AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jean-Pierre Winter (20)


La religion passe par la transmission, qui ne va pas sans paroles.
Commenter  J’apprécie          80
ce qui se transmet le plus inéluctablement, ce n'est pas le bien ou le mal, le bon ou le mauvais, c'est l'angoisse.
Commenter  J’apprécie          80
Cette énigme dont Freud avait eu l'intuition dès 1882, il en proposera une première résolution formalisée dans "L'Homme Moïse et la religion monothéiste" quand il montrera l'importance décisive pour la "vie de l'esprit" du commandement qui interdit aux Juifs la représentation imagée et sculptée.
Ce n'est plus la seule destruction du temple de Jérusalem qui associe les Juifs dans une même construction psychique mais l'énoncé d'une loi privilégiant la parole au détriment de l'image.
Commenter  J’apprécie          50
Très rapidement, lors de mes toutes premières séances d'analyse, j'avais apporté un rêve à mon analyste, un rêve où je dois faire un exposé au séminaire de Claude Lévi-Strauss, que je suis à l'époque au Collège de France. Lévi-Strauss me demandait de dessiner mon arbre généalogique.
J'allais donc au tableau et y dessinais selon la méthode des ethnologues des ronds pour les femmes, des carrés pour les hommes, et des lignes qui joignaient les uns aux autres. (...) Sur la première ligne, je pouvais inscrire le nom de mon père et celui de ma mère, à la génération précédente je pouvais inscrire le nom de mon grand-père maternel, mais toutes les autres cases étaient vides. Le rêve était assez angoissant.

En me réveillant, puis en racontant ce rêve à l'analyste, je m'étais posé cette question : "Mais en quoi est-ce un rêve ? Si la même demande m'avait été faite dans la réalité, cela eût donné exactement le même résultat."

(...) Survivant de la Shoah, mon père était particulièrement mutique, il n'avait pas cru bon de me dire comment s'appelaient son père et sa mère, son grand-père et sa grand-mère, etc.

C'est pourquoi la question de la transmission familiale se posait d'emblée pour moi du côté de la blessure. Ou du côté de l'absence. Ou du côté du manque.
Commenter  J’apprécie          50
Avec des mots, un homme peut en faire souffrir un autre, le faire pleurer ou le faire rire, l'apaiser, l'agacer, l'aguicher, le rendre fou.
Commenter  J’apprécie          50
Revenons maintenant au petit miracle dont nous parlent Dolto et Lacan.
J'ai finalement trouvé un autre témoignage de l'éclair de compréhension, cette fois chez un adulte, qui nous apporte lui aussi quelques clés pour comprendre ce qui peut bien se passer en nous au moment où nous apprenons à lire.

Il s'agit du déchiffrage des hiéroglyphes par Champollion.
Nous sommes au XVIIIe siècle, tous les savants européens sont alors à la recherche de la clé qui permettrait non plus de continuer à déchiffrer hiéroglyphe par hiéroglyphe ce qui est gravé ou peint sur les pyramides, mais de sortir du B-A-BA hiéroglyphique pour passer à une véritable lecture.
Tous ces savants ont beaucoup avancé. A Londres, à Berlin, à Munich, à Paris, à Rome, on sait déjà beaucoup de choses sur l'écriture et la culture égyptiennes.

Mais ce milieu reste prisonnier d'une conception qui veut que les hiéroglyphes soient des images. C'est précisément cette conception du hiéroglyphe comme image qui bloque l'avancée. Certains ont émis l'hypothèse que peut-être ces images pouvaient de temps en temps être autre chose que des images, mais quoi ? (...)

Depuis son enfance, Champollion est passionné par l'Egypte ancienne.
C'est un jeune homme assez bizarre, incapable de suivre un cursus scolaire et qui a des évanouissements à répétition. (...) En étudiant un cartouche sur lequel bien des savants se sont déjà penchés, Champollion a une idée concernant le sens d'un hiéroglyphe qui se trouve au milieu du cartouche. Il s'agit d'un rond, qui signifie "ra" et tout le monde pense qu'il désigne le dieu Ra. Et puis il y a un signe qui se lit "ms", et une espèce de trident. Personne ne sait lire ce cartouche (...)

Et voilà que le jeune Champollion, tout à coup, comprend que "ra" pourrait aussi représenter le son "ra", et pas seulement le dieu du Soleil.
"Ra" est une syllabe. En appliquant le même raisonnement aux deux autres syllabes, il peut lire le nom qui est inscrit dans le cartouche : "Ramsès".
En un éclair, comme dans la description de Françoise Dolto, il a trouvé la clé que tout le monde cherchait. (...) Puis il commence à déchiffrer, comme un fou, les hiéroglyphes.

