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Citations de Jean-Raymond Loisel (16)


« Je crois à la liberté, je crois à la raison, je refuse les anathèmes, trouvons la force de résister à nos addictions, toutes nos addictions avant qu’elles ne nous emportent ! ».
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Etienne Berriac n’est qu’un échelon minuscule dans la galaxie médiatique, une signature sans visage, mais il est trop habitué à prendre le pouls de la population qui l’entoure, à en extraire régulièrement des faits anodins ou graves qui alimentent les colonnes de sa rubrique locale, pour ne pas comprendre une forme d’exaspération, un sentiment de désespoir qui peut gagner quelques individus sortis de la masse devant une société ivre de ses passions, tellement gonflée de foi dans le bonheur et l’épanouissement qu’elle en oublie les épées de Damoclès planant au-dessus de sa tête. Cette société qui a fait de la science son veau d’or, organisé le tour de la terre et visité l’atmosphère sans quitter son fauteuil, qui a vaincu la peste et repoussé le coronavirus, et qui se targue d’avoir fait reculer la misère tout en l’exposant comme jamais.
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Qu’il y eut des opinions divergentes voire opposées ne le gênait pas outre mesure du moment que tous se retrouvaient autour d’un même constat et se déclaraient prêts à sauter le pas. Il était enclin à passer l’éponge sur des réflexions flirtant avec les positions de l’extrême-droite ou de l’extrême-gauche, des jugements au couteau qui sentaient l’ancienne affaire des Gilets jaunes ou les relents de la pandémie. Des anti-machin et des pro-truc, il y en aurait dans cet équipage qu’il avait résolu de conduire vers l’inconnu mais il aimait cette idée d’un échantillon du corps social, avec leur histoire, leurs tribulations, leurs élans et au bout du compte leur besoin de branches auxquelles s’accrocher.

Ce qui perturbait JC, en revanche, c’était que la somme de leurs fragilités s’interpénétrait avec ses propres doutes : ai-je eu raison ? Et si je m’étais fourvoyé ? Ne me suis-je pas vu trop grand ? Après tout, je ne suis qu’un type ordinaire avec une vie ordinaire. Je n’ai pas le profil d’un intello pur jus, je n’ai pas été programmé pour être un leader d’opinion. Pour décortiquer les frasques de mes contemporains, je n’ai pas la légitimité des chercheurs en ceci ou cela que les télés poussent sur les plateaux, en rappelant leurs titres universitaires et leurs derniers ouvrages parus. Je ne suis pas un consultant appointé, rien qu’un quidam, un quidam qui étouffe, qui veut pousser un coup de gueule. Qui l’entendra d’ailleurs ? Quel écho lui donnera-t-on ? Les médias ont bien d’autres chats à fouetter, bien d’autres individus aux prétentions de Cassandre à convier à leurs effusions. Je ne suis pas la victime de je ne sais quelle chape de plomb qui leur ferait dire « ce type est un lanceur d’alerte, ouvrons lui en grand les portes de nos temples, il va prêcher la bonne parole ! ». Et pourtant, j’ai envie de crier à la face du monde : stop !!
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Dans un autre environnement, l’isolement dans cette maison blottie sous les pins, cette tiédeur du mois de juin qui ouvre les vannes vers l’été, « les militants de l’ultime », expression employée par JC pour les mobiliser, lui apparaissent pour ce qu’ils sont : plus ou moins paumés, plus ou moins râleurs, des pères tranquilles et des mères de famille centrés sur leur quotidien, quelques caractères, peut-être même des hyperactifs, des dominants… des victimes de l’emballement ? Victimes trop consentantes ?
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Refaire le monde exige du temps, des soirées prolongées, des congrès interminables, des conférences internationales. Mais qu’en reste-t-il ? Des propositions, des adresses à tel ou tel, des rapports dont les destinataires ne peuvent ou ne veulent concrétiser les propositions.
JC ne peut ignorer que la tâche est immense, sans doute au-delà des capacités des cerveaux les plus performants. Et pendant ce temps, l’œuvre humaine, dans ses intentions les plus louables, comme ses pires desseins, ses combats légitimes et ses foucades improductives, continue de tourner. L’orchestre joue toujours quand le Titanic coule...
Treize individus issus des quatre coins d’un pays désormais minuscule, au bout du continent européen, ne sauraient changer le monde, à supposer même que par leurs qualités personnelles, leurs profils, ils soient un échantillon représentatif de l’humanité, ce qu’à l’évidence ils ne sont pas.
