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Citation de babel95


Au cours du repas, Pierre expliqua sa vision de la grève à Max, démonstration qu'il développerait plus tard dans ses écrits :
- Mademoiselle, ce que je vais vous dire vous semblera paradoxal. En réalité, et même si nous sortons d'une année 1908 catastrophique pour le cours de la laine, et même si la Fédération, en ne respectant pas de préavis, nous a fait périr des milliers de ballots de peaux, nous considérons qu'une augmentation des salaires est légitime, tant le travail de nos ouvriers est pénible.
Max, manquant de s'étouffer, tenta avec maladresse de marquer sa surprise : les patrons étaient d'accord avec les grévistes ! L'Artilleur, imperturbable, continua :
- Mais nous ne l'accorderons point. Il y a six ans, en 1903, pareille grève se déclencha, toujours pour des histoires de salaires soi-disant trop faibles. Le patron de l'usine de Saint-Sauveur licencia immédiatement les grévistes, parmi lesquels Isidore Barthès. Aussitôt ce dernier créa le syndicat de la Fédération. Le mouvement prit de l'ampleur, nous cédâmes alors lâchement, les ouvriers obtinrent 20 % d'augmentation. Pire ! Ils obligèrent alors les patrons à n'embaucher que des syndiqués et infligèrent des amendes à tous les ouvriers ayant travaillé pendant la grève.
Il trempa ses lèvres dans son verre de vin, se racla la gorge avant de poursuivre, l'air grave, en fixant la journaliste dans les yeux :
- Depuis c'est la chienlit. Notre autorité est bafouée dans nos propres usines. Ce sont sans cesse plaintes et réclamations. Un jour, on demande le renvoi d'un contremaître, le lendemain, on s'oppose au licenciement d'un ouvrier : en voilà assez ! Une fois pour toutes, nous voulons rester maîtres chez nous....

.... Mademoiselle, voici le message que je souhaite vous faire passer, afin que vous en fassiez un article : "les patrons ne cherchent pas à obtenir une responsabilité d'un syndicat qui n'a pas respecté ses promesses de préavis, mais bien la responsabilité de l'ouvrier qui, sûrement, regrette profondément les actes malheureux auxquels l'a entraîné ce même syndicat".
La journaliste y vit un appel à l'examen de conscience individuel, sans passer par une "église" syndicale et ses représentants. Un appel typiquement protestant.
Tout ce que rejetaient les travailleurs catholiques.
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