Mes pieds sont transformés en épouvantables animaux, petits rampants gluants, vers rigides, qui glissent sur cette paroi, effrayants de ce que je les sens détachés de mon corps, doués d'une vie propre, comme vivants pour eux-mêmes, animés de desseins indépendants de ma volonté, libres comme des adolescents... [...] Mes pieds soudainement se mettant à donner du "Yes I am", du "So am I", infâmes rosbifs onglés, tapotant pareils à des coussinets de chat, un sol noir étale, portant de toute leur tessiture, des sons de tête, stridulants, avides d'agacer, s'ensachant tantôt du drap qui les recouvre pour satisfaire je ne sais quel désir puéril d'imitation, grimaçant (autant qu'il est possible pour eux de le faire) s'éloignant les uns des autres, les mollahs et les découverts, se distinguant de nobles mouvements de phalanges, mes pieds, là, devant le bois, faisant des gestes de chef d'orchestre... (p.50/51)
Ludivine Corinne se jeta dans le vide avec grâce, incapable d'anticiper l'image du cadavre qu'elle deviendrait, gisant au bas de la falaise, qu'un passant effaré découvrirait au petit matin...
Ce passant, ce fut moi. (p10)
Les désagréments que connaissent ceux qui accompagnent des mourants sont plus pénibles quand il s'agit de ses propres parents, mais tous les connaissent. [...] Je n'aurais jamais pensé, jeune homme, que cette voie m'obligerait à jouer les garde-malades. C'est le lot commun, mais comme les personnes qui doivent subir une opération on croit son cas unique.[...] Après, la culpabilité travaille. Comme une pieuvre découverte par le plongeur dans l'anfractuosité du rocher, elle s'agrippe de toutes ses tentacules. (p.57/58)
Pour avancer, c’était très simple. Il suffisait de fermer un peu les yeux, de ne penser à rien, d’être attentif au seul cri des mouettes qui tournaient dans le ciel. Ne pas s’apitoyer sur son sort. Ne pas faire du moment présent un instant exceptionnel. Non… la mort que Ludivine Corinne cherchait à s’infliger devait être d’une banale évidence, un passage plus qu’une rupture, une glissade de la vie à la vie plus que plongeon dans les ténèbres. Une mort sans drame comme elle avait vécu une vie sans style.
"Ce jour-là mon rédchef qui aime bien les grosses bagnoles et le cul avait eu la bonne idée de me faire interviewer le Lulli de la musique électronique, estimant qu’il s’exportait bien à l’étranger, mieux que n’importe quel autre artiste français et que comme notre journal avait une rubrique patrimoine, ledit chanteur faisant partie du patrimoine culturel français y avait tout à fait droit de cité au même titre que les Salines d’Arc et Sénans ou que la Manufacture de Sèvres. ..."
"Mon copain Riton.
On en a bu des verres.
Et d’autres choses aussi, vu que Riton c’est un avaleur de produits stimulants.
Il prend beaucoup de drogues fortes depuis la mort de son père pour assumer qu’il est obsédé sexuel. Même du viagra à quarante ans pas sonnés… Fréquente les clubs échangistes haut de gamme…où il rencontre parfois des secrétaires d’Etat, vu sa fonction.
Il les croise nus ou en caleçon
C’est Riton.
Riton de Matignon. "
ONZE REVEILS DUN RATE
OU L'autofiction d'un maboule (à paraître cher Lc éditions)
Le temps de l'agonie est un fleuve qui prend sa source en terre inconnue et croise de multiples affluents. Ce fleuve, j'ai commencé à en remonter le courant, de ses eaux paisibles jusqu'aux premiers rapides.