Ils ne se demandent même pas si leurs consciences réunies pourraient leur faire tenir un message réellement universel. Et allez parler de frénésie aux gens qui crèvent de faim ou qui fuient les bombes qui leur tombent sur la tête !
Et pourtant, ils sont là, ils m’ont suivi, ils sont entrés dans un engrenage, celui que j’ai enclenché par ma sollicitation, peut constater JC.
Ils avaient choisi le réseau par besoin d’écrire, l’écriture est une facilité, un substitut confortable aux paroles qui s’enflamment ou qui ont du mal à sortir. J’ai ouvert une brèche, je leur ai donné un parloir, ils l’ont utilisé, mais maintenant, il s’agit de prendre un mégaphone ! Je n’ai pas le droit de les décevoir. 
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On dirait une réunion de rentrée au collège, se dit Inaki, quand les collègues se flairent et se reniflent, que quelques mots suffisent pour amorcer des relations de sympathie ou au contraire annoncer des distances durables.

JC n’a rien d’un principal de collège, il ne veut pas non plus passer pour un patron ou un chef de meute. Il sait qu’il est le trait d’union entre des personnalités diverses, des caractères affirmés et d’autres plus réservés.
A lui de créer de la cohésion dans un contexte inédit. Il a autour de lui un groupe de femmes et d’hommes, pas des pseudos cette fois, pas des silhouettes sur écran, des gens qu’il va falloir driver, comme dit Emilie.
JC perçoit bien le danger : si des divergences se font jour très tôt, c’est la déroute inéluctable. Alors il observe, il surveille discrètement les conciliabules qui s’esquissent.
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La Cité impressionne toujours, posée en majesté sur son piédestal dominant l’Aude, elle est unique d’une mer à l’autre. Selon l’heure à laquelle on la contourne, l’éclairage lui confère une réalité qui, l’espace d’un instant, étouffe nos références contemporaines, ravive un passé où se mêlent histoire et légende.
Son éloignement par rapport à l’Ile-de-France, énorme nébuleuse de populations et d’activités, sa rusticité loin de la vitrine de Versailles, en font une sorte de référence incontournable, un phare en pleine terre, une tour de guet comme celles d’où on scrute à présent l’horizon pour détecter les débuts d’incendie dans les garrigues méridionales.
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Une jeune romancière, rompue de toute évidence aux mœurs de l’époque, une retraitée un rien acariâtre, un sexagénaire gaulliste en quête de citoyens partageant son attente d’un sauveur, une infirmière à bout de souffle, un ouvrier qui ne croît plus au grand soir, un notaire soucieux d’équilibre des idées et des comportements, etc... JC a dressé avant même le départ le portrait de ses ouailles.
De ceux-là et des autres, malmenés dans leur itinéraire personnel par la cruauté des temps, déçus par les retournements de la conjoncture économique, remontés contre les excès du néolibéralisme, mais tous perplexes ou troublés par l’évolution de la société.
Il a passé au crible les motivations de celles et ceux qu’il a décidé d’accepter dans son équipe comme un entraîneur qui tient à l’homogénéité de son effectif de joueurs, à leur engagement sans ambiguïté avant une compétition.
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A présent, la terre n’est plus un lieu de pouvoir et l’industrie a foutu le camp. Bachir ne sait plus trop à qui s’en prendre. Il y a trop de fauteurs de nouvelles détresses. Les types bourrés d’oseille qui rachètent une boîte et bazardent les salariés à coups de plans sociaux pour faire monter le cours de l’action, ce sont des ennemis pour Bachir, mais on ne les voit pas, on ne sait même pas où ils sont parfois. Et la nouvelle économie, celle qui demande peu d’investissement mais beaucoup d’audace et de manœuvres « stratégiques », celle-là n’a guère de façades sur lesquelles taper, guère d’ateliers qu’on pourrait occuper.
Bachir ne discerne plus l’ennemi, ses repères sont brouillés. Etant ouvrier dans une entreprise plutôt protégée, il se fait parfois interpeller par des copains du privé, il sent que l’unité du monde du travail n’est plus qu’une illusion.
Et il assiste à un délitement qu’il n’avait pas entrevu, provoqué par une montée de l’individualisme.
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En rentrant chez elle, tout au long de la période de tension extrême, Amandine était saisie d’une brève envie de ne pas y retourner, comme une religieuse échappée du cloître, qui profite d’une sortie dans l’espace pour se rappeler qu’elle est une femme, avec des désirs de femme, et que Dieu n’a pas demandé ça !
