Jean Molla

Le vent s'est apaisé. Une brume de chaleur monte du sol, troublant sa vision, faisant onduler les dunes.
Alors, comment peut-il avoir si froid ?
Nicolas est adossé au parallélépipède de pierre rouge. Il est sans forces. A bout d'espoir. Il n'a plus le désir de se lever et de partir pour une de ces interminables marches qui le ramènera à son point de départ.
Jamais il ne s'est senti si près de sombrer.
Ses doigts ankylosés sont crispés sur le sable. Il tente de les ouvrir puis renonce. Seul son cou reste mobile. Et ses paupières.
Jusqu'à quand conservera-t-il cette infime marge de mouvement ? Car il le sait, à présent, il se pétrifie. A l'instar de ce désert minéral, il devient pierre. Et le froid qu'il éprouve n'est que l'avant-goût d'un froid plus atroce encore.
C'est là le châtiment qu'Azael lui a réservé pour prix de ses services.
Une non-mort.
Une immobilité de statue dans un temps immobile.
A cela près qu'il sera une statue qui songe et souffre.
Que subsiste-t-il du brillant Nicolas qui suscitait l'admiration de ses parents, de ses amis et l'envie navrée de son jeune frère ? Quels abîmes de souffrance, de doute, de faiblesse recelait-il en vérité pour avoir cédé aux sirènes d'Azael ?
Il ne lui reste plus que ses souvenirs pour survivre, pour s'abstraire du désert rouge qui le retient prisonnier. Il ne lui reste plus que son amour des siens pour exister, pour échapper à cet autre désert qui l'a toujours hanté en dépit de ses talents. Ce désert qu'il devinait aux frontières de sa conscience. Un désert d'égoïsme et de vanité. De succès faciles et d'humiliations infligées.
Un désert secret.
Le pire de tous, peut-être. Un désert que personne n'a jamais deviné.
Ni Marc, ni Jeanne, ni Quentin.
Son désert intérieur.