionnellement au nombre de cigognes présentes. Conclusion du travail : puisque le nombre d’habitants de cette ville est directement proportionnel au nombre de cigognes, nous avons enfin la preuve scientifique formelle que ce sont les cigognes qui apportent les nouveau-nés. Si le nombre de cigognes dépend du nombre d’habitants, c’est peut-être, tout simplement, parce que s’il y a plus d’habitants, il y a plus de maisons, donc de toits, de cheminées, donc de nids…
La méthode expérimentale peut se résumer à trois propositions fondamentales. 1) Le médecin, qui a laissé son imagination à la porte du laboratoire, observe des faits. 2) De retour chez lui, et ayant retrouvé son imagination, il met en relation les faits observés et formule des hypothèses. 3) Le médecin retourne ensuite à son laboratoire, laisse à nouveau son imagination à la porte et vérifie par des expériences - qui ne sont pas autre chose que des observations provoquées - la pertinence de ses hypothèses en les soumettant à la réalité des faits.
Depuis plus de cent ans que François Magendie puis Claude Bernard ont établi les fondements de la méthode expérimentale, cette dernière a permis à la médecine de réaliser les progrès que nous connaissons. Si elle est devenue scientifique, c'est avant tout grâce aux apports inestimables de la méthode expérimentale. Les succès qu'elle a obtenus dans le traitement des maladies infectieuses, cancéreuses, cardio-vasculaires, etc., sont là pour nous le rappeler.