Amandine n’a pas été élevée dans la foi. Elle a plutôt suivi les traces de ses parents, à la sensibilité de gauche, eux-mêmes forgés dans l’espérance d’un monde plus juste, moins cruel.
Avec le temps, elle s’est dit que ses géniteurs avaient sans doute placé trop de confiance dans la formidable élévation des niveaux de vie, dans l’illusion d’un bonheur par la gloutonnerie matérielle, la lubie d’une génération qui aurait voulu refuser la fatalité.
Elle a modéré ses reproches aux possédants, aux détenteurs de pouvoir, sans renoncer à croire qu’un jour tous nos progrès, de la science et de la médecine notamment, contribueraient à l’avènement de sociétés plus apaisées.
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Ces hôpitaux sont devenus des monstres, et la province, à son tour, s’est convertie à l’entassement des services. D’un grand hôpital, on dit aujourd’hui que c’est une ville en lui-même et l’image n’est pas fausse.
On se perd dans des couloirs, des labyrinthes, on cherche des escaliers bien dissimulés dont on ne sait où ils mènent, des ascenseurs qui sont souvent des monte-charge sinistres, on se débat face à des panneaux indicateurs où les codes de reconnaissance des services déroutent les visiteurs.
L’architecture a joué sur l’alignement rigide des fenêtres, les angles droits de bâtiments parallélépipédiques, les couleurs tristes des murs, les extensions chaotiques avec de nouveaux pavillons sortis de terre au fur et à mesure que les besoins augmentaient sans pouvoir toucher ou presqu’au périmètre originel.
L’invasion inévitable des véhicules, débordant des parkings réservés, a fini d’imposer l’idée d’univers concentrationnaires, au sens littéral du terme, refermés sur eux-mêmes comme s’ils redoutaient qu’on vienne les déranger dans leurs explorations des corps humains. On est au croisement de la science et de l’industrie, de la mécanique et de la technologie, un monde à part où l’on respire l’odeur de l’autre versant de la vie, celui qu’on préférerait ne pas connaître.
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Un mot, un seul, avait suffi à l’écroulement : retraite !
Un sale coup porté à des décennies d’humble dévouement à la cause des livres, une rupture de faisceau avec des collègues de travail immergés dans le même bocal de papier, des rayonnages omniprésents comme des statues qui vous toisent de toute leur hauteur, des clients fidèles ou ponctuels qui vous accaparent quelques minutes à la recherche d’une édition rare.
Un univers bien délimité, à l’écart des excitations de l’époque, de ses addictions, si ce n’était cet écran qu’il avait bien fallu accepter derrière le comptoir et ce damné logiciel avec lequel il avait fallu se familiariser si près de la fin. Un rythme paisible, ou plutôt une absence de rythme, juste cadencé par le tintement de la sonnerie au-dessus de la porte que personne ne s’était avisé de mettre au rebut au profit d’une plus moderne, des échanges à voix basse comme si les visiteurs n’osaient laisser transpirer quelque trouble passion ou partageaient avec les employés des secrets inavouables. Ce réduit à la vitrine triste, à l’arrière-boutique mal éclairée, était pour Emma une source de vie sans éclats, un filet d’eau silencieux arrosant ses journées depuis de longues années.
Au seul mot de retraite, prononcé par la propriétaire de la librairie devenue au fil du temps presqu’une amie, la source qui alimentait le quotidien d’Emma s’était tarie, son Rhône voisin s’était asséché comme une rivière du sud sous la canicule estivale.
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Il s’attend chaque jour à prendre dans la figure une remarque perfide sur son absence d’activité, sur cette rémunération qui ne rentre plus, divisant par deux les ressources du foyer.
L’algarade est proche, il le sait. Comme pour se faire pardonner, il accompagne les enfants à l’école mais ils n’ont pas vraiment besoin de lui.
L’après-midi, il sort, il remonte les rues et les avenues, souvent absorbé dans ses pensées, se repère parfois grâce aux stations de métro. Son esprit s’arrête sur des agressions insignifiantes de la vie publique qu’il aurait traitées avec indifférence auparavant, des scooters qui surgissent sur vos talons au moment où on ne les attend pas, des gens qui vous bousculent presque sur les trottoirs, poussés par on ne sait quelle urgence. Il entre dans un grand magasin sans aucun projet d’achat et en ressort parce que tout l’agace, la ventilation, la musique à deux balles, les voix démagogiques qui poussent les clients à la consommation.
