AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de hcdahlem


INCIPIT
Un blanc, oui. Lorsque j’y repense, cela a commencé par un blanc. À l’automne, il y a eu un blanc de quarante-huit heures dans mon emploi du temps, entre mon départ de Roissy le 14 décembre en début d’après-midi et mon arrivée à Narita le 16 décembre à 17 heures 15. On ne sait jamais tout de la vie de nos proches.
Des pans entiers de leur existence ne nous sont pas accessibles. Il demeure toujours des zones d’ombre dans leur vie, des blancs, des trous, des absences, des omissions. Même chez les personnes qu’on croit le mieux connaître, il subsiste des territoires inconnus. Mais chez nous-mêmes ? N’est-on pas censé tout connaître de notre propre vie ? Ne doit-on pas être tout le temps joignable, par téléphone, par mail, par Messenger ? N’est-on pas tenu maintenant d’être localisable en permanence ? N’est-il pas indispensable, quand on voyage, que nos proches sachent à tout 9 moment où nous nous trouvons, dans quel pays, dans quelle ville, dans quel hôtel ? Ce qui m’est arrivé pendant ces quarante-huit heures, où per- sonne de ma famille ni de mon environnement professionnel ne savait où j’étais, n’était pas une de ces disparitions volontaires, comme il en sur- vient plusieurs milliers chaque année en France.
Ce n’était pas non plus une de ces amnésies passagères, un trou de mémoire, une éclipse fugitive de la conscience due à l’abus d’alcool, quand, après une soirée trop arrosée, on ne se souvient plus au réveil des événements de la nuit, qui nous réapparaissent dans les vapeurs de notre mémoire embrumée, comme si les choses que nous avions vécues la nuit précédente (et parfois les plus voluptueuses, comme une aven- ture sexuelle éphémère), étaient advenues malgré nous et avaient par la suite été effacées de notre mémoire. Non, je n’ai souffert d’aucune amnésie de cette sorte pendant ces quarante-huit heures.
Au contraire, je me souviens de ces deux jours avec netteté et précision, certaines images me reviennent même avec une clairvoyance hallucinatoire. Mais il y a ce blanc, ce blanc volontaire dans mon emploi du temps, cette parenthèse occulte que j’ai moi-même organisée en gommant toute trace de ma présence au monde, comme si j’avais disparu des radars, comme si je m’étais volatilisé en temps réel. Je n’étais, pendant quarante-huit heures, officiellement, plus nulle part — et personne n’a jamais su où je me trouvais.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}