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Critiques de Jean-Pierre Chassagne (1)
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Léo Perutz et le scepticisme viennois : L'ébauc..

Perutz est un écrivain qui a connu un grand succès au début du XXe siècle, puis qui a été interdit en Allemagne, à cause entre autres de ses origines juives, et qui a fuit l’Autriche en 1938 pour la Palestine, suite à l’Anschluss. Il a ensuite arrêté de publier jusqu’aux années 50, avant de mourir en 1957. Son œuvre a commencé à être redécouverte dans les années 80 du siècle dernier, donnant lieu en plus des rééditons des livres, à des études universitaires de plus en plus élaborées, surtout dans les pays de langue allemande.



D’abord abordé par le biais des genres fantastique et historique, l’analyse des textes de fiction de Perutz a ensuite porté sur la narration, la manière dont l’auteur agence ses récits, qui sous forme de puzzles sophistiqués demandent au lecteur de reconstruire un sens caché, sous un amoncellement d’indices souvent trompeurs. Sans oublier les manipulations de l’histoire, qui brouillent les frontières entre le vrai et le faux, dans une vision désenchantée du devenir humain.



Jean-Pierre Chassagne propose une relecture de l’oeuvre de Perutz sous l’angle du scepticisme. Vu parfois comme un nihilisme, le scepticisme pose que notre représentation du monde n’est qu’une construction subjective. Il pointe l’insuffisance de la science et de la pensée rationnelle, mais n’est pas forcément une démission de la pensée. Mais il questionne les certitudes par trop évidentes, le dogmatisme et encourage un détachement, une prise de distance. Le phénomène est le seul critère de l’appréhension du réel. Jean-Pierre Chassagne met en lien une résurgence du scepticisme au début du XXe siècle, entre autre à Vienne, par le contexte socio-historique. L’effondrement de l’empire austro-hongrois, ainsi que des valeurs et idéaux qui avaient prévalus dans les dernières décennies du XIXe siècle, comme la foi dans le progrès scientifique et la perfectibilité de l’humanité, ont ainsi constitué un terreau favorable à la résurgence de la pensée sceptique.



Jean-Pierre Chassagne analyse le scepticisme dans l’oeuvre de Perutz selon plusieurs angles. Le premier de ses angles est le temps. A la fois le temps individuel, propre à chaque personnage, subjectif, mais aussi le temps de l’histoire. Dans les deux cas, le rapport au temps des sujets est déréglé, faussé. Cela se manifeste par exemple, par les oublis, des souvenirs qui remontent de manière chaotique, qui échappent. Sans oublier les distorsions du temps qui peut avancer très vite ou ralentir d’une manière extrême. Cela traduit une incapacité des personnages à maîtrise leur passé ou le passé, pour s’orienter dans le présent et construire un avenir, individuel ou collectif.



Mais le langage aussi est en crise et traduit un monde plongée en une crise éthique. Chaque personnage est enfermé dans un langage qui lui est propre, qui n’est pas un réel outil de communication, mais une métaphore de la réalité de chaque sujet. Il est donc une imposture, qui permet de masquer, de travestir le réel, en s’appuyant éventuellement sur des concepts philosophiques ou religieux. Il permet de maquiller les exactions ou les bassesses des personnages. Dieu devient un concept qui permet de justifier l’injustifiable ; le dialogue avec le divin est une tentative de combler l’angoisse du vide, il est en réalité un monologue avec soi-même. L’image de la divinité, est une projection du surmoi, extériorisant le sentiment de culpabilité, le jugement de valeur, la punition que l’homme s’inflige à lui-même.



A partir de tous ces éléments décrivant un monde en crise, sans éléments stables sur lesquels s’appuyer, dépourvu de toute certitude, Jean-Pierre Chassagne tente de prouver que l’oeuvre de Perutz ne cède pas à la tentation d’un nihilisme radical, mais contient la nostalgie d’une humanité réconciliée, capable d’abandonner ses pulsions de destruction. Cette partie de l’analyse est à mon avis la moins convaincante, car elle s’appuie au final essentiellement sur un seul texte, alors que tous les autres aspects peuvent être illustrés par presque toutes les autres œuvres de Perutz.



Mais c’est un livre très intéressant et dense, qui donne des pistes de lecture très inspirantes des romans et nouvelles de Leo Perutz.
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