Le racisme n’est pas racial, il est socio-historique
« Le choix d’une langue qui serait plus exemplaire que sa pratique conduit à faire l’impasse sur cette dernière, à espérer (ou prétendre) instituer un code de bonne conduite qui n’est pas observé ».
En Avertissement, Jean-Louis Mohand Paul parle, entre autres, des mots racistes, de mots communs, de la représentation fictive d’un univers linguistique et scientifique soi-disant protégé, « On risque paradoxalement de perpétuer le mythe d’une cohésion « française » que les apeurés d’un prétendu « remplacement » opposeront à la langue française effective », des définitions « insultantes, hostiles, trompeuses, non réalistes », du péjoratif, des terminologies racistes et de leur insertion dans la réalité socio-culturelle, « Elle est enracinée, dicte et conditionne un mode d’être collectif, un signe d’autodéfinition et de reconnaissance. Elle s’est complètement disséminée dans la langue courante », du racisme « français » dans son ancrage banal, des ramifications psycho-sociales des traditions racistes…
Ce livre est donc consacré à la langue, aux mots du racisme, non à l’ensemble des procès de racisation.
La première partie de l’ouvrage est un Lexique des injures et notions racistes, une liste de termes qui s’ils ne sont pas initialement racistes, le deviennent, « C’est souvent en se chargeant socialement et culturellement d’une distinction ou d’un antagonisme préétablis dans une sphère donnée que ceux-ci se renforcent, s’officialisent, en se symbolisant dans le signifiant originellement neutre, objectif, impartial », des mots connus ou oubliés, leurs histoires et leurs significations. Je souligne que l’auteur, avec quelques fois grande ironie, fournit un large panorama des injures et des blessures induites, des inscriptions historiques – dont celles dans les colonisations. A très juste titre, il évoque les langues françaises… au pluriel.
Il présente, entre autres, des phobies raciales sexualisées, des effets intériorisés de traditions racistes, des animalisations, des catégorisations essentialistes, des occurrences fabriquant à la fois une certaine altérité et un certain universalisme excluant, « Car, à la différence du couscous eu khao poun, le cassoulet ni la choucroute n’illustrent une gastronomie ethnique particulière ce sont des universaux », des injures non-dites par revendication exclusive d’une spécificité peu répandue, l’embarras des dictionnaires autours des « questions » racistes, les acceptations dépréciatives de métissage, les croyances en « une identité collective invariante », le caractère « « d’illusion matérialisée » d’un dualisme caricaturé », des camouflages au énième degré…
Je souligne la définition du fantasmatique « français de souche » : « Métis de longue date dont les aïeux vivaient en France, rappel suggérant un éloge des « racines » par des irrédentistes qui dans leur mode de vie les ont majoritairement perdues, comme il arrive partout dans le monde ».
En note autour du lexique, Jean-Louis Mohand Paul aborde, entre autres, l’importation dans le français oral de mots ou de locutions communes de langues « étrangères », les déformations et les abréviations, le mépris des locuteurs et des locutrices, la banalité du racisme, les différentiations et les discriminations, les représentations sociales, la langue franco-immigrée contemporaine, les relations diversifiées au vocabulaire, la langue populaire élargie, les actualités ordinaires du ressentiment et des « guerres de la mémoire », les oppositions en miroirs inconciliables, le néofascisme identitaire…
« La langue raciste procède, dans un certain sens, comme la poésie : elle se forme et se transforme par analogies, associations d’idées et d’images, détournements fantasmatiques de l’objectivité, métaphores, éléments qui s’autonomisent, acquièrent leur valeur, leur signification propre ».
Je souligne les nécessaires textes sur Hergé et le racisme diffus, sur Céline et le « grand remplacement », la contestation du caractère pamphlétaire des écrits de cet immonde auteur…
Certains points me semblent discutables, comme par exemple la relation entre envers et endroit…
Lien :
https://entreleslignesentrel..