Le scrutin majoritaire à deux tours aboutit [...] à de fortes inégalités de représentation. [...] Cette injustice dans la représentation est d'autant plus forte que le nombre de sièges pourvus à l'issue du premier tour (soit à la majorité absolue) est plus faible. En effet, le scrutin de ballottage est précédé de désistements et de retraits des candidats mal placés, et les affrontements du second tour n'opposent souvent que deux candidats. Certaines forces politiques sont alors mal ou trop bien représentées : en 1968, le Parti communiste obtient 20% des suffrages et 7% des sièges, alors que la coalition UDR-Républicains, pour 44% des suffrages, gagne 70% des sièges ; 1981, avec moins de 40% des suffrages, le Parti socialiste emporte près de 60% des sièges.
[L]a critique essentielle porte sur l'action de la représentation proportionnelle sur l'opinion : favorisant l'expression de toutes les opinions, elle sublime la fonction des oppositions sans nuances et le caractère conflictuel des sociétés politiques. Les forces politique qui rejettent la règle du jeu peuvent aggraver les dissentiments entre les forces politiques "démocratiques" en pesant sur le processus de décision, en cherchant à le paralyser. La fragmentation de l'opinion publique, si elle est chose naturelle, est accentuée par la représentation proportionnelle. Si elle n'est pas naturelle, la représentation proportionnelle peut la provoquer. Dès lors, il peut être très difficile de dégager des majorités de gouvernement à partir de forces politiques raidies dans des cosmogonies qui se rejettent sans nuances.