(...) il n'est pas sans importance de rappeler qu'avant même de maîtriser le sens de ce qu'il lisait là, Champollion s'était révélé capable de lire la langue égyptienne quel que soit le mode graphique sous lequel elle se présentait.

(...) Loin de moi pourtant l'idée qu'il ne faille exercer aucune contrainte.
Mais il faut s'entendre. Pour revenir à l'exemple de Champollion, pourquoi est-ce lui qui trouve, et pourquoi pas les autres ?

Certes, il a du génie et il a une passion.
Mais il y a aussi que dès son plus jeune âge, il a appris l'hébreu, il a appris l'araméen, il a appris l'assyrien, il a appris le chaldéen, le grec, le latin ...
Il sait déchiffrer un texte dans plusieurs écritures, comme pour la pierre de Rosette, et il est un savant bibliste. Tout cela, il a bien fallu l'acquérir.
Tout ne peut pas être mis au compte du seul génie.
Commenter  J’apprécie          40
Revenons à la remarque freudienne. L'indication d'âge, quatre à cinq ans, ne vient pas au hasard. C'est celui à propos duquel Freud dit : "Le petit bonhomme est un métaphysicien." Dans le même temps, remarquons-le, ou juste avant, l'enfant est aussi désigné comme un "pervers polymorphe", ce qui veut dire qu'il cherche le plaisir sans retenue, par toutes les voies possibles et préférentiellement au contact des autres corps.

Pour le moment, c'est le "petit métaphysicien" qui nous intéresse.
Pourquoi ce terme ? Parce que cet âge, quatre à cinq ans, est aussi celui où l'enfant commence à se poser et à nous poser les grandes questions, les questions existentielles, celles auxquelles les philosophes n'ont jamais fini de répondre. Il est au moins deux de ces questions auxquelles aucun enfant n'échappe : "D'où viennent les enfants ?" et "Qu'est-ce que la mort ?"

Autrement dit, la prise de conscience d'une énigme aux deux extrémités de la vie est contemporaine de l'âge auquel l'enfant apprend à lire.
Ca n'a l'air de rien, mais il n'est pas indifférent que précisément au moment où il se pose ces questions, il se trouve confronté à une autre énigme : l'usage des lettres, l'écriture, la lecture.
Commenter  J’apprécie          40
La transmission, nous en avons une idée a priori qui serait celle d'une continuité. Quelque chose passerait et serait repris de génération en génération, de professeur à élève, de parents à enfant, alors que l'exemple que je viens de donner montre une transmission biaisée, si ce n'est arrêtée, ou déformée, inversée, déviée, etc. C'est souvent le cas.

Certaines fois, ce sont les circonstances, par exemple des guerres de religion, qui l'arrêtent ou sont le prétexte à y mettre un frein, par exemple l'expulsion des Juifs d'Espagne avec les conversions forcées, l'Inquisition, etc.
La Shoah a tranché net bien des fils de la transmission. Il est intéressant de constater comment ils sont repris ou abandonnés.

Mais il n'y a pas que les grandes circonstances pour interrompre la transmission. Des micro-événements peuvent s'avérer d'une portée plus déterminante que les événements historiques. (...) Quand on travaille comme je le fais, on observe que ces micro-événements ont souvent eu lieu dans l'enfance.
Commenter  J’apprécie          30
L'enseignement commence par l'apprentissage de la lecture. Or il est rare qu'on s'interroge sur ce qui se passe, du point de vue psychique, quand on apprend à lire. Bien sûr, de nombreux pédagogues se sont penchés sur la question en termes de techniques d'apprentissage : méthode syllabique ou méthode globale ? Faut-il attendre que l'enfant manifeste le désir de lire, ou au contraire le lui imposer ? Et quel serait le meilleur moyen : par le jeu, avec des images, sans images, etc. ?
Commenter  J’apprécie          30
Or ce que j'essaie de soutenir, c'est la dimension aléatoire de ce par quoi un sujet est concerné.
Pour certains, le fait d'avoir des aïeux ou d'appartenir à une ethnie ou à un peuple représente un poids considérable, alors que ce n'est pas le cas pour d'autres de la même famille. (...) Il serait donc absurde de soumettre l'un et l'autre à un "bilan transgénérationnel" comme cela se fait de plus en plus souvent. J'insiste sur le fait que ce n'est pas du tout la perspective de Mme Schutzenberger. Elle n'est peut-être pas pour rien dans cette systématisation, elle l'a peut-être laissée s'installer, mais on ne peut pas lui jeter la pierre.

