Extrait du roman "Le Libre choix de Clara Weiss" lu par Jean-Louis Le Breton
Cependant, se suicider pour des raisons médicales relevait d’un processus que la plupart des sociétés envisageaient douloureusement. Bon Dieu, nous étions là pour nous reproduire, pas pour nous éliminer. Les guerres servaient à cela et devaient suffire à étancher notre vampiresque soif de sang. Partir au casse-pipe sous la bannière patriotique n’engendrait pas d’états d’âme chez les responsables politiques. Mais autoriser n’importe qui à se faire sauter la cervelle, c’était contre nature. Cela revenait à abdiquer une part du pouvoir collectif au profit de l’individu. Peu de pays avaient franchi le pas.
Il y avait des règles, des codes, une procédure à respecter. On n’entrait pas ici le flingue à la main pour se tirer une prune dans le crâne et se laisser emporter par le service des pompes funèbres.
Le monde était une belle saloperie et toutes les fleurs ne pouvaient s’épanouir sur ce fumier. Pas la sienne, en tout cas.
Votre présence auprès d’elle lui est d’un grand réconfort. Elle vous a désiré à ses côtés et vous êtes venu. Mais au bout du compte, elle seule tient son destin en mains. N’endossez pas trop de responsabilités, morales ou affectives. C’est un chemin de croix, mais c’est elle qui porte la croix, pas vous…
Deux paumés. Voilà ce que nous étions à ce moment précis. Deux enfants dans la tourmente, ne sachant plus quel sens donner à nos vies. Quelle direction fallait-il suivre ?