Jean-Paul Delfino

Pour ma part, je persiste à croire qu'avant notre venue, la Guyane était, sinon un paradis terrestre, du moins une terre que la folie meutrière des hommes avait épargnée. Il y avait des guerres tribales, certes. Mais qui a apporté les mousquets, les canons et la poudre ? Qui a déversé sur ses plages des milliers et des milliers d'esclaves venus d'Afrique ? Qui s'est escrimé, à grand renfort d'expéditions, à vouloir rentabiliser à tout prix la colonie ? Qui s'est lancé dans des guerres contre le Brésil ou le Suriname voisins ? Et enfin, qui a, voilà seulement vingt ans, décidé que cette colonie serait la lie de la nation, le cul de basse fosse où l'on pourrait y entreposer par navires entiers des meurtriers, des violeurs, des voleurs, des faussaires ou des infanticides ? C'est la France. Sous l'influence de la royauté, de l'Empire ou de la République, la France s'est comportée à l'image du Portugal avec le Brésil. A la place d'y construire des hôpitaux, des écoles, des théâtres, des universités ou des opéras, nous avons préféré y ériger des bagnes.