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Citation de GigiFro


D'habitude, je me méfie radicalement de la dimension symbolique. "Honni soit qui symboles y voit" écrit Beckett. Et Nabokov d'ajouter, avec un sourire en coin : "Demandez-vous si le symbole que vous croyez voir n'est las la trace de votre propre pied."

Mais il y a d'autres cas de figure. Dans La vérité sur Marie, c'est vraiment une image qui est à l'origine du roman, l'image d'un cheval qui vomit dans les soutes d'un avion en vol. C'est l'image initiale, l'image fondatrice du livre : un pur-sang qui vomit à dix mille mètres d'altitude dans les soutes d'un Boeing 747. Le livre est parti de cette image, qui mêle le contemporain, un Boeing 747, à l'intemporel, l'animalité universelle d'un cheval. Mais, dès que j'ai commencé à réunir de la documentation pour le livre, patatras, je me suis rendu compte que les chevaux ne vomissent pas. Physiquement, ils ne peuvent pas vomir (ah, ça commençait bien). Je n'ai pourtant pas renoncé à l'image, qui me semblait avoir une grande force poétique. Non seulement j'ai gardé l'image, mais je l'ai assumée, je l'ai revendiquée, je disais en quelque sorte au lecteur : "Je sais très bien que dans la réalité les chevaux ne vomissent pas, mais, dans mon livre, il vomit." Cela m'a alors amené à aller vers quelque chose de beaucoup plus radical que prévu. Ce qui, au départ, était une infortune devenait potentiellement une aubaine. Dès lors, pendant que j'écrivais le livre, je me suis débattu au cœur de cette contradiction. J'ai mis toute mon énergie à créer un effet de réel, j'ai accumulé les descriptions réalistes, les détails, les sensations, physiques, de froid, d'humidité, de lumière, les vibrations de l'avion. Mais, lorsque Zahir se met à vomir, je romps unilatéralement le pacte tacite de la lecture, qui veut que l'on ne raconte que des choses qui peuvent survenir dans l'ordre du réel. L'image finale de la scène, le vomissement impossible dans le réel de Zahir dans les soutes du Boeing 747, devient de façon sous-jacente l'affirmation que nous ne sommes pas dans un avion en vol, mais au cœur même de la littérature.
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