Né en 1961, l'année de la construction du mur de Berlin, j'étais par exemple dans la pleine force de l'âge quand il s'est écroulé en 1989, offrant d'un seul coup des tonnes de nouvelles perspectives aux entreprises françaises. Et un coup de pouce inespéré à tous les jeunes qui, comme moi, ayant grandi en Lorraine, avaient été obligés d'apprendre l'allemand à l'école. Deux ans plus tard, c'est l'ensemble du bloc soviétique qui volait en éclats, donnant une deuxième vague d'opportunités à tous les téméraires. A condition, évidemment, de ne pas rester trop longtemps les mains dans les poches... Les miennes sont restées bien au chaud.
J'ai souvent eu l'envie de retourner à Mont-sous-Vaudrey pour y respirer l'air de cette enfance un peu perdue et de me recueillir devant les tombes de ceux de ma famille qui, contrairement à moi, n'ont jamais brassé aucun vent mais travaillé durement la terre ou sauvé tant de vies. Encore un train manqué. Il n'est pas trop tard, je sais. Comme je savais au fond de moi qu'il fallait à tout prix que je dise à mon père comme je l'aimais avant qu'il ne parte, mais ne l'ai jamais fait.
On ne se refait pas : je ne sentais nulle part en moi mûrir l'agressivité propre aux futurs requins des affaires. J'étais un gentil dauphin et puis c'est tout.