Il lui arrive de traverser une artère sans même regarder si le feu est encore vert, les automobilistes piaffent d’impatience, ça klaxonne de partout, le vacarme écrase les places et les rues, c’est une symphonie de Beethoven assommant un ballet endiablé de Béjart.
Il étouffe, l’atmosphère bouillonnante lui occasionne des éblouissements, un genre de vertige qui le rappelle à la dure réalité de la guerre urbaine, contre le temps, pour l’espace.
Le soir, il fait un compte rendu biaisé de ses errances à Nathalie, s’attribue des obligations qui n’en sont pas. Elle n’est pas dupe, elle attend la suite, elle veut bien croire leur médecin qui répète que la dépression est derrière lui, derrière eux, mais elle n’a aucune certitude. Comment sait-il, le gentil praticien, si son JC est encore au fond de la piscine ou s’il est en train d’amorcer une remontée ? Qui sait si un mal n’a pas pris la relève d’un autre ? Où le mène cette oisiveté ? Qu’est-ce qui grenouille dans sa tête ?
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Nathalie est troublée par l’entaille imprévue dans leur bonheur qui menace de façon croissante les enfants. JC s’enferme dans une communication tronquée, ne leur témoigne plus le même intérêt. Il a perdu sa spontanéité paternelle, affectueuse, qu’il a toujours affichée depuis leur naissance. Le malaise se répand en nappe comme une mauvaise inondation, traverse les pièces de la maison sans se soucier du caractère sacré des chambres d’enfant.
Où cela nous mène-t-il, commence à se demander Nathalie, alors qu’on s’approche de Noël ?
La dépression nerveuse est avérée, le médecin l’a assuré et imposé un arrêt de travail. Avec quelles suites ? Une dégringolade professionnelle ? C’est à redouter quand elle le voit si peu concerné par ce qui se passe dans son entreprise. Un ébranlement de leur quiétude familiale ? On peut s’attendre à tout, y compris au pire.
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Le 15 avril 2019, JC se trouva brutalement confronté au sinistre rappel des flammes de l’enfer.
Notre-Dame de Paris brûlait ! Le 11 septembre, c’était un temple de la modernité qui était parti en fumée, voici qu’un feu, encore un feu, venait de prendre pour cible le génie des temps anciens.
Une cathédrale attaquée par un brasier, il fallait remonter encore aux archives des bombardements de la guerre. JC ne les avait pas vécus, ni la plupart des Parisiens qui se pressaient à présent sur le quai à côté de lui, dans la stupeur et l’affliction. « Paris brûle-t-il ? » aurait demandé Hitler, fasciné par cette ville qui lui échappait, qu’il voulait détruire faute d’avoir pu la conserver sous sa botte.
Non, Paris ne brûlait pas ce 15 avril, mais c’était le cœur de la capitale, ce joyau éclairant une île prise dans les bras de la Seine, qui s’était enflammée.
La Notre-Dame de Victor Hugo, celle d’Esmeralda et de Quasimodo, celle de Claude Frollo, incontournable visite empreinte de solennité pour des millions de visiteurs, joyau d’une trinité que le monde envie aux Parisiens, avec l’Arc de Triomphe et la Tour Eiffel. Un des cœurs de la chrétienté nationale, un symbole d’une architecture qui savait marier la grandeur des édifices conçus par des visionnaires et l’ouvrage ciselé par des artistes de la miniature, menaçait de se consumer.
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Jean-Chrysostome portait son prénom composé comme un sac à dos bourré de trucs plus ou moins utiles qu’on emporte pour une promenade en montagne dont on ne mesure pas précisément la durée et qui s’en prennent à vos cervicales pendant des heures. En plus, il avait toujours gardé une certaine difficulté à épeler correctement le sésame identitaire. Il oubliait un r après le Ch ou mettait un o de trop, hésitait entre le i et le y, un vrai parcours du combattant.
A chaque obligation de livrer le fardeau à un inconnu, il maudissait sa mère, son caractère impossible, cette manie de remettre le couvert de ses origines alors qu’elle vivait depuis son enfance dans le 14ème arrondissement. Et même après sa mort prématurée, à cinquante-cinq ans à peine, fauchée par un taxi trop pressé, rue de Vaugirard, Jean-Chrysostome éprouvait du mal à lui pardonner.
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