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Citation de Woland


[...] ... Mes regards avaient été attirés par une lourde statue verdâtre, d'une taille double d'un homme ordinaire ; le personnage tenait un sablier monstrueux et s'accoudait à une haute dalle funéraire.

- "Tu n'est pas beau," dis-je, "mais tu es grand et fort et tu dois avoir du poids."

Je ne sais quel cataclysme ou quel sournois travail des intempéries avait mutilé le visage du symbolique gardien de mausolée, mais c'était vraiment du vilain ouvrage, car la face sombre, mangée de vert-de-gris, ricanait hideusement.

Sur la dalle, je lus un nom : La Famille Pebblestone.

- "Les Pebblestones devaient être des gens à la bourse dorée, pour s'offrir un pareil toutou d'Outre-Tombe," me dis-je ; et je m'assis sur la dalle, pour fumer une pipe, car l'air était particulièrement froid et humide.

Devant moi, barrant la pelouse, se trouvait une véritable haie de stèles et de fûts tronqués ; au-delà, je voyais une sorte de large névé dans lequel je crus reconnaître un champ de tombes d'enfants.

- "C'est meublé comme pas un !" répétai-je ; et je me mis à fumer avec grand plaisir.

A ce moment, je me sentis frôler le dos. Je me retournai et je constatai avec un peu d'étonnement que la statue de bronze se trouvait plus près de moi que je ne l'avais pensé.

De plus je vis que l'homme de bronze serrait une formidable faux dans la main, alors que je ne lui avais vu tenir qu'un sablier.

Je me souvins alors que la faux accompagne toujours l'horloge à sable et je m'accusai d'être mauvais observateur. Je lui tournai le dos et découvris un nouveau sujet d'étonnement.

La haie de stèles et de fûts tronqués s'était sensiblement déplacée vers ma droite et se dressait entre moi et la grille. Quant au névé des enfants, il semblait ondoyer en une mer lente et livide et gagner, lui aussi, l'issue du cimetière.

Je me levai et constatai avec un peu d'effroi qu'en faisant ce mouvement, j'avais dangereusement frôlé la faux de fer.

- "Diable," me dis-je, en voyant que le tranchant de cet engin était diantrement net, "on ne devrait pas laisser de pareils joujoux aux mains de bonshommes, même s'ils sont en bronze."

Je me dirigeai vers la sortie mais à présent je devais me rendre compte que ma vision ne me leurrait en rien : stèles et fûts se dressaient sur mon chemin de retour. Quant au cimetière des enfants, il semblait le plus acharné à me barrer la retraite : il avançait visiblement, dans un mouvement de reptation de plus en plus accéléré.

Je pris le pas de course et j'arrivai à la grille au moment où un bout de colonne de marbre rouge se jetait devant moi, comme un gros python acéphale. Je l'évitai d'une largeur de main et gagnai la grille ; elle claqua derrière moi avec un bruit féroce et, en me retournant, j'eus l'étrange vision du colosse de bronze, agrippé d'une main aux barreaux et brandissant sa faux, avec une rage hideuse à voir. ... [...]
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