L'expression d' "héritage archaïque" semble plus juste parce qu'un héritage s'accepte ou se refuse. Il y a place pour ce qu'on appelle ailleurs le "libre arbitre". Ou pour ce que Freud nomme "le choix de la névrose".
Nous n'avons pas affaire à un déterminisme radical.

Or il y a dans l'idée du transgénérationnel tel qu'il fonctionne aujourd'hui quelque chose qui se présente presque comme une prédétermination.
Alors que dans la psychanalyse, si on peut parler de "déterminisme", c'est seulement après coup, une fois qu'on a procédé à une reconstruction de l'histoire et qu'elle s'est avérée efficiente. C'est très important.
Freud a très tôt mis en garde contre ce qui pourrait apparaître comme une version, disons, "superstitieuse", ou "métaphysique", de la théorie psychanalytique.
Commenter  J’apprécie          20
Le père humilié, méprisé, c’est l’inverse du Père tout-puissant. L’opération de renversement d’un émoi en son contraire est une constante de la vie psychique.
Commenter  J’apprécie          10
L’ambivalence n’est pas occasionnelle. Elle est constitutive de toute relation au père.
Commenter  J’apprécie          10
Transmettre, c'est avant tout transmettre une question qui reste sans réponse.
Commenter  J’apprécie          10
Il est beaucoup répété ces temps-ci qu'un enfant n'a besoin pour s'épanouir que d'amour et d'éducation. Je ne recommande à personne de priver systématiquement un enfant d'amour ou de ne pas l'éduquer, mais je veux faire remarquer la cruauté exemplaire d'une telle proposition, qui rend coupables a priori tous les parents qui ont entouré leurs enfants d'amour, qui les ont éduqués de leur mieux, et qui se retrouvent avec ce qu'on appelle aujourd'hui des "enfants à problèmes".
Sous prétexte d'être gentil, ouvert, tolérant, etc., on promeut une injustice noire : la culpabilité de n'en avoir jamais fait assez.
Commenter  J’apprécie          10
Freud fait donc l'hypothèse que la langue garde les traces de son évolution historique. Comme nous empruntons la langue à ceux qui nous ont précédés, nous assimilons en même temps les blessures que la langue transmet.
Commenter  J’apprécie          10
On trouve dans les "Leçons des Pères du monde", les Pirqé Avot de la tradition juive, la phrase suivante : "Fais-toi un maître et acquiers un compagnon."
Commenter  J’apprécie          10
Peut-être que, de nos jours, il y aurait lieu de revoir notre vision du monde et d'essayer de le penser avec ce qu'elle ouvre comme nouvelles portes.
Dans le rapport au savoir il est clair que la forte concurrence d'Internet, que les enfants savent utiliser dès l'âge le plus tendre, ainsi que la télévision, le règne de l'image au détriment de celui de la parole, créent des conditions d'apprentissage totalement inédites.
Commenter  J’apprécie          10
On trouve dans un autre traité du Talmud (Berakhot 55ab) : "Un rêve qu'on n'interprète pas est comme une lettre non lue." A rapprocher de l'idée que l'embryon est comme un document plié sur lui-même ... Lire ses rêves, c'est se déchiffrer pour se réapproprier ce qui a été oublié de ce qu'on savait.

Mais si le rêve est comme une lettre, il n'y a pas qu'une lecture possible de cette lettre. On trouve alors la chose suivante (...) Celui qui parle dit qu'un vieil homme qui se nommait Rabbi Bannah lui avait raconté ceci :
"Il y avait vingt-quatre interprètes de rêves à Jérusalem. Une fois, j'ai fait un rêve et je suis allé voir chacun d'entre eux. Les interprétations qu'ils m'ont données étaient toutes différentes et toutes se sont révélées exactes."

Autrement dit, le savoir qui est déposé dans l'embryon n'est pas un savoir substantiel, ni unilatéral. C'est un savoir qui demande à être interprété.
Commenter  J’apprécie          10
Nietzsche, lui, dit : "Evite de te connaître, laisse tes racines cachées en terre." Nietzsche avait une profonde aversion pour les psychologues et pour la psychologie en général. D'une certaine manière, il n'avait pas tort. Je modifierais juste un peu sa proposition en disant : "Laisse agir tes racines".
Commenter  J’apprécie          10
L'enseignant sait-il à quel exercice il se livre ?
Sait-il de quoi est fait son enseignement et ce qui dans ce qu'il est en train de dire aura finalement un pouvoir de transmission ?
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean-Pierre Winter (39)Voir plus

Quiz Voir plus

Quand les aliments portent des noms insolites ou pas...

Les cheveux d'ange se mangent-ils ?

Oui
Non

10 questions
157 lecteurs ont répondu
Thèmes : nourriture , fruits et légumes , fromages , manger , bizarreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}