À la tombée de la nuit, dans le clair-obscur du mail d’East End Avenue, entre la 88e et la 92e, ils me parlent et me répondent.
Telles des âmes bienfaisantes, elles contemplent le spectacle nocturne de la fin de l’hiver qu’accompagnent les cris mélancoliques des mouettes et pleurent la mort d’un amant.
Elles lavent la chaleur des éphémères qui naissent pour mourir comme tous ces livres, ces milliers de pages qui m’attendent pour dire adieu.
J’attends ma délivrance au milieu de l’odeur âcre des feuilles mortes et du parfum suave du chèvrefeuille.
Je n’ai plus d’enveloppe charnelle, je suis léger, mes os sont vides, et ma chair romanesque ruisselle dans mon tombeau.
Je viens d’être dépisté par l’équipe du professeur Reisberg de la New York University School, et le diagnostic est formel : Alzheimer, déficit cognitif modéré.
Les odieux attentats qui secouaient le Vieux Continent, et les discours décomplexés de Zemmour, Onfray et d’autres sur la fin de notre civilisation cristallisaient les peurs et les fantasmes dans la société française : la droitisation politique de mon pays m’affectait profondément.
Je pleurais sur l’absurdité d’un monde désenchanté qui rejetait les valeurs d’humanisme et de tolérance dont j’étais nostalgique.
Ce parfum si particulier du lys ne se retrouvait nulle part ailleurs ; et il goûtait cette fragrance exquise de fleur mêlée à la chaleur du soir ; il songeait et il laissait son esprit vagabonder à l’ombre des grappes de bruyère en fleurs. Susan racontait... La marigold, qu’on appelait également « fleur de souci », narrait le secret qui permettait de comprendre le langage des oiseaux pour toute jeune fille pure dont les pieds nus touchaient cette fleur méditerranéenne ; ses pétales jaune-orangé s’ouvraient et se fermaient avec le soleil, d’où l’origine latine solsequia, littéralement « qui suit le soleil » – cette fleur se couchait avec le soleil et se levait avec lui en pleurant... Triboro bridge, le pont qui reliait Manhattan, le Queen et le Bronx ; à l’est, Queensboro bridge, et dans le ciel, les mouettes tournoyaient après la chaleur